Le salon
Hoseok n'est pas du genre mélodramatique, ça c'est plutôt le style de son colocataire, mais en cet instant, aux premières heures de la tempête, il a envie, comme un enfant en bas âge, de faire un caprice. Se jeter au sol et gesticuler en pleurant auraient été un bien piètre spectacle.
Non, il est un adulte, il ne peut agir de la sorte et ce, même s'il a envie de se faire tout petit.
Conscient qu'il lui faut une occupation, il fourrage dans l'amas de fils et de chargeurs qui empiètent les places sur le canapé et en tire un fil à l'embout compatible au téléphone du vraiment très-bien-foutu inconnu dont il peut sentir le parfum maintenant qu'il se trouve à proximité. Oui, c'est cliché, mais on aime ça aussi. Néanmoins, faut-il ajouter que ce parfum est agréable à ses narines ? Non, Hoseok a tout sauf besoin d'une escalade de détails pour prouver à quel point l'autre homme est charmant.
Voilà qu'en vingt-six d'expérience il découvre ce que cela fait de parler à ce type d'homme au physique ravageur. Il n'est pas sûr d'apprécier cette nouveauté.
La tierce personne, dont il ignore toujours le nom, semble se concentrer sur son téléphone et Hoseok s'éloigne. Le médicament commence à faire effet et il avise la cafetière froide avant de préparer une nouvelle tournée.
— Café ?
— Euh oui, merci...
Voilà qui démarre une nouvelle session d'échanges banals et affligeants, toujours aussi gênants. En l'espace de quelques minutes silencieuses, deux tasses sont préparées et Hoseok lui tend le mug le plus potable de leur collection.
Le seul potable de la collection, précisons-nous.
Entre les tasses sans anse, craquelées par endroits, les mugs aux logos effacés par le produit vaisselle, les phrases d'humour plus que douteuses de son colocataire et l'ancienne collection petit-poney que Hoseok a récupérée de sa sœur voilà plus de dix ans, il n'est pas certain de faire bon effet de cette manière.
Comme si le choix d'un mug allait changer la donne. Il se sent puéril et stupide mais ne parvient pas à s'empêcher de nettoyer discrètement la tasse la plus sobre, pour lui donner son café. L'inconnu relève la tête de son écran, ses sourcils se relâchent et il marmonne avec sérieux :
— Il n'y a pas de taxi, pas de bus, pas de transport en commun et j'habite... vraiment loin...
Voilà ce qu'une tempête crée : une catastrophe climatique, réduisant l'humain à de simples fourmis écrasées par la grandeur de la nature mais aussi à des situations compromettantes.
Puisque cette histoire ne se lancera pas sur un débat écologique, concentrons-nous plutôt sur la situation compromettante.
Hoseok jure silencieusement, tâchant de sourire doucement. Il dégaine son masque professionnel, à savoir le sourire hypocrite et les yeux plissés. L'air aimable mais la mâchoire serrée. Bref, l'attitude que bon nombre de ses semblables adoptent pour tenter d'avaler la pilule sans froisser personne.
Honnêtement, il est foutu.
Sa bonté ne lui permet pas de de dire à l'inconnu – aussi canon soit-il – de ficher le camp. Après tout, s'il meurt sous le typhon ce sera de sa responsabilité. Mais son angoisse, elle, lui donne envie d'être cynique et de rappeler à l'autre que tout de même, il peut bien se débrouiller autrement.
Ce n'est pas un orage et une pluie de pacotille qui vont le faire s'enfermer avec lui ?
Dans un souci scénaristique, important à ce stade de l'histoire, une violente bourrasque secoue la fenêtre du septième étage de l'immeuble pour le faire sursauter. L'électricité clignote dangereusement avant de se stabiliser. Dehors, la houle de la tempête fait frissonner les habitants.
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La Tempête
FanfictionUn typhon. Un appartement. Trois individus dont un inconnu enfermés à l'intérieur. 24h ensemble, pour le meilleur et pour le pire. "Quand la tempête gronde, elle nous pousse parfois à tous les retranchements." 2seok~ Histoire débutée le 19.11.22. Hi...