Acte I, scène 2

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Le salon

Sans perdre une seconde de plus, le plus jeune le tire dans le couloir, passant devant sa chambre dont la porte entrebâillée dévoile un bazar bien plus conséquent que dans la pièce de son aîné.

Le capharnaüm ne remplit pas la chambre. C'est la chambre qui s'est imposée au milieu du bordel. Notons la nuance.

Ils arrivent dans le salon et Hoseok soupire de soulagement en voyant que les rideaux sont encore tirés. Il n'aurait pas supporté autant de lumière dans l'état où il se trouve.

Il avise le canapé sur lequel une seule place est disponible, le reste étant enseveli sous tout un tas de papiers, de câbles, de livres, de bibelots et bien plus encore. En colocataire dévoué, Jungkook lui sert un verre d'eau et dépose dans sa main un cachet blanc. Leur salon est une pièce de vingt mètres carrés, comportant une kitchenette ouverte dans un coin de mur.

La devise de cette colocation aurait pu être : « Ne range jamais rien ». Auquel ils auraient pu rajouter une épitaphe : « A quoi bon ? ».

Sur la porte d'entrée de l'appartement, Jungkook a collé un autocollant intitulé « Accumulation home » parce qu'ils sont bordéliques et fiers de l'être. Cela aurait fait sûrement un bon titre à cette histoire mais ce n'est malheureusement pas le propos de cette fiction.

Dans la petite cuisine aménagée, le frigo règne comme un seigneur bruyant, faisant ses rondes toutes les deux heures dans un vacarme que seule la télévision, un écran de cinquante-cinq pouces, parvient à faire taire.

Souvent les deux appareils se lancent des compétitions stériles à celui ou celle qui ferait le plus de bruit. Jungkook dit que le frigo et la télévision paradent, dans un grand flirt organisé dont ils sont les spectateurs, se disputant le rôle d'objet le plus utile de l'appartement. Jungkook et Hoseok ne peuvent trancher, ni se débarrasser de l'un ou de l'autre et encore moins les remplacer. Chacun a le droit à son petit nom affectueux quand la température ou le son sont corrects, ou son petit nom d'oiseau quand l'un ou l'autre se mettent à n'en faire qu'à leur tête.

Le reste du salon n'a que peu d'importance mais l'aîné se dit souvent que la pièce serait nettement plus agréable si Jungkook, n'avait pas tendance à entasser des dizaines et des dizaines de colis commandés sur les sites de vente en ligne.

Mais le sujet est épineux alors il évite régulièrement de lui en parler.

Ce sujet reviendra pourtant, à un autre moment de l'histoire, nous y reviendrons plus tard.

Reprenons.

Le verre d'eau avalé avec le cachet dans la foulée, Hoseok soupire en voyant l'air attentif de son colocataire qui ne va certainement pas se contenter d'un « je ne me souviens de rien ». Mais l'attention du plus jeune est détournée par un bruit provenant du couloir.

Une porte s'est ouverte.

Les deux colocataires s'entre-regardent dans ce genre d'instant qui ne se passe que dans des films à suspense. L'un se montre aussi ravi que l'autre est tétanisé. Hoseok ne sait pas ce qui l'effraie le plus, que le bel au bois dormant se soit réveillé ou que Jungkook agisse comme à son habitude.

A cette question c'est la deuxième réponse qui s'avère exacte car rappelez-vous, le plus jeune est le prince des réactions inappropriées. Jungkook bouge furtivement dans un faux comportement de ninja et s'engouffre dans le couloir sombre, laissant Hoseok seul dans le salon.

— Non ! s'écrie-t-il précipitamment. Ne...

C'est peine perdue. Il est foutu.

Voilà qu'il est seul dans cette pièce engloutie sous des bricoles absolument inutiles. C'est à cet instant qu'il prend conscience du vent qui souffle à l'extérieur, de la pluie qui bat les fenêtres, de la fraîcheur de la pièce, de l'odeur de vieil encens et de bougies froides à base de cèdre qui flotte sur la table basse.

La TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant