Pour Eugène, les résultats ne furent en rien surprenants : échec au concours d'écriture, Bac mention Très bien, admis à la Sorbonne dans la licence de son choix et propulsé vedette de l'association de danse au vu de sa carrière sur scène.
Exceptée la danse, Aimée eut sensiblement les mêmes résultats, pour une réaction bien différente : elle hurla de joie. La Sorbonne la prenait ! Elle y avait placé son personnage en pensant qu'elle n'y irait jamais, et voilà que ses souhaits devenaient réalité ! Albane fut bien sûr la première à l'apprendre, d'autant plus qu'elle aussi était prise. Une de ses amitiés allait survivre à un changement d'école pour la première fois de sa vie !
Eugène et Aimée se ressemblèrent donc au niveau de leurs résultats, mais aussi pour leurs vacances d'été : elles ne furent jamais aussi enivrantes que cette année-là, au point de ne pas toucher à leurs journaux respectifs de juin à septembre. Pendant ces mois de liberté, ils eurent l'impression d'exister enfin après avoir passé leur vie sous l'égide des autres.
La rentrée devait pourtant totalement éclipser cette parenthèse de leur vie.
***
Les premiers jours à la Sorbonne marquèrent plusieurs changements dans leurs habitudes. Aimée n'écrit plus la vie d'Eugène, elle commença à tenir un véritable journal intime sous son propre nom. Eugène, de son côté, ne connaissait personne et la réciproque étant vraie il put se laisser aller à son plus grand penchant : la paisible solitude. Puis la routine des cours s'enclencha, les associations commencèrent leurs activités, et le club de danse d'Eugène l'alpaga sans retenue. Il fut décidé immédiatement et sans son accord que, pour le jour du forum des associations, ce serait lui et pas un autre qui serait chargé de charmer les visiteurs d'une de ses chorégraphies. Il eut bien l'idée de se plaindre, mais entre danser et parler à des inconnus, il y avait une activité qui le tentait bien plus que l'autre.
La journée portes ouvertes commença sous les meilleurs auspices pour son association. L'affluence ne baissait pas d'un orteil, sans cesse renouvelée par les rumeurs sur un danseur qui avait joué pour l'Opéra plus jeune. Aimée s'y rendit elle aussi, curieuse de voir quelqu'un avec le même CV que son personnage, mais aussi à la recherche d'une activité en dehors de ses cours.
Et arriva ce qui devait arriver...
Eugène avait fait une pause, fatigué par ses enchaînements et son absence de pratique intensive ces deux derniers mois. Il n'en avait pas fallu plus pour que des curieux viennent lui parler et le questionner à son grand dam. Il peint son visage de sympathie et leur répondit amicalement tout en cherchant une échappatoire par des coups d'œil discrets. Il aperçut alors une jeune femme en arrêt, son regard planté dans le sien, et le souvenir de son histoire pour le concours d'écriture lui revint en tête. Inconscient de ses gestes, il écarta les autres étudiants et se dirigea vers elle. Leurs mains s'effleurèrent, leurs souffles se frôlèrent et d'une voix ils pensèrent :
-C'est comme je l'avais écrit...
De l'extérieur, la scène tenait de la retrouvaille. Pas un spectateur ne doutait qu'ils s'étaient déjà vus, avaient fait connaissance, avant de se perdre pour une triste et dramatique raison. Les plus romantiques y décelaient une romance d'été, les plus tragédiens une famille brisée et les plus terre à terre une amitié oubliée. Tous se trompaient, mais tous étaient pourtant convaincus de détenir la vérité. Les concernés étaient les seuls à véritablement la connaître et ils n'osaient pas y croire, jusqu'à même s'y refuser. Flotta un instant dans lequel leurs pensées se perdirent, avant de retourner à la réalité quand débarqua Albane :
-Je savais que je te trouverai ici Mémé ! Oh, mais qui va là ?
Elle jugea Eugène d'un coup d'œil expert, un sourire naissant sur un coin de ses lèvres.
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Liés par la Plume
Historia CortaAimée a toujours tenu un journal intime pas comme les autres : au lieu d'écrire sa propre vie, elle écrit celle d'un danseur de ballet nommé Eugène. Depuis ses 9 ans, c'est là son échappatoire et c'est là qu'elle se sent libre. Elle ignore cependant...