𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟏 ━ 𝟏,𝟓𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
Désespoir,
Eᴅᴠᴀʀᴅ Mᴜɴᴄʜ (1892)Le soupir que poussa Jean fut si fort qu'il lui attira plusieurs regards confus dans sa direction. Assise à la droite du jeune homme, Annie glissa un œil vers la page du carnet sur laquelle son ami était (sans surprise) en train de dessiner. Elle y trouva le croquis un peu lugubre d'une personne qui tendait furieusement ses mains vers le ciel, comme pour s'échapper de la feuille de papier dans laquelle on l'avait piégée. La jeune fille poussa un sifflement sarcastique.
— Génial. Il fera la paire avec celui de la semaine dernière. Tu sais, le bonhomme auquel on arrache le cœur.
— Il était quand même mieux réussi que le mort-vivant d'il y a dix jours, commenta Hitch en tendant le cou. Le pauvre avait des pieds à la place des oreilles.En temps normal, Jean aurait sorti bec et ongles pour défendre l'une de ses productions, aussi ratée fut-elle, car il était beaucoup trop fier pour accepter les vilaines critiques de ses amies. Mais il n'en fit rien, non. Pour la énième fois de la journée, Jean soupira avec la joie d'un condamné à mort. C'en devenait sérieusement trop pour Annie et Hitch qui se coltinaient (non sans rechigner) la morve qu'il était devenu ces dernières semaines.
— Ce n'est pas parce qu'un type a refusé tes avances que tu dois te mettre à dessiner des trucs aussi glauques. T'as quel âge, douze ans ? Si tu soupires encore une fois, je t'enfonce ma trousse dans le gosier.
— Il n'a pas refusé mes avances, rebondit aussitôt Jean en ignorant volontairement la suite de son propos, et c'est bien le problème. Je n'ai même pas pu lui parler ! Pas une seule fois !En effet, lors de cet atelier si particulier, les choses ne s'était pas vraiment passées comme le jeune homme l'avait escompté. Sitôt les coups de dix-huit heures trente sonnés, Jean s'était dépêché de ranger ses affaires car il aurait aimé pouvoir discuter avec ce nouveau modèle qui faisait battre son cœur un peu trop vite. Seulement, à son grand désespoir, il n'en eut guère l'occasion : le bel inconnu avait filé à son insu, sans un au revoir adressé à son audience d'un soir.
Bien que terriblement déçu, Jean s'était fait une raison. Ou plutôt, il s'était résigné à attendre la semaine suivante, en espérant que le jeune homme brun pointe à nouveau le bout de son nez. Jean avait (évidement) d'innombrables qualités, mais la patience n'en faisait pas vraiment partie. Pourtant, il avait tenu jusqu'au vendredi soir suivant, un effort qui ne fut malheureusement pas récompensé. Car oui, le beau modèle qui l'avait tant captivé se trouvait aux abonnés absents.
S'en remettant à la dernière option qu'il avait encore en sa possession, Jean finit par se renseigner auprès de la professeure en charge de l'atelier. Madame Fontenelle se chargeant elle-même de sélectionner les sujets vivants, elle devait forcément savoir qui était celui qu'elle avait invité une semaine plus tôt.
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𝐋𝐄𝐓 𝐌𝐄 𝐁𝐄 𝐘𝐎𝐔𝐑 𝐅𝐈𝐍𝐄 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐑
RomanceArtiste aux mœurs légères, Jean fait la rencontre de Marco alors que ce dernier pose pour un atelier de modèle vivant. Séduit, l'étudiant en art se prend d'intérêt pour celui qu'il considère déjà comme sa muse. Mais ses tentatives d'approche sont vi...