La Tempête

Act V, scène 2

Le salon, la chambre, la salle de bain, la cuisine.

Ils ont peu dormi, ou presque, somnolé c'est certain. Le silence les a accompagnés durant tout cet épisode. Puis au milieu de la nuit, ils ont entendu du bruit.

Comme des aimants qui ont besoin de se trouver ensemble, de se rapprocher, de se rassurer, ils se lèvent. Jungkook et Yoongi sont dans le salon. Ils n'ont pas dormi eux non plus mais pas tout à fait pour les mêmes raisons.

Nous savons, vous savez, ils savent. Passons donc ce détail.

Les deux compères sont en train, étrangement, de ranger les cartons. Pas de les déplacer d'un endroit ou d'un autre mais de les ouvrir pour les trier.

— Ne demandez pas, les interpelle Jungkook dans un souffle.

— Ça occupe, surenchérit Yoongi.

Personne ne bronche, personne ne sait. Ils sont comme des âmes en peines, enfermées ensemble.

Mais la tempête est passée

Et les plaies sont en train d'être refermées.

Chacun prend des cartons et les déchire, en sort ses trouvailles et Jungkook, en chef de ce processus, décide s'il garde ou non l'objet ou s'il le met dans une caisse, là où peut-être il se décidera à le revendre un jour.

Bientôt les voilà habillés comme s'ils préparaient un bal costumé : ils ont des vêtements superposés, des couvertures de survie, des bijoux, des chapeaux, même une pipe que Jin ne se décide pas à allumer.

Ils ont une collection de louches en inox, des écorces et des fleurs séchées pour faire un pot-pourri. Des verres, des lampes, du sable de Californie.

Des pépites du monde entier, venues de partout et sans aucun fondement.

Une enceinte Bluetooth est trouvée et le dernier téléphone qui contient encore un peu de batterie réussit à l'activer. Une chanson de trot des années quatre-vingt s'enclenche et ils se mettent à chanter.

Ils se fichent s'ils réveillent le quartier, s'ils réveillent la colère du ciel. Les voilà à chanter toutes les paroles dans un concerto qui sonne faux.

Yoongi déballe un puzzle de mille pièces représentant un chien. Jungkook rit, il n'a jamais commandé le chien, mais la photo d'un mec dénudé pour un calendrier de pompier à l'autre bout du monde.

Ça les fait rigoler.

Ils débarrassent, rangent, jettent, nettoient. Bientôt l'évier n'a plus d'assiettes qui débordent. Même si l'air est encore humide, la saleté ne traîne plus, ils ont tout balayé, essuyé. Ils déplacent la table, se mettent à même le sol, à la lueur des bougies qui sont en train de fondre, ils se mettent à travailler.

Ils ont un chien à réaliser en puzzle.

Oui, la tempête est passée.