IX - Son deuxième visage

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Aeria n'a jamais connu la tendresse d'une mère ou d'un père. La caresse que porterait sa mère sur son front en cas de forte fièvre ou de chagrin, le baiser rassurant que déposerait son père sur sa joue après une journée éprouvante.

Il est difficile parfois de se rendre compte que nous ne connaissons pas réellement les personnes avec qui nous vivons et que parfois, nous nous sentons encore plus seul en étant entouré.

Dans son lit, sous des couvertures épaisses, une cheminée constamment alimentée pour que la température de la pièce ne baisse jamais, Aeria ne cesse de grelotter. Elle se tourne d'un côté, puis d'un autre, la couverture remontée jusque sous son nez mais rien y fait, depuis qu'elle est sortie de la grotte, elle est frigorifiée.

Elle entend la porte de la chambre s'ouvrir. Elle reste tournée dos celle-ci, les yeux clos, serrant la couverture et recroquevillée sur elle même. Puis elle sent qu'on pose quelque chose sur la couette et que cette chose gigote jusqu'à venir près de son oreille pour y frotter son museau humide. Le chat se met alors à ronronner et les lèvres gercées d'Aeria s'étirent en un large sourire. Elle se retourne aussitôt, s'assoit et prend Flocon dans ses bras.

— Tu es en vie, souffle-t-elle en serrant la boule de poils contre elle.

— Sa patte est cassée mais il s'en remettra, intervient Natanaël de sa lourde voix.

Aeria relève les yeux vers lui, et esquisse un faible sourire.

— Merci...

— Ne souhaitez-vous pas sortir ? Vous êtes restée enfermée trois jours.

— Je préfère rester ici...

Natanaël reste droit, les bras croisés, il observe sa femme de longues secondes. Il a respecté son choix et l'a laissée seule durant ces trois jours, ainsi, il s'est trouvé une autre chambre où dormir.

— Je souhaiterais savoir ce qu'il s'est passé. Le récit dont j'ai eu vent ne semble pas coller avec votre état.

Aeria détourne le regard et le pose sur son chat qui s'est couché en boule sur ses jambes.

— J'ai retrouvé Flocon, voilà tout.

— Vous avez dit que vous aviez vu un Dragon mais les Dragons n'existent plus depuis longtemps.

Elle inspire profondément et expire lentement par le nez.

— Insinuez-vous que je suis folle ?

— Non, je m'interroge, simplement.

— Commencez par être honnête avec moi, Natanaël, vous semblez chercher quelque chose, non ?

Ce dernier hausse un sourcil puis fait le tour du lit. Il s'arrête près de la fenêtre et, l'air songeur, fixe l'horizon. Aeria le suit du regard, la pauvre a les lèvres gercées, le teint pâle et de grosses cernes sous les yeux. Elle ne parvient plus à fermer l'œil, chaque fois qu'elle s'apprête à s'endormir, l'image de cette gueule béante et pleine de flammes lui revient en tête.

— Je vous trouve très indécente. J'ai quitté le château pour vous retrouver et...

— Souhaitiez-vous me retrouver moi, ou autre chose ?

Natanaël se pince les lèvres et se tourne légèrement vers elle. Il appuie son épaule contre le mur. Il semblerait que le comportement d'Aeria le mette en colère mais en sa présence, et parce qu'il n'aime pas se montrer vulnérable pour quelque raison que ce soit, il tente de se contenir.

— Ne me coupez plus jamais la parole de la sorte, vocifère-t-il.

— Qu'allez-vous faire ? Me punir ? Me renvoyer chez moi ?

L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant