Un Hiver Sans Printemps | [Jeon Jungkook]

Chapitre 45

Dans notre chambre, devant le miroir, j'admirais la robe offerte par ma belle-mère. Elle était bleue marine, d'un tissu plutôt fin mais suffisamment chaud, et descendait jusqu'à mes genoux. Des motifs argentés, représentant des tiges sur lesquelles fleurissaient des perce-neiges, partaient du bas de la robe et remontaient jusqu'à ma taille, serrée par un large pan de tissu de la couleur de la robe. Ces mêmes motifs étaient également présents en bleu marine, sur le col et les manches longues de la robe -eux-mêmes transparents-, donnant l'impression d'être peint directement sur ma peau.

Je pris mon collier dans une main, je ne l'enlevais jamais, sous aucun prétexte, cette clé de sol faisait partie de moi depuis le jour où Jungkook me l'avais offerte. Sa mère avait d'ailleurs bien choisir ma robe, le pendentif ne gâchait en rien ma tenue, il y était même accordé. Jungkook apparut soudainement derrière moi et m'enlaça tendrement en m'observant à travers le miroir.

"Tu es magnifique... Souffla-t-il.

- Merci, toi aussi." Répondis-je tout aussi tendrement.

Je remarquai alors qu'il ne s'était pas encore changé, Jungkook portait encore les vêtements qu'il avait mis cette après-midi pour la venue de ses parents. Après avoir dormi environ une heure et demie, Jungkook et moi nous étions levés pour ranger le salon et la cuisine, avant de s'habiller pour ce soir. Je me tournai vers lui pour l'embrasser rapidement.

"Tu vas te changer ? Après on pourra y aller. Annonçai-je.

- Raon n'a rien dit de spécial au fait? S'étonna-t-il.

- Seulement de faire attention, mais qu'il ne sera pas trop loin en cas de problème. Expliquai-je.

- Donc il sait où on va. En déduisit Jungkook.

- Tout à fait !" M'exclamai-je en souriant.

Je fis un petit tour à la salle de bain pour me coiffer, avant de retourner dans la chambre où Jungkook avait fini de s'habiller. En m'approchant de lui, je sentis ma tête tourner légèrement. Je m'apprêtais donc à faire demi-tour pour prendre mes cachets dans la cuisine, mais mes vertiges s'intensifièrent et je me sentis partir.

"Yoon-suh !! S'écria Jungkook en me rattrapant de justesse. Yoon-suh ça ne va pas !?"

Il m'accompagna lentement jusqu'au sol pour m'y asseoir. Je pris ma tête entre mes mains, la douleur s'amplifiait lentement. Je serrai les dents, essayant de maîtriser ma respiration qui s'intensifiait.

"Yoon-suh qu'est-ce que tu as !? S'inquièta Jungkook.

- La- La boîte, articulai-je, dans la cuisine..."

Il fallait absolument que je prenne les cachets, même devant lui, ça n'importait plus. Jungkook se leva, après s'être assuré que je ne tomberai pas plus bas, et couru hors de la chambre. J'entendis des portes claquer, des tiroirs s'ouvrir et se fermer, un verre se briser, une injure, puis plus rien... Ma douleur s'effaça peu à peu, aucune faille ne s'était ouverte, mais je n'eus pas le temps de m'en inquiéter, le silence qui prenait place dans l'appartement devenait de plus en plus lourd.

"Jungkook ? Appelai-je.

Aucune réponse.

- Jungkook tout va bien ?" Repris-je plus fort.

Toujours rien. Je pris appui sur le lit près de moi pour me relever, et m'avancer doucement en direction de la cuisine, le cœur battant. Seul le bruit étouffé des voitures dans la rue, mon souffle et les frottements de ma robe parvenaient jusqu'à mes oreilles, tandis que je progressait lentement à travers l'appartement.

J'aperçus alors Jungkook dans la cuisine, dos à moi. Au sol face à lui, s'étalaient les morceaux de verre, noyés dans une flaque d'eau qu'ils contenaient sûrement quelques instants plus tôt. Sur le comptoir, la boîte de médicaments était posée, deux étaient sortis. Malgré tout, Jungkook ne bougeait pas, il semblait figé.

