𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟎 ━ 𝟏,𝟔𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
L'Atelier du Peintre,
Gᴜsᴛᴀᴠᴇ Cᴏᴜʀʙᴇᴛ (1855)L'horloge accrochée au mur indiquait très précisément seize heures, cinquante-cinq minutes et dix-huit secondes. Jean le savait car ses yeux ambre se baladaient entre la fenêtre, qui donnait vue sur la rue en contrebas, et le cadran de l'appareil, qui matérialisait le long écoulement du temps. Il ne fallait pas être devin pour deviner que ces travaux dirigés de langue vivante étrangère ne retenaient guère l'attention du jeune homme, ni même de qui que ce fut dans cette salle de classe. Pour leur défense, le trentenaire dépêché dans le but de leur faire cours ne les aidait pas beaucoup à apprécier ceux-ci. L'homme ne faisait que reprendre platement les notions du cours magistral, distribuer quelques articles de presse anglophone et les interroger sur des questions d'orthographe ou de grammaire. Rien de palpitant.
La plupart des étudiant·e·s pianotaient sur les touches de leurs ordinateurs portables, donnant ainsi l'illusion de prendre des notes, alors qu'iels travaillaient sur tout autre chose. Certain·e·s, comme Annie, profitaient simplement de ces deux heures pour fermer leurs paupières et faire une petite sieste. D'autres, comme Jean, laissaient vagabonder leur regard dans tous les coins de la pièce en priant pour que le temps passe un peu plus vite. Or, en ce qui le concernait, Jean avait vraiment mieux à faire que d'attendre, les bras ballants, la fin de ce cours interminable.
Lorsqu'enfin l'aiguille des minutes atteignit le sommet du cadran, sonnant les coups de dix-sept heures, Jean se redressa, prêt à partir. Encore fallait-il que leur chargé de travaux dirigés se décide à les libérer, ce qu'il ne fit qu'une bonne minute plus tard. On entendit les pieds des chaises racler de concert contre le sol tandis que tou‧te‧s les étudiant‧e‧s se levaient en vitesse, impatient·e·s de quitter les lieux. L'horripilant bruit eut le mérite de sortir Annie de sa somnolence. La jeune femme eut tout juste le temps de voir le signe de main que lui adressa Jean avant que ce dernier ne disparaisse derrière la porte, son sac sur le dos et sa pochette sous le bras. Sachant pertinemment où se rendait son ami avec tant d'entrain, Annie leva les yeux au ciel, dépassée par le culot dont il faisait preuve.
De son côté, Jean filait déjà dans les couloirs et les escaliers de son école d'arts qui commençait à devenir familière depuis qu'il y avait terminé sa première année de licence, quelques mois plus tôt. Il s'était habitué à ses murs recouverts de projets artistiques, au joyeux brouhaha ambiant des étudiant·e·s et à l'étrange forme allongée du bâtiment qui les contraignait à faire des allers-retours incessants entre ses extrémités. Malgré ses défauts, Jean se sentait bien à l'École Supérieure d'Arts et Médias de Caen (ou ESAM pour les intimes).
À force d'entraînement, il parvenait même à dévaler les escaliers en un temps record de quarante-trois secondes dont il était plutôt fier. Une fois arrivé dans le hall d'entrée de l'établissement, située à l'extrême Sud, il reprit brièvement sa respiration avant de s'engouffrer dans le couloir Est. Ses pas pressés se firent plus discrets à mesure qu'il progressait en direction de l'avant dernière salle dans laquelle il se faufila (comme à son habitude) par la porte de derrière.
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𝐋𝐄𝐓 𝐌𝐄 𝐁𝐄 𝐘𝐎𝐔𝐑 𝐅𝐈𝐍𝐄 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐑
RomanceArtiste aux mœurs légères, Jean fait la rencontre de Marco alors que ce dernier pose pour un atelier de modèle vivant. Séduit, l'étudiant en art se prend d'intérêt pour celui qu'il considère déjà comme sa muse. Mais ses tentatives d'approche sont vi...