La Tempête

Acte III, scène 3

Jungkook est parti depuis plusieurs minutes déjà et Hoseok se sent dans le regret.

Grelottant, assis sur le canapé, les cuisses serrées l'une contre l'autre, il se rend à peine compte que ses lèvres ont bleui. Il fixe la porte.

Tout a changé en un instant. Il essaye de ne pas se laisser aller mais qui lui dit que Jungkook va revenir ?

Peut-être qu'il ne le reverra plus jamais et qu'il s'en voudra toute sa vie.

En cet instant une voix off - pour donner un effet bande annonce de film d'action - s'active dans l'esprit du locataire. Peut-être que Jungkook s'est fait avalé par la tempête. Et lui, Hoseok, doit s'entraîner d'aplomb pendant des jours, des séries de pompes et de tractions et ce sera équipé, musclé, le corps huilé, qu'il affrontera la bataille et quittera l'appartement.

Alors il prendra en main son destin, d'homme fort et viril, bourré de testostérone.

À la recherche de son ami disparu.

Il faut sauver le soldat Jungkook.

Tout cela pourrait être des titres de films à succès.

La fin de la voix s'éteint au moment où Jin pose le plaid sur ses épaules. Ce geste réconfortant le sort de ses projections improbables. Surtout, Hoseok est surpris par cette amicalité notamment après tout ce qui a été dit.

— Tu devrais changer de vêtement, tu vas attraper froid.

— Toi aussi tu es trempé...

— Ça va, tu l'es plus que moi.

Hoseok s'enroule dans la couverture et se lève :

— J'ai d'autres vêtements pour nous deux.

Parler et bouger le remet d'aplomb et il se dirige immédiatement vers sa chambre.

La chambre

Il fait si sombre à présent qu'il ne distingue qu'avec peine les vêtements dans son armoire. Il tend maladroitement un pull et un pantalon de jogging.

Lentement, ils se changent dans un silence chargé de non-dits. Les mains d'Hoseok tremblent et le bruit de ses dents qui claquent remplit la pièce. Il se cache à moitié, tente d'agir rapidement mais sursaute quand, après avoir enfilé un pull, il sent Jin remettre le plaid sur ses épaules.

Ils se regardent et l'invité murmure :

— Le temps que tu te réchauffes...

Hoseok, hoche la tête et la proximité lui fait soudain oublier quelques instants ses inquiétudes.

— À propos de tout à l'heure...

— Tu veux dire, à propos de mon père ?

Le locataire se racle la gorge en resserrant ses bras et la couverture avec lui, autour de son corps.

— Désolé d'avoir été aussi radical, j'ai été surpris.

— J'ai vécu pire, soupire Jin. Ce que tu as dit sur mon père est cent fois moins radical que ce que j'entends d'habitude.

— Ça doit être difficile de construire des relations avec un père homophobe et politique.

L'invité s'arrache un sourire en coin, un amusement cynique qu'Hoseok entraperçoit.

— De toute façon, je ne cherche pas de relation.

Le locataire tique. Il sait qu'il ne doit pas se sentir blessé et pourtant...

Bien évidemment que c'est la règle, il a même amené Jin ici, ce n'était certainement pas pour faire un plan familial et construire un projet de maison parallèle ensemble. Mais tout de même. Entre le savoir et l'entendre dire, il y a parfois un pas qu'on ne calcule pas.