J'ai ouvert la jarre. Boîte de Pandore de mon coeur. Elle était pleine depuis tant de temps. Pleine jusqu'à aujourd'hui. J'en ai tiré tous les mots qu'elle contenait, ces papiers déchirés qu'elle a enfermé pendant des années. Les gardiens des dernières miettes de notre amitié, ces souvenirs à la fois si doux et amers.
J'aurais voulu pouvoir pleurer en dépliant ces débris. En découvrant nos vieux mots, nos visages massacrés par les plaies de jadis, et les traces d'un amour que le temps a remplacé, effacé.
Mais mes yeux sont restés secs, incapables de verser aux racines de nos maux la moindre perle d'eau.
Ces bribes d'un beau passé, elles n'étaient plus que morceaux à peine lisibles. Un puzzle qu'il aurait fallu reconstituer sans jamais pouvoir le saisir en entier. Il y avait parmi elles un collier, un médaillon, la moitié d'un cœur. L'autre est perdu à jamais.
Comme un rappel que ce premier cœur brisé, je te le dois. Il est des amours causant des peines, des premiers chagrins qu'on ne pourrait jamais oublier.
Alors, j'ai jeté tous les mots. Hors de leurs bocaux, ils n'étaient plus rien. Hors de la prison qui les avait étreint depuis notre ultime printemps, ils n'étaient plus que ce qu'ils étaient réellement : des fantômes.-
J'ai vidé la jarre et j'y ai mis des fleurs. Des fleurs séchées, belles mais fanées. Mortes mais colorées. Sauvées du néant, du feu, du mépris. Sauvé de la marée des autres débris. En mémoire de leur beauté fanée, de leur vie si éclatante, de leur parfum vivifiant capable d'animer un cœur.
Incapable de les laisser partir.
Je les ai récupéré pour figer leur agonie à jamais. Les pétales jadis si rouges désormais dans un pourpre virant au brun. Le doux bruissement formant à présent un froissement au moindre mouvement. Sèches, si sèches. Aucune perle d'eau pour les nourrir. Leurs racines ont été coupées depuis longtemps. Elles ont lutté pour survivre mais leur éphémère charme les avait déjà condamné.
Sauver les fleurs en les vouant à l'éternité.
Désormais, sur une étagère, elles trônent.-
J'ai ouvert et vidé la jarre. Et j'ai refermé mon cœur. Les souvenirs ne sont plus. Les fleurs les ont remplacé.
Aerdna
Divagation du 13 mars 2023
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Les riens d'un chemin
PoesíaLa vie est faite de riens. Des courts instants. Des émotions. Des paysages. Des rencontres. D'autres vies qui se croisent et se décroisent. Des interrogations. Des divagations nocturnes. Des souvenirs. Des riens qui fleurissent tels des chrysanthèm...