Design par la talentueuse KatFlake 🖤
___
La nuit était tombée depuis longtemps déjà. Son manteau de jais ayant recouvert le monde, le char étoilé de Nyx avait parcouru la voûte céleste et désormais, seules les ténèbres régnaient en impératrice impitoyable. Dans cette obscurité, une masse informe se distinguait, se faufilant entre les arbres gris de la forêt.
C’était la Chimère, ombre parmi les ombres, sans forme, sans identité, sans réalité. Elle errait, bannie du monde, bannie des siens, bannie des hommes.
Claudicante, elle se ramassait sur elle-même, chaque geste puisant dans le peu d’énergie que son cœur pouvait encore contenir. Elle se traînait, mortellement blessée, le flanc percé d’une lance. Derrière elle, de ses chairs meurtries, son cruor jaillissait et se déversait sur le sol stérile, fleuve maudit, nouveau Styx des damnés.
Ses enfers l’avaient déjà engloutie et elle n’avait nul besoin de démons pour s’y enfoncer. La noirceur dévorait son cœur, suivie du malheur et de la douleur.Sur ses babines retroussées, elle avait le goût salé du nom de son assassin. Bellérophon. Elle le revoyait se dresser face à elle, fier, son arme brandie vaillamment, cruellement, dans toute sa splendeur, sa silhouette guerrière se découpant dans la lumière et la rejetant, elle, dans les ténèbres. Il était tout alors, à ce moment-là.
Fils des dieux. Roi des hommes. Héros des mythes.
Et elle ? Qu’était-elle ?
Qui était-elle ?
On murmurait son nom avec peur, on craignait ses apparitions, on maudissait son apparence.
Cœur de lion, venin de serpent, cornes de chèvre. Le mal incarné, la terreur ambulante. Faite pour créer l’effroi dans les cœurs, pour dévaster et tout ravager à l’aide des flammes qui jaillissaient de sa gueule béante…
Elle était si laide face au Pégase. Si laide face au monde…
Monstre ou phantasme. Illusion ou créature. Présage de tempête, de naufrage, de catastrophe. Présage de malheur. Condamnée. Elle n’avait eu de cesse d’être chassée et rejetée, poursuivie par les hommes et leurs piques. Parce qu’elle était différente. Par ce qu’elle était.
Et la chimère pleurait.
Qui était-elle ?
Son pas lourd frappait le sol, d’un rythme militaire, comme la foudre du ciel qui s’abattait sur la terre, ses foudres à elle se libérant de ses chairs. Ses griffes soulevaient la poussière, marquant à jamais son passage, éternel et éphémère.
Elle était perdue.
Désespérément perdue.
Elle ne voulait plus être un monstre synonyme d’infortune. Elle voulait être elle.
VOUS LISEZ
Les riens d'un chemin
PoetryLa vie est faite de riens. Des courts instants. Des émotions. Des paysages. Des rencontres. D'autres vies qui se croisent et se décroisent. Des interrogations. Des divagations nocturnes. Des souvenirs. Des riens qui fleurissent tels des chrysanthèm...