L'Armure du dernier Dragon [INTÉGRALE]

XIV - Des histoires de Dragons

— Alors... à quoi sert tout cela ? demande Aeria en observant la grande maquette disposée sur la table.

Nathanael lui jette un bref regard et se concentre sur son travail. Il se redresse et enfonce une main dans la poche de son pantalon.

— C'est une représentation des Six Terres.

— Je reconnais ma maison, rétorque-t-elle, ici, à Valmont.

Nathanael ne rétorque rien, il observe en silence cette carte grandeur nature et chaque gouverneur des Terres représentés par ses pions de bois sculptés. Il songe à de potentielles alliances mais ne fait confiance à personne, comme le roi souhaite s'entretenir avec lui, il lui faut échafauder un plan dans le cas où le roi souhaite déclarer une guerre. Lors de son mariage, Nathanael n'a pas été coopératif avec le messager, il sait très bien quelles représailles cela peut représenter pour Les Landes.

— Ici, est-ce la Montagne du Trépas ? s'enquit Aeria en montrant la grande montagne qui semble surplomber chaque Terre.

— C'est elle-même, répond Nathanael, froid et distant. Peu importe où vous vous trouvez sur les six Terres, cette montagne sera visible, elle coupe notre monde en deux et personne n'a encore osé l'escalader pour voir l'étendu des Terres de l'autre côté.

— Peut-être y a-t-il une autre civilisation... souffle la jeune femme.

— Peut-être, grommelle Nathanael, mais tout cela ne vous regarde pas.

Il contourne son bureau et se poste devant la grande fenêtre. Il passe de longues heures à regarder la lune prendre place dans le ciel chaque soir. Il lui est difficile de trouver le sommeil et ce, depuis bien des années. Le repos n'a jamais été une option pour lui, comme s'il était maudit et que son esprit ne pouvait jamais faire de pauses.

— J'aimerais vous parler, intervient Aeria.

Nathanael reste dos à elle, il pousse un profond soupir et jette un regard à son ami.

— Hervos, veux-tu bien nous laisser seuls un instant ?

Ce dernier acquiesce d'un hochement de tête et quitte la pièce, refermant doucement la porte derrière lui. Nathanael demeure face à la fenêtre. Aeria, les mains croisées devant elle, n'ose guère s'approcher.

— Peut-être avons-nous commencer sur de mauvaises bases vous et moi...

— Ne cherchez pas mon pardon, Aeria, vous ne l'obtiendrez pas. Qu'attendez-vous de moi ? Votre changement d'avis me semble bien trop soudain.

Aeria laisse ses épaules s'affaisser et monte sur l'estrade sur laquelle est disposé le bureau du roi.

— Je dois admettre que je ne sais pas comment me comporter avec vous. Vos paroles m'ont blessé mais à la fois, je les comprends. Je suppose qu'à votre place, moi aussi j'aurais été folle de rage.

— Je ne suis pas fou de rage car vous vous faites culbuter par mon garde. Ce qui me met en colère, c'est votre façon de faire, ne pas vous cacher, m'humilier de la sorte face à mon peuple. C'est une chose que je ne parviens pas à concevoir. Nous sommes mariés, je ne vous demande pas de m'aimer, je vous demande de me respecter comme je vous respecte.

La jeune femme reste silencieuse un instant, lorsqu'il lui parle, Nathanael est froid cependant, son ton est bien plus calme que quelques heures plus tôt.

— Je l'entends, oui, répond-elle, docile. Je n'ai pas d'éducation, j'ai l'habitude que les hommes soient fou de moi et vous...

Nathanael se retourne et la regarde, ce qui la fait taire. Ses yeux bleus sont transperçants, intimidants. Son visage est fermé à toutes émotions.