La salle craquait sous l'effervescence de son public. Sur la scène dormait encore l'épais rideau rouge, indifférent face au brouhaha des spectateurs. Derrière lui, bien moins tranquille, Eugène subissait un trac auquel il avait toujours échappé. Aujourd'hui, la représentation comptait vraiment. Non seulement pour lui, mais aussi pour Aimée qui l'avait entièrement rédigée, et surtout pour Albane, qu'il comptait bien ne pas décevoir. Dans le public, il y avait les parents de cette dernière, pression supplémentaire, et son petit frère de trois ans, potentielle source de cris exaspérants. L'endroit lui, n'avait rien d'un opéra, ressemblait à peine à un théâtre et comptait bien peu de places contrairement à l'habitude du danseur. Ça ne changeait rien, ou pire, ça changeait tout. Il n'avait pas affaire à des gens familiers des ballets ici, on était dans une petite salle, aux dimensions de sa carrière naissante, et dont le prix d'entrée ne coûtait pas des mois de travail à mi-temps. C'était un monde différent, un monde auquel il allait montrer quelque chose d'inédit.
Plaire ou ne pas plaire, telle était la question que se posait aussi Aimée entre deux tremblements de main. Elle n'écrivait plus pour elle, non, et elle n'y était pas vraiment préparée. Elle faisait confiance à Eugène tout en doutant de sa pièce, comme elle avait douté tout au long de sa réalisation. L'heure n'était plus aux corrections hélas : le vacarme se calmait et le rideau se levait. Ça commençait.
Chacun retint son souffle.
Aimée et Eugène n'étaient plus présents, déjà perdus dans l'instant après la représentation, celui durant lequel ils espéraient dire d'une même voix :
"C'est comme je l'avais écrit..."
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Liés par la Plume
Storie breviAimée a toujours tenu un journal intime pas comme les autres : au lieu d'écrire sa propre vie, elle écrit celle d'un danseur de ballet nommé Eugène. Depuis ses 9 ans, c'est là son échappatoire et c'est là qu'elle se sent libre. Elle ignore cependant...