"Tu le savais ?

Je sursautai, sa voix était grave.

- De quoi ?" Interrogeai-je sans comprendre.

Il se tourna lentement vers moi, un frisson de terreur me parcourut lorsque je croisai son regard. Il me tendit alors un objet, et mon sang se glaça. Il avait trouvé l'album, j'avais presque oublié son existence, je ne l'avais pas caché non plus, mais je n'avais pas imaginé qu'il pourrait tomber dessus.

"Tu le savais n'est-ce pas ? Reprit Jungkook.

- Jungkook je-

- Tu t'en souvenais !! Cria-t-il.

Je fis un pas en arrière.

- Tu savais que j'aurais dû faire partie de ce groupe, et tu ne m'as rien dit !!? Continua-t-il toujours plus fort.

- Jungkook laisse-moi t'expliquer. Demandai-je la voix tremblante.

- M'expliquer quoi ?? Vociféra-t-il. Depuis tout ce temps, quand tu m'as dit que tu connaissais l'avenir ! Tu le savais ! Mais tu n'as rien fait !!

- Non ! Protestai-je les larmes aux yeux.

- Je te faisais confiance !!! Je pensais que tu m'aimais vraiment !! Mais en fait-

- Jungkook écoute-moi !! Suppliai-je.

Je pris sa main mais il la retira violemment et recula.

- Tu n'as rien à me dire ! Pesta-t-il. Je ne te crois plus."

Il fit volte-face et sortit de l'appartement, je hurlai son nom, en vain. Il avait claqué la porte, je m'effondrai en pleurs au milieu du salon. Jungkook ne fit pas demi-tour, personne ne rouvrit la porte, malgré mes larmes, malgré mes cris, j'étais seule.

Jungkook se souvenait, il se rappelait désormais de qui il aurait dû être, de ce qu'il aurait dû faire, et je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Mais ces mots m'avaient blessés, qu'il ait pensé que mon amour pour lui était faux me faisait mal et je lui en voulais tellement de penser ainsi...

Au milieu de l'appartement, je me noyai dans mon chagrin, une bonne quinzaine de minutes. Mes larmes coulaient en cascade sur mes joues, inondant ma robe et le carrelage froid du salon, où seuls mes pleurs résonnaient. Je n'avais plus de souffle tant je hurlais, plus de force tant je pleurais, plus d'envie, plus rien. Je n'avais plus rien. J'avais tout détruit.

Le silence revint soudainement, après ce qui m'avait paru une éternité. J'hoquetais, n'ayant plus la force de pleurer, dans l'ombre du salon, éclairé par la seule lumière de la cuisine. Je repris peu à peu le contrôle de mes pensées, il fallait que je fasse quelque chose. Il fallait que je répare ce que j'avais causé. Comment ?

Comme la première fois...

Je levai les yeux vers la cuisine dans laquelle m'attendais toujours la boîte de cachets. À grande dose... Une grande dose de médicaments pourrais faire l'affaire. Je me redressai, non sans difficulté, pour m'approcher du comptoir. Je pris la boîte pour vider sur le meuble ces dizaines de cachets, mortels si pris à grande dose. Mais combien devrais-je en prendre ? Est-ce que ça suffirait ?

Un klaxon dans la rue attira mon attention, je tournai la tête vers la fenêtre, avant de m'en approcher lentement. Je l'ouvris pour me rendre sur le balcon et regarder par-dessus le garde-corps. Dans Séoul, des cris de joie raisonnaient, des lumières scintillaient, malgré le vent froid qui traversait la ville. La capitale était animée, elle resplendissait grâce à toutes ces décorations de Noël, toutes ces guirlandes.

Cette vue aurait réjouis n'importe qui, cette idée de passer le réveillon avec ses proches... Pourtant, seules mes larmes purent profiter du spectacle, avant de tomber, pour s'écraser sur le bitume froid et dur, quelques mètres plus bas. Mon regard suivit cette route, les passants sur le trottoir qui riaient aux éclats, ils semblaient petits vus d'ici. Mais pas assez... Non.

Ce n'est pas assez haut.