𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟕 ━ 𝟏,𝟓𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
La Courbe de tes Yeux, Capitale de la Douleur,
Pᴀᴜʟ Éʟᴜᴀʀᴅ (1926)Lorsqu'il avait rejoint Jean, en ce mardi midi, pour partager un repas en ville, Marco s'était demandé combien de temps l'artiste tiendrait avant de sortir de quoi le croquer. Il avait misé sur une bonne heure, ce qui permettrait à Jean d'avaler tranquillement son tacos tout en papotant. Finalement, il ne fallut que quarante-cinq minutes à celui-ci pour extraire de son sac un carnet et un crayon à papier. Si Marco eut un petit sourire en coin, il ne protesta pas. À force de côtoyer Jean, il s'était habitué à ses manies d'artiste. Celui-ci ne prenait d'ailleurs plus la peine de prévenir son modèle favori chaque fois qu'il voulait le dessiner, et heureusement, car cela arrivait beaucoup trop fréquemment.
— Rassasié pour aujourd'hui ? demanda Marco en le voyant ranger son matériel après avoir tracé quelques croquis.
— De toi ? Jamais, lui assura Jean avec un clin d'œil.Il tendit innocemment sa main vers celle de Marco, qui reposait sur la petite table du restaurant. Songeur, l'artiste y laissa courir ses doigts qui se faufilèrent sournoisement dans la manche de son pull et remontèrent jusqu'à l'intérieur sensible de son avant-bras pour y exercer quelques caresses.
— J'ai envie de peindre sur ta peau, lui confia-t-il.
Marco sentit ses poils se hérisser, et le froid n'était probablement pas à blâmer. Les propositions de Jean avaient toujours un petit côté audacieux et inattendu, des adjectifs qui n'entraient pas vraiment dans les habitudes de Marco, mais que ce dernier ne fuyait plus autant qu'avant. Alors plutôt que de rechercher des raisons qui justifieraient un refus, il songea à toutes celles qui pourraient le pousser à accepter. Et il se trouvait justement qu'il n'avait rien de prévu cet après-midi. En le voyant se relever, Jean haussa un sourcil interrogateur.
— Je n'ai pas cours avant dix-huit heures, lui fit savoir Marco en souriant. On va chez toi ?
L'artiste fut debout avant même qu'il n'eût terminé sa phrase. De retour dans son appartement, Jean farfouilla aussitôt dans ses placards pour en sortir la fameuse peinture adaptée à la peau qu'il avait déjà utilisé sur Marco. Mais cette fois, l'objectif n'était pas de l'en recouvrir de la tête aux pieds, surtout s'ils ne disposaient que de quelques heures devant eux. Aujourd'hui, Jean se contenterait donc de peindre son dos.
L'artiste dénicha également un grand linge déjà parsemés de quelques taches dont il recouvrit le lit. Cette petite précaution permettrait à Marco de s'y installer confortablement sans risquer d'en gâter bêtement les draps. Une fois son pull et son t-shirt ôté, celui-ci s'allongea donc sur le ventre, laissant son dos nu à la portée des pinceaux de Jean.
— Que vas-tu peindre ? s'intéressera Marco.
— Je ne sais pas encore. Qu'est-ce que tu lis ?Jean désigna le livre que le jeune homme tenait dans ses mains, probablement destiné à l'occuper pendant cette séance de peinture. Marco lui tendit l'ouvrage pour qu'il puisse en lire le titre sur la couverture : Capitale de la Douleur. Jean découvrit avec une certaine surprise qu'il semblait vraisemblablement s'agir d'un recueil de poésie de Paul Éluard. Voilà qui lui donna une idée plutôt intéressante.
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𝐋𝐄𝐓 𝐌𝐄 𝐁𝐄 𝐘𝐎𝐔𝐑 𝐅𝐈𝐍𝐄 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐑
RomanceArtiste aux mœurs légères, Jean fait la rencontre de Marco alors que ce dernier pose pour un atelier de modèle vivant. Séduit, l'étudiant en art se prend d'intérêt pour celui qu'il considère déjà comme sa muse. Mais ses tentatives d'approche sont vi...