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(chapitre recorrigé : 06/03)

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Point de vue : Wednesday.
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Je voue une haine féroce à ma mère, ainsi qu'à ce nouveau monde qui foisonne d'individus égoïstes, arrogants et auto-centrés. Respirer le même air qu'eux dans la même pièce me répugne, d'autant plus lorsque je dois partager mon oxygène avec ma colocataire. Cette forme de maltraitance psychologique que je subis est sans doute l'un des pires affronts que j'ai eu à endurer.

Pour quelle raison cette imbécile de génitrice a-t-elle jugé bon de me transférer encore une fois dans une nouvelle école ? Comme si le fait de le faire une énième fois ne suffisait pas à ma douleur.

Toute la nuit, j'ai observé le firmament au travers de la baie vitrée en arrondi, sombre de mon côté, le regard rivé sur les astres. En arrière-plan, j'entendais les ronflements atroces de ma colocataire insupportable, pénible et inepte.

Mon esprit est envahi par une multitude d'hypothèses sanguinaires pour faire taire les ronflements assourdissants de ma colocataire. Toutefois, je m'efforce de contenir ces pensées vengeresses et de les dissiper, car agir en conséquence ne ferait qu'empirer ma situation déjà difficile et risquerait même de m'attirer des ennuis.

Pourquoi m'en soucier ? Ma mère pourrait aisément m'instruire à domicile, ou selon une méthode similaire. Mais je suis sur le point de franchir la frontière de mes limites sociales, pour peut-être même causer du tort à autrui.

Tout m'agace. Quand je regarde l'autre moitié de la chambre du côté de Sinclair, je réprime l'envie de vomir. Toutes ces couleurs insignifiantes qui n'ont pas de sens. Toutes ses peluches affreuses me donnent envie de les arracher en miettes, de les brûler.

Je suis éreintée par la laideur qui m'entoure. Je sens mes yeux s'affaiblir en contemplant la chambre de Sinclair : les couleurs criardes, les peluches vulgaires, tout cela n'a aucun sens. Je suis assaillie par l'envie de tout détruire, de tout réduire en cendres, de faire disparaître cette hideur.

- Non. Je n'ai pas envie de dormir. Du moins, pas encore, j'affirme.

- ...

- Je suis navré, Thing, mais je suis dans l'incapacité de taper sur mon clavier. Tu connais bien la réaction houleuse de Sinclair.

Alors que j'évoque le sujet, j'entends le grincement du lit de Sinclair, signe que son corps s'agite en réponse à ma voix. Je cesse aussitôt de parler, préférant de préserver son sommeil paisible et de ne pas susciter son attention. Je n'ai nulle envie de converser avec elle.

De façon mesurée, j'adopte une démarche prudente pour me rendre à mon matelas, me prélassant dessus. Je m'enfonce dans le drap et ressens le besoin de me faire souffrir. Tout ce que je désire, c'est hurler, m'évader de cet endroit. Chaque jour qui passe devient plus insupportable en raison de ce changement déshonorant. Et pour couronner le tout, j'ai été exclue de l'escrime, un sport qui m'était... plus au moins cher.

Quelle vie misérable.

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Point de vue : Omniscient.
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Dès le lever du jour, Enid émerge de son sommeil avec sa joie de vivre habituelle. Elle se précipite vers son armoire et en sort ses affaires d'un geste hâtif et maladroit, ne prenant pas le temps de se réveiller complètement. Ses mains cherchent frénétiquement une écharpe qui lui est familière pendant cette saison froide, où il fait souvent trop froid pour sortir sans une protection adéquate.

- Ah mais, elle est où ?

Thing se glisse silencieusement vers elle, faisant de son mieux pour éviter tout bruit qui pourrait distraire Wednesday. Il agite plusieurs fois sa forme vivante d'appendice et lui fait signe avec précaution.

L'imprévisibilité des sentiments (abandonnée.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant