Chapitre 2 - Dans une mare de sang

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— MONSTRES ! VOUS N'ÊTES QUE DES MONSTRES ! rugit une voix furieuse.

Severus cligna des yeux. Il était recroquevillé dans un coin de la pièce, entre un mur et une grosse armoire remplie de bouteilles d'alcool. Il passa ses petits bras autour de ses genoux et les serra contre lui. Il tremblait comme une feuille et sa respiration était haletante, irrégulière...

Le garçon de six ans était dans la toute dernière maison d'une rue nommée l'Impasse du Tisseur. C'était une bicoque misérable et poussiéreuse. La fenêtre sale et crasseuse du salon atténuait la luminosité des rayons du soleil. Des tuiles du toit étaient tombées lors de divers orages ou tempête. Le vieux canapé était élimé, le fauteuil abîmé était renversé et la table branlante semblait encore debout, par le plus grand des miracles. Le sol était jonché de bouteille de bière : son père était un alcoolique né. On ne change pas les bonnes vieilles habitudes, encore moins quand elles sont mauvaises.

Devant le noiraud, son père et sa mère se disputaient violemment. Les cheveux brun foncé de Tobias Rogue bougeaient au rythme de ses mouvements de tête brusques. Il avait un nez crochu et une stature plutôt imposante due à sa grande taille. Il portait une chemise qui devait auparavant être blanche, mais qui avait tourné au gris souris. Son pantalon était marron, mais il était impossible de dire si c'était sa couleur d'origine ou si c'était la boue et la crasse qui en étaient la cause. Et actuellement, l'homme était ivre de rage au moins autant qu'il était ivre tout court. Il jeta sa bouteille de whisky sur le sol et le récipient se brisa en mille morceaux sur le parquet. En face de lui, sa mère, Eileen Prince, recula jusqu'au mur, les bras tendus devant elle, comme pour lui faire signe de ne pas s'approcher. Elle avait des cheveux noirs, couleur dont Severus avait hérité, qui tombaient dans son dos. Son visage maigre et cireux habituellement à l'air revêche montrait cette fois une terreur incontrôlée. Elle tremblait de tout ses membres dans sa robe noire.

— S'il te plaît, calme-toi, chuchota-t-elle d'une voix inquiète en suppliant son mari de ses yeux sombres.

Severus remarqua alors le grand couteau à viande que son paternel tenait à la main et ses yeux s'écarquillèrent. Son souffle se bloqua dans sa gorge tandis que l'homme avançait, levant son arme au-dessus de sa tête. Non...il n'allait tout de même pas...

Au moment où il l'abattait devant lui, le garçon détourna les yeux, la tête entre ses mains tremblantes. Il entendit le bruit de la lame s'enfonçant dans la chair, le bruit sourd du corps tombant sur le sol. Puis ce fut le silence... Un silence de mort...

En proie à un début de crise de panique, Severus se mit à respirer d'une manière désordonnée, il ne contrôlait plus ses muscles. Ses jambes étaient paralysées, son coeur faisait un solo de batterie si puissant dans sa poitrine qu'il se demandait comment il n'avait pas explosé.

— S'il te plaît, murmura Eileen d'une voix faible en attrapant d'une main le bas du pantalon sale de l'homme.

Le sang se répandait autour de sa blessure. Sur sa robe noire, une tache plus sombre s'étendait au niveau de son ventre.

— Pas Severus...non pas lui... supplia la mère en sanglotant, ses larmes se mêlant à son sang.

— C'est un monstre comme toi ! trancha Tobias d'une voix dure en se dégageant d'un brusque coup de pied. Il faut exterminer la vermine de cette maison ! Je ne peux pas vivre avec des monstres !

L'enfant regarda son père se tourner vers lui, les mains couvertes d'éclaboussures écarlates. Un sourire dément étirait ses lèvres pincées. La lueur dans les yeux sombres de l'adulte ne présageait rien de bon...La sorcière sembla comprendre qu'il ne s'arrêterait pas. Une curieuse lumière l'entoura tandis qu'elle murmurait. Tobias fit un pas en direction de Severus, le parquet grinça sous son pied

Yes, young masterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant