Chapitre 3

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Je me sens incroyablement bien aujourd'hui, invincible, comme si le monde entier m'appartenait. C'est dingue la différence qu'un seul jour peut accomplir. Taylor et moi avons couru ce matin à l'aube dans les rues de Seattle, ce qui nous a tous les deux mis en grande forme. Bien entendu, Taylor arbore son air le plus impassible, mais il s'est détendu - du moins, il ne me surveille plus d'un regard anxieux toutes les cinq secondes pour savoir si je vais exploser sous la pression.
Quand nous remontons dans mon appartement, je prends une douche avant de passer dans la cuisine - où je tombe sur une Mrs Jones très guillerette, même si elle le cache derrière un masque professionnel.
- Mr Grey, je vous ai préparé une omelette et du bacon, j'ai pris aussi la liberté de faire quelques pancakes pour le petit déjeuner. Auriez-vous besoin de quelque chose d'autre, monsieur ?
- Non, merci, ça me paraît parfait, Mrs Jones.
Je lui jette un coup d'œil suspicieux, qu'elle ignore complètement. Au contraire, elle s'occupe à nettoyer et ranger les divers ustensiles qu'elle vient d'utiliser.
Je retiens un sourire. Elle aussi, après Taylor ? Leur bonne humeur est contagieuse. Je dévore mon petit déjeuner et engloutit ensuite ma tasse de café.
Tout à coup, je fronce les sourcils. Je me souviens qu'Anastasia n'a rien mangé durant plusieurs jours, et je voudrais savoir si elle prend soin d'elle ce matin. Cette idée me coupe quasiment l'appétit.
Je sors de ma poche mon BlackBerry - il ne me quitte jamais - pour lui envoyer un mail.
***
De : Christian Grey
Sujet : Attention à toi...
Date : 10 juin 2011, 08:05
À : Anastasia Steele
J'espère que tu as pris un petit déjeuner. Tu m'as manqué hier soir Christian Grey,
P-DG, Grey Entreprises Holdings. Inc.
***
Je ne sais pas si elle est déjà au travail. Commence-t-elle à 8 ou à 9 heures chez SIP ? Peu importe, je veux m'assurer qu'elle se soit sustentée en ce début de journée. Il n'est pas question que je laisse dépérir ma compagne.
Je regarde mon BlackBerry, surpris qu'elle ne réponde pas instantanément. Elle doit être dans le bus. Ayant terminé mon repas, je passe dans mon bureau et y récupère quelques dossiers. J'ai une grosse journée de travail qui m'attend, mais la seule chose qui compte pour moi, c'est de revoir Anastasia dans la soirée. Un immense sourire me monte au visage... cette fois, je ne le retiens pas.
Dix minutes plus tard, je suis dans la voiture en route pour GEH quand je reçois enfin la réponse d'Ana. Elle m'annonce manger une banane tout en écrivant. Selon elle : « c'est un progrès ». En fait, elle s'intéresse beaucoup plus à l'application de la British Library que j'ai mise sur son iPad, puisqu'elle a recommencé à lire Robinson Crusoé. Elle me dit aussi qu'elle m'aime. Je n'aurais jamais cru entendre à nouveau ces mots-là. Ils sont merveilleux.
Elle est déjà arrivée à son travail et me demande de la « laisser tranquille ».
Baby, jamais je ne te laisserai tranquille. Tu devrais déjà le savoir.
Une banane ? Depuis quand une banane constitue-t-elle un petit déjeuner sérieux ? Elle a besoin de protéines pour survivre aux projets que j'ai pour elle. Je lui réponds du tac au tac, en lui signalant : « Tu devrais manger davantage. Tu vas avoir besoin d'énergie pour me supplier. »
Bon Dieu, pourquoi n'écoute-t-elle jamais rien ? Elle sait bien que j'ai des problèmes en ce qui concerne la nourriture. L'idée qu'elle ne mange pas assez me tue. Littéralement.
Quand j'entends le « ping » qui annonce un nouveau mail, je me jette sur mon BlackBerry avec la frénésie d'un ado amoureux. Je vois bien que Taylor me jette un regard curieux dans le rétroviseur, mais je m'en fiche.
Miss Steele se moque de moi : elle prétend que je serai celui qui suppliera ce soir. Ah, baby, comme tu as tort de me défier. Comme si j'étais du genre à refuser un challenge !
Quand j'arrive à GEH, j'ai un sourire d'imbécile heureux plaqué au visage. Tous ceux qui me croisent me regardent, les yeux écarquillés de surprise - certains font même un détour pour vérifier qu'ils ne se sont pas trompés au premier passage. Effectivement, c'est un changement à 180° après ma sombre humeur de ces derniers jours. Taylor me suit, très amusé, même si la seule chose qui le trahit, c'est une étincelle dans ses yeux sombres. Je secoue la tête. Ma réconciliation avec Anastasia influence la vie de plusieurs milliers de personnes. C'est incroyable !
À peine suis-je sorti de l'ascenseur qu'Andrea et cette stupide stagiaire, Olivia, se redressent d'un air inquiet. Elles se détendent immédiatement en notant que je semble calmé, puis je vois Andrea adresser à Olivia un impérieux signe de tête.
Olivia fronce les sourcils, perplexe, avant de s'illuminer comme un arbre à Noël. Dans un dessin animé, elle aurait une petite ampoule allumée au-dessus de la tête.
- Mr Grey ? Puis-je vous apporter du café ? demande-t-elle avec un grand sourire.
Andrea prend l'air effondré. C'est ma routine de tous les matins, aussi elle n'a aucun besoin de me poser une question aussi inutile. Pour une fois, je ne fais pas de réflexion. Il est évident que je suis d'humeur affable.
- Apportez-moi aussi de l'eau, Olivia, dis-je calmement.
Je crains fort que la mâchoire d'Andrea ne heurte son bureau sous le coup de la surprise.
- Oui monsieur, bredouille Olivia dans mon dos.
Andrea m'a suivi dans mon bureau. Taylor regarde autour de lui, puis il reste près de la porte, comme à son habitude.
- Monsieur, voici vos rendez-vous de la...
- Andrea, dis-je, avant qu'elle puisse continuer. N'oubliez pas ce que je vous ai dit l'autre jour. Si Miss Anastasia Steele téléphone, vous me la passez, toute affaire cessante.
- Bien entendu, monsieur.
Elle parait troublée - sans doute parce que j'ai cru nécessaire de répéter mes instructions. Je m'en fiche. Ça me plaît de prononcer à voix haute le nom d'Anastasia. Ça me plaît d'annoncer au monde entier qu'elle m'appartient, qu'elle est ma priorité absolue. J'affiche un sourire béat à cette idée.
Andrea me fixe en cherchant désespérément à garder une attitude froide et professionnelle. Elle échoue. Elle a la bouche ouverte et les joues empourprées.
Taylor, cette fois, ne réussit pas à cacher son sourire. Il tourne la tête et fait semblant de chercher quelque chose dans ses poches pour distraire son attention.
- Mr Grey, bredouille enfin Andrea, je vais inscrire les coordonnées de Miss Steele dans le fichier central de Grey Entreprises Holdings, Inc. Hum... sous quel titre ?
- C'est ma compagne, dis-je, fièrement.
Andrea se fige, les yeux écarquillés. Bon sang, elle aussi devait me croire gay. Elle pince ensuite la bouche comme si elle venait d'avaler une grenouille. Et quand elle parle, sa voix est un peu plus aiguë que d'ordinaire.
- Très bien, monsieur, je préviendrai tout le monde. Elle me tourne le dos et commence à filer vers la porte.
- Andrea !
- Oui, monsieur ?
- Nous n'avons pas vu les rendez-vous de la journée.
Elle devient ponceau. Il est rare qu'elle se plante dans l'exercice de ses fonctions, aussi j'imagine que le choc a dû être sévère. Quand elle s'en va, quelques minutes après, Taylor la suit.
La journée se poursuit sans encombre. Tout baigne ! Je trouve mon personnel efficace, les affaires faciles ; je suis le maître de l'univers.
Par contre, je vérifie l'heure toutes les cinq minutes, pour voir si le temps passe plus vite. Ce n'est pas le cas.
Avant de quitter le bureau, j'appelle Taylor.
- Oui monsieur ? répond-il.
- Vous avez fait ce que je vous ai demandé concernant l'Audi de Miss Steele ?
- Oui monsieur. Je l'ai laissée dans son parking, il y a une heure.
- Parfait, dis-je, en raccrochant.
***
Au moment où je quitte GEH, j'indique à Taylor de me conduire au bar Cinquante, juste en face de SIP. Je n'ai pas l'intention de m'attarder. Taylor m'attendra, avant de nous conduire, Anastasia et moi, à l'Escala... À moins qu'Anastasia préfère passer la nuit dans son appartement ? avec moi bien entendu.
Il est 17 h 30 quand je prends place dans un recoin discret. Avant d'entrer, j'ai donné congé à l'équipe de sécurité pour le week-end. Ana étant avec moi, elle n'a besoin de personne d'autre. Elle a trouvé drôle que ce bar soit le « Cinquante », et je vois aussi un certain humour dans cette appellation. Les gérants ont tenté de personnaliser cet endroit immense avec divers souvenirs de base-ball exposés sur les murs. C'est raté. Le bar n'a pas d'âme.
Je suis arrivé avant Anastasia, aussi je la vois entrer et se diriger vers un groupe de six personnes déjà installées au bar : trois mecs et trois femmes. Si Anastasia m'aperçoit, aucun problème, puisqu'elle m'a invité à la rejoindre ici. Par chance, elle est trop préoccupée pour regarder autour d'elle. D'accord, j'agis encore comme un harceleur type - mais j'ai un autre motif ce soir : je veux surveiller l'attitude de ce connard de Hyde envers Ana.
Je tiens à ce qu'il se sente le champ libre avant d'intervenir. On apprend beaucoup de l'attitude d'autrui, de ses gestes, de ses tics, et je suis un expert pour lire les gens. Je reconnais Hyde d'après son dossier : il est aussi répugnant en chair et en os qu'en photo - un rouquin visqueux, avec un sourire faux qui n'atteint pas ses yeux.
Bien qu'ils soient tous venus ici directement en sortant de leur bureau, ils portent des vêtements décontractés : jeans, chemises bariolées, jupes hippies pour les dames. Hyde a en plus une ridicule queue de cheval et des boucles d'oreilles. Je suis certain qu'il a un tatouage quelque part - c'est bien le genre. SIP - comme beaucoup d'autres sociétés de Seattle - doit appliquer la règle du « vendredi relâché ». Bien entendu, je n'ai jamais autorisé une telle ineptie à GEH. Le laxisme dans la tenue vestimentaire reflète selon moi un rapide relâchement dans le travail. Je n'ai pas l'intention de laisser mon personnel glandouiller sous prétexte que le week-end approche. Pour moi, le vendredi est un jour ouvrable comme les autres. Mes employés ont 48 heures, samedi et dimanche, pour décompresser, sortir, baiser... bref, faire ce qu'ils veulent. Pas question qu'ils empiètent sur le temps qu'ils me doivent au bureau. Si mon règlement ne leur plaît pas, ils savent où est la porte. Le truc marrant, c'est que les démissions sont très rares - mais il faut dire que je les paie plus que la normale, avec d'intéressants avantages sociaux.
Ma prise de possession doit rester secrète durant les quatre prochaines semaines, légalement parlant. Dès que j'aurai la mainmise sur SIP, j'ai déjà décidé qu'il y aura des changements de mode opératoire. Pendant les discussions préliminaires du rachat, la direction sortante n'a cessé de prétendre que l'édition était un monde à part : une atmosphère relaxée et conviviale est essentielle pour qu'auteurs et éditeurs puissent exprimer leur créativité. Je ne suis pas convaincu. Pour moi, les affaires sont les affaires, aussi les mêmes principes d'efficacité s'appliquent dans tous les domaines.
Cette société est mal gérée ! Elle a besoin d'une remise à niveau. Leur sécurité est lamentable, aussi bien dans l'immeuble qu'au niveau informatique. Taylor et Welch sont rentrés dans les locaux sans qu'on les intercepte ; et Barney a aisément piraté leur système. Ce n'est pas du tout ce que j'attends d'une société que je possède, surtout si Anastasia y travaille.
Je la regarde, près du bar. Elle porte un jean serré qui met en valeur ses longues jambes minces et son cul adorable, avec ce chemisier bleu pâle que j'ai demandé à Taylor de lui acheter à Portland. Un souvenir qui me fait sourire - c'était ce premier jour, parce qu'elle avait vomi partout. Manifestement, elle apprécie ce chemisier, je l'ai vue le porter plusieurs fois. J'en suis heureux. La couleur lui sied, comme je m'en doutais. Anastasia est superbe. Comment un homme pourrait-il ne pas être attiré par elle ?
J'observe Jack Hyde tendre à Anastasia une bouteille de bière - de la Bud -, puis il reprend sa conversation avec une autre femme. Très bien. Anastasia parle un moment à une jeune Noire très animée et je commence à me détendre. Un quart d'heure après, je fronce les sourcils quand Ana accepte sa troisième bière. Elle ne supporte pas l'alcool ! Elle devrait faire attention. Si elle s'enivre, cet enfoiré de Hyde risque d'abuser d'elle. Bon sang, n'a-t-elle rien appris de ce sinistre épisode avec l'autre abruti de photographe ? Une chance pour elle que je sois là pour veiller au grain.
Quand les deux autres filles s'en vont, Jack passe à l'attaque. Bien sûr, il attendait son heure. Il lui parle en se tenant bien trop près d'elle, il envahit son espace personnel. Elle n'est pas à son aise, je le vois bien. Elle cherche à s'écarter, mais le salopard l'a coincée contre le bar. J'avais raison : ce type la veut. Il veut s'emparer de ce qui m'appartient.
Il est temps pour moi de me manifester et de le renvoyer dans les buts. S'il n'est pas trop con, il se tiendra à carreau.
D'un pas nonchalant, je m'approche et pose le bras autour des épaules d'Anastasia, d'un geste de propriétaire. Je marque mon territoire. J'annonce à Hyde qu'elle est à moi. Je sens Ana se détendre contre moi, aussi je sais qu'elle est heureuse de ma présence. J'avais raison, Hyde la mettait mal à l'aise. Ne t'inquiète pas, je suis là pour te protéger. Toujours.
- Salut, baby, dis-je en lui embrassant les cheveux.
Je regarde Hyde droit dans les yeux : dégage, connard, elle est à moi. Avec un sourire, je serre Ana contre moi. Hyde n'est pas content du tout, mais que peut-il faire ? Il recule en montrant des dents.
Il a reçu mon message cinq sur cinq.
Ana fait les présentations, elle paraît mal à l'aise. Elle a noté la tension entre moi et son patron - pas étonnant d'ailleurs, elle est presque tangible. Je souris d'un air prédateur : ce petit freluquet ne me fait pas peur. Je suis le mâle alpha. Personne ne s'approche de ma compagne.
Tandis que Hyde me tend la main, nous nous mesurons l'un l'autre du regard. Il y a longtemps que j'ai appris à contrôler ma colère et à afficher devant le monde un masque impassible, aussi ce réflexe me vient instinctivement. Hyde a beau m'étudier de près, il ne devinera rien sur mon visage.
- Je suis son copain, dis-je.
- Je suis son patron, répond-il avant d'ajouter en ricanant : Ana m'a parlé d'un ex.
Tiens, serait-ce un défi ? S'imagine-t-il avoir la moindre chance avec Ana parce qu'il l'a sous ses ordres durant les heures de bureau ? Connard, tu rêves !
- Eh bien, nous sommes réconciliés, dis-je avec un sourire qui exhibe toutes mes dents. (Je me tourne vers Anastasia :) Viens, baby, on y va
Hyde cherche à nous faire rester, il insiste en regardant Anastasia pour la culpabiliser. Il veut qu'elle me défie publiquement et lui obéisse. Aucune chance que ça arrive. Je prends la main d'Ana, indiquant ainsi que c'est moi qu'elle suivra et pas lui.
- Viens !
Anastasia me suit sans se faire prier. Je savoure le regard furieux de Hyde - nettement moins bon que moi pour cacher ce qu'il ressent. Nous n'en sommes qu'au premier round. Je sais que le combat n'est pas fini.
***
- Pourquoi ça avait l'air d'être un marquage de territoire ? Demande Anastasia sur le trottoir.
Dès que nous arrivons à la voiture, je lui ouvre la portière avec un sourire. Elle a remarqué que l'ambiance entre son patron et moi n'était pas au beau fixe. Je me doutais bien. C'était effectivement une lutte de deux mâles en rut... et j'ai gagné !
Tandis que je monte dans la voiture, je vois Taylor répondre d'un sourire au salut d'Anastasia. Je suis un peu surpris En temps normal, il est très rare que mon taciturne agent de sécurité se fende d'un sourire. J'espère qu'il ne s'amollit pas en prenant de l'âge.
La journée m'a paru très longue - j'étais impatient de revoir Anastasia. Je pense que c'est la même chose pour elle. À 16 heures, elle m'a envoyé un mail en me disant qu'elle s'ennuyait. Je l'ai avertie que tous les mails de SIP étaient surveillés. Elle doit faire attention à ce qu'elle écrit. « Se tourner les pouces », franchement ?
Je n'apprécierais guère apprendre qu'une nouvelle stagiaire annonce une telle attitude dans un mail. Mais mon personnel n'a pas le temps de s'ennuyer : je veille à l'occuper. Anastasia l'aurait découvert si elle avait accepté de travailler pour moi.
À présent, c'est le cas, Grey.
J'ai mal dormi la nuit passée, mais pour une fois, ce ne sont pas les cauchemars qui m'ont tourmenté, mais des fantasmes concernant Anastasia. Elle a aimé son iPad. Elle a aimé ses chansons. Elle a aimé l'application de la British Library. Elle a même dit qu'elle m'aimait dans son mail. J'ai lu cette phrase encore et encore. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle m'ait donné une seconde chance, mais c'est le cas, et j'en suis infiniment soulagé.
Tu ne le méritais pas, Grey.
Dans la voiture, assis côte à côte, nous sommes tous les deux troublés par le magnétisme sexuel qui existe entre nous. Il me faut tout mon self-control pour ne pas embrasser Anastasia - mais si je commence, je ne suis pas certain de pouvoir me retenir de la prendre ici même, sur le siège arrière. Bien sûr, ça serait marrant, mais je pense que Taylor risquerait d'en être choqué. Même lui a ses limites, je ne peux les ignorer. De plus, je n'ai jamais été exhibitionniste.
Tandis que je m'entraînais à devenir un dominant, j'ai accompli des sessions en public, devant d'autres dominants. Il est impossible d'être timide ou inhibé dans le monde BDSM. Pour moi, c'était un entraînement, rien de plus. J'ai aussi essayé les partouzes, mais ça non plus, ce n'est pas mon truc. Elena les appréciait beaucoup : elle adore regarder. C'est pourquoi elle a proposé de m'aider à entraîner Anastasia, comme elle l'a déjà fait avec d'autres soumises dans le passé. Elle devait espérer pouvoir ainsi assister à nos ébats. Pas question. Jamais. Je pense qu'Elena commence à se lasser de son soumis actuel, Isaac Stein. Elle s'intéresse à mes affaires parce qu'elle cherche une distraction. Elle ne cesse de me téléphoner, même si je ne décroche jamais.
Jamais je ne partagerai Anastasia - qui d'ailleurs, ne l'accepterait pas. Ana est à moi - et personne ne posera les yeux sur elle. Maintenant que nous sommes réconciliés, nous trouverons ensemble un terrain d'entente, sans interférence. Ma priorité est de lui donner ce qu'elle désire de moi, puis ensuite, découvrir ce que je peux attendre d'elle.
J'essaie de bavarder dans la voiture, pour oublier le regard brûlant d'Ana qui me supplie de la baiser aussi vite que possible. Elle a une voix rauque et sensuelle, étouffée par l'émotion.
- Qu'est-ce que tu aurais envie de faire ce soir ? Dis-je.
C'est une question stupide, je l'admets. La réponse est un verbe qui commence par un B et finit par un R - en six lettres.
- Je croyais que tu avais des projets ! S'étonne Ana.
Oh, crois-moi, baby, j'en ai. Mais ce qui m'intéresse, c'est ce qu'Anastasia désire. Je veux l'entendre murmurer des choses sensuelles et érotiques. Je veux qu'elle m'indique, en détail, tout ce dont elle a envie.
En réponse, elle m'adresse un sourire salace.
- Je vois, dis-je, très amusé par son audace. Donc... tu vas me supplier. Tu veux me supplier chez moi ou chez toi ?
Elle me trouve présomptueux, et opte pour chez elle. Aucun problème, baby. Anastasia se mord la lèvre, délibérément, en sachant parfaitement l'effet qu'un tel geste a sur moi. Aargh !
Nous parlons de tout et de rien, pour faire passer le temps. Je lui prends la main et embrasse ses jointures, savourant le velouté de sa peau. Je la trouve superbe. Je lui dis.
Tout à coup, une idée dérangeante me traverse l'esprit : ce Jack Hyde, qui la trouve également superbe et la poursuit de ses assiduités. Aussi, je demande :
- Ton patron, Jack Hyde, il est bon dans ce qu'il fait ?
Elle s'étonne du changement de sujet. Je cherche à la mettre en garde, mais elle hausse les épaules.
- Pourquoi est-ce qu'on en parle ? Tu sais très bien qu'il ne m'intéresse pas du tout. C'est juste mon patron.
Elle n'a vraiment rien remarqué ? Je n'arrive pas à croire une telle naïveté !
Malheureusement, Ana le suppose bon dans son job. Dommage ! J'aurais aimé avoir un prétexte pour le virer sans attendre.
- Il a intérêt à te laisser tranquille sinon il va se retrouver à la porte avec un coup de pied au cul.
- Oh Christian, qu'est-ce que tu racontes ? Il ne m'a rien fait....
Elle n'est pas du tout convaincante. Même si Hyde n'a (encore) rien fait, je suis certain qu'il la met mal à l'aise : j'ai bien remarqué son attitude oppressante dans ce bar. Peut-être Anastasia n'a-t-elle pas compris pourquoi son patron était toujours collé à elle, mais pour moi c'est évident : il veut la baiser
- Si jamais il tente quelque chose, je veux le savoir. Il y a un nom pour ça : le harcèlement sexuel.
- Nous sommes juste allés prendre un verre après le travail ! Proteste Ana.
Oui, c'est toujours comme ça que ça commence : par une approche innocente. Ensuite, il la fait boire... et dès qu'elle est saoule, il attaque. Comment peut-elle ne pas le réaliser ? J'adore son innocence, mais ça la rend terriblement vulnérable. Je dois ne jamais perdre ma vigilance envers elle.
J'espère qu'elle réalise que je suis sérieux. Je veux qu'elle m'indique le moindre geste déplacé. Bien sûr, l'équipe de surveillance fera de son mieux, mais il leur sera difficile de surveiller l'autre connard à distance.
Anastasia écarquille tout à coup les yeux, en réalisant les implications de ce que je viens de dire.
- Tu ne peux pas t'en prendre à lui. Christian ?
J'ai un léger sourire et préfère ne rien dire. Je sens bien que la pilule va être difficile à faire passer. - Tu vas acheter la société ! Déclare Anastasia.
Elle a l'air horrifiée. Pas seulement en colère, mais véritablement horrifiée. Je savais bien qu'elle ne serait pas contente, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle manifeste un tel choc. Et merde !
Peut-être va-t-elle laisser tomber le sujet ?
Grey, tu rêves en couleurs.
- Tu as acheté SIP.
Manifestement, elle a l'intention d'aller au bout des choses. Euh, l'achat n'est pas... il reste que quelques détails administratifs... Peut-être... Non, impossible d'esquiver une réponse claire et nette.
- C'est fait.
Bon, Grey, ça va être ta fête cette fois !
- Mais pourquoi ? Demande Anastasia tétanisée d'horreur.
Bon sang, pourquoi pas ? Qu'est-ce qui m'empêche d'acheter ce que je veux - quand je veux - comme je veux ?
- Parce que je peux, Anastasia. J'ai besoin de te savoir en sécurité.
C'est ma priorité numéro un !
- Mais tu as dit que tu n'interviendrais pas dans ma carrière ! hurle-t-elle.
Et alors ? Je n'ai pas menti. Je ne suis pas intervenu. Pas encore. Et je ne le ferai pas tant que ta
sécurité ne sera pas en jeu.
Ana est si furieuse qu'elle en a perdu la voix. À mon avis, c'est une grande chance pour moi.
- Tu es fâchée contre moi ?
Ça m'étonne. Personne n'ose se fâcher contre moi. Jamais. C'est une expérience complètement inattendue. Nouvelle. Étrange...
- Oui. Évidemment que je suis fâchée contre toi ! Crie-t-elle. Non, mais quel genre de dirigeant d'entreprise prend des décisions basées sur la fille qu'il baise ?
Quoi ? Elle y va fort là quand même ! Ana regarde Taylor, très gênée de son éclat. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle se préoccupe de ce que LUI pense et pas du tout de ce que MOI je ressens... D'accord, elle est furax. Elle bouillonne littéralement sur place de rage - en fait, je m'étonne que la vapeur ne lui sorte pas des oreilles.
Comme je ne sais pas quoi dire, je trouve plus prudent de la boucler.
La fille que je baise ? Peuh !
Le silence devient de plus en plus pesant entre nous. Fort heureusement, quelques minutes après, nous arrivons devant son appartement. Ana sort à toute vitesse, sans même attendre que je lui ouvre la portière. Est-ce qu'elle me plante encore une fois ? Non merde quoi... je viens juste de la récupérer.
- Je pense que vous feriez mieux d'attendre ici, dis-je à Taylor, les dents serrées de frustration.
Je n'arrive pas à comprendre comment la situation a aussi vite dégénéré. Je ne suis pas du tout certain qu'Ana va me laisser entrer chez elle. Je ne sais pas comment la calmer. Je décide une approche sensée et raisonnable - c'est certainement ce que me conseillerait mon psy. Dire que John Flynn a été si heureux de l'évolution de la situation quand je lui ai téléphoné au cours de l'après-midi. Et maintenant, j'ai tout foutu en l'air. Une fois de plus !
Comme d'habitude, Anastasia ne trouve pas ses clés dans son sac. Une chance pour moi, d'ailleurs, elle n'a pas pu me claquer la porte au nez. Je l'examine - elle m'ignore.
- Anastasia ! Dis-je, pour attirer son attention.
Elle lève les yeux sur moi... elle est livide de rage, tellement en colère qu'il lui faut un moment pour réussir à parler. Merde.
La fille que je baise ? Ces mots rageurs qu'elle m'a jetés au visage me vrillent les oreilles. Tentateurs, menaçants, moqueurs... Il y a un bail - et même un très très très long bail - que je n'ai pas baisé Anastasia. J'aimerais bien rectifier au plus vite ce triste état de fait.
Je lui explique, le plus sincèrement possible, que je voulais investir dans l'édition - que SIP se trouve être la plus rentable des quatre sociétés de Seattle. Et ça ne va pas durer parce qu'elle commence à stagner. Il lui faut de la diversification. Et c'est la vérité. Bien sûr, je me suis intéressé à l'édition que parce qu'Anastasia voulait y travailler, mais les affaires sont les affaires. Il est toujours sain de se diversifier. Je suis ravi d'avoir trouvé une nouvelle branche à explorer. De plus, SIP est un excellent investissement.
- Donc tu es maintenant mon patron ? Feule-t-elle.
Exactement. Et ça me plait beaucoup - ce que je trouve plus sage de garder pour moi.
- Techniquement, je suis le patron du patron de ton patron, dis-je posément.
Voilà, c'est tout moi : calme, rationnel, précis. Anastasia n'apprécie pas du tout ma franchise.
- Donc techniquement c'est du harcèlement sexuel - si je couche avec le patron du patron de mon patron ! Hurle-t-elle
Voilà bien l'incohérence des femmes ! Qu'est-ce qu'on en a foutre que je sois son patron ou le patron de son patron ou le patron du patron de son patron ? Donne-moi le titre que tu veux, baby, l'important, c'est que tu restes avec moi.
- En ce moment, tu te disputes avec lui, dis-je, d'un ton ferme.
Techniquement, c'est la vérité. Ce n'est pas du tout comme ça que j'avais envisagé de passer la soirée !
- C'est parce qu'il est une véritable andouille ! Aboie Anastasia.
Une... andouille ? Elle m'a traité d'andouille ? Vraiment, elle n'en rate pas une ! Personne ne m'a jamais traité d'andouille. Personne n'a osé. Une autre première pour Miss Steele - et celle-là est marrante en plus.
Elle a toujours été très honnête envers toi, Grey. Elle a raison : tu es une andouille. Tu ne sais pas parler aux femmes. Tu t'y prends tout de travers.
Je sens un sourire s'esquisser sur mes lèvres. Ana est tellement drôle et surprenante, je ne m'ennuie jamais avec elle. En la regardant, je devine qu'elle commence à se calmer. Peut-être réalise-t-elle enfin que ce n'est pas si grave : j'ai racheté SIP, et alors ?
- Ne me fais pas rire quand je suis en colère contre toi ! S'écrie Anastasia.
Elle éclate de rire et je me sens rassuré. Elle essaye de prétendre être toujours furieuse, mais vu qu'elle glousse comme une gamine émoustillée, je pense la bataille gagnée. Ouf ! Je n'ose pas l'embrasser, alors je me contente de frotter mon nez dans ses cheveux. Elle sent délicieusement bon, comme de coutume. Une fragrance à la fois sensuelle et innocente, érotique et pure. C'est Anastasia ! Un contraste permanent, de la défiance et du sexe. Elle est irrésistible.
Je lui demande si elle m'invite à entrer ou si elle m'envoie sur les roses. Ce serait parfaitement injuste, je trouve. Comme tout citoyen américain, j'ai le droit d'acheter ce que je veux. Non ?
- Tu en as parlé au docteur Flynn ? S'enquiert-elle moqueuse.
Oh oui, baby, John connaît tout à mon sujet. Même les pires de mes noirs secrets...
Avec un sourire, Anastasia m'ouvre la porte, aussi j'adresse un signe à Taylor, en le libérant. J'imagine qu'il doit pousser un grand soupir de soulagement. Si Anastasia avait encore rompu ce soir avec moi, je n'aurais pas été le seul à souffrir. Le désastre n'est pas passé pas loin.
Du coin de l'œil, je repère l'Audi A3 rouge que Taylor a garée dans le parking. Une chance qu'Anastasia ne l'ait pas encore vue. Dans son humeur actuelle, je sens qu'elle n'aurait pas apprécié le retour de mon cadeau. Je suis heureux qu'elle n'ait pas protesté en retrouvant son BlackBerry, son MacBook, ou en recevant un nouvel iPad. J'aime la gâter.
***
L'appartement est agréable, ainsi qu'Elliot me l'avait dit. Ce sont les parents de Katherine Kavanagh qui l'ont acheté pour elle dans ce quartier prospère et agréable, il s'agit d'un investissement solide et sûr. Si mon frère m'avait présenté l'endroit comme un taudis, j'aurais immédiatement réagi pour en faire sortir Anastasia. Elliot est très attentif aux bons critères dans la construction et l'immobilier. Après tout, c'est sa partie. Lui-même a un appartement superbe et très bien placé.
Je me souviens tout à coup de sa réflexion, comme quoi Ana a très peu d'affaires personnelles, vêtements, bijoux, et autres, surtout par rapport à sa colocataire. J'ai l'intention de rectifier ça. Mais pas tout de suite.
D'être enfin seul avec Anastasia me donne une érection douloureuse. Je plaque Ana contre le comptoir en béton de la cuisine. J'aimerais la prendre, dès à présent. Je sais qu'elle aussi le désire. Nous brûlons de la même passion charnelle.
Anastasia me propose à boire, puis elle m'avoue à mi-voix :
J'en suis conscient. C'est un chat sauvage, ma petite rebelle, une pile électrique. C'est comme ça que je l'aime. Je lui offre mes excuses dans un sourire. Je suis désolé qu'elle soit bouleversée, mais pas d'avoir acheté SIP.
Quand elle aborde le sujet de la nourriture, malgré mon désir d'elle, je m'enquiers de ce qu'elle a avalé dans la journée. Sa réponse me consterne : un sandwich au déjeuner. Ce n'est pas suffisant. Il lui faut un repas complet. Elle proteste et affirme que ce n'est pas de nourriture dont elle a faim.
Je suis dans le même cas, mais tant pis pour elle. Elle n'avait qu'à faire davantage attention.
Et puis, elle va devoir communiquer. Je lui rappelle mes instructions. Il va falloir qu'elle m'énonce clairement ce que je dois faire. Pour moi, il n'est pas facile de changer à ce point de comportement. Depuis des années, je suis dominant : je donne des ordres et je m'attends à les voir exécutés. Mais avec elle, ça n'a pas fonctionné. Plus jamais je ne courrai le moindre risque.
Toujours impulsive, Anastasia tend les bras vers moi. Instinctivement, je recule en secouant la tête. Pas question qu'elle me touche. C'est pour moi une limite majeure. Quand je le lui rappelle, elle paraît effondrée. Puis elle prend une petite voix plaintive pour dire :
- Je devrais peut-être trouver un marqueur et nous pourrions dessiner les limites des zones interdites.
Tiens, ce n'est pas une mauvaise idée. Il faudra que j'y réfléchisse. En attendant, je veux savoir où est sa chambre, pour pouvoir la... merde ! A-t-elle continué à prendre sa pilule durant notre séparation ? Je lui pose la question
Elle me jette un regard horrifié après son aveu. C'est bien ce que je pensais. Retour à la case départ. Et je vais me retaper un mois de préservatifs. J'en ai apporté avec moi ce soir. Une chance !
Je maintiens mon idée qu'il nous faut d'abord manger. Anastasia n'est pas d'accord : elle veut aller se coucher. Je la regarde d'un air salace pour déclarer :
- L'anticipation est la clé de la séduction. En ce moment, je suis à fond dans la récompense retardée.
- Je suis séduite ! rétorque-t-elle. Et je veux ma récompense tout de suite. Je vais te supplier :
s'il te plaît.
J'ai envie d'éclater de rire. Elle est adorable mais je ne cède pas. Elle me regarde, la lèvre boudeuse, les sourcils froncés.
- Je suis toujours furieuse que tu aies acheté SIP, marmonne-t-elle, ulcérée. Maintenant, je suis encore plus furieuse parce que tu me fais attendre.
En fait, Ana découvre très vite à mes projets un handicap majeur : il n'y a rien à manger dans l'appartement. Nous devons aller faire des courses. Je sens mon cœur se serrer à l'idée qu'elle soit restée toute seule sans rien durant tout ce temps. Était-ce parce qu'elle était triste ou parce qu'elle n'a pas assez d'argent ? Elle n'a même pas encaissé mon chèque. Cette idée me déprime.
***
Je n'ai pas l'habitude de faire des courses ou la cuisine. J'emploie des gens pour ça : Mrs Jones, à l'Escala - et d'autres dans mes deux autres résidences. À New York, j'ai un appartement que j'utilise quelques fois par an, pour des déplacements professionnels. À Aspen, j'ai un chalet qu'Elliot a entièrement rénové, j'y vais pour les vacances. Il y a bien longtemps que je n'ai eu l'occasion d'en profiter. Je pense que mon frère l'utilise plus souvent que moi, vu que lui aussi a les clés.
Errer dans les allées de Chez Ernie est pour moi une expérience nouvelle. Ana semble déjà connaître ce supermarché : elle sait dans quel rayon sélectionner ce qu'elle désire. Je la suis comme un toutou, un panier à la main. Normalement, une assiette garnie apparaît devant moi, alors que j'ignore les éléments qui la composent. J'ai un sourire à cette idée. Ana peut bien cuisiner ce qu'elle veut. Elle me propose un wok légumes/poulet en assurant que : « c'est rapide ». Je souris encore, sachant très bien pourquoi elle tient à se débarrasser du repas au plus vite. Je suis d'accord avec elle, plus tôt nous aurons fini de manger, plus tôt je pourrai la déshabiller.
La foule, dans ce supermarché, me surprend également. Je n'apprécie pas le brouhaha, le mouvement, l'excitation, le désordre. Des garnements mal élevés courant dans les allées, je jette un œil noir à l'horrible femme obèse qui est censée les surveiller. Elle me renvoie un regard hargneux au moment où Ana revient vers moi. Une chance ! Je suis certain que j'aurais regretté ce que je m'apprêtais à dire. Je me laisse entraîner. Bon sang, je suis vraiment heureux que ma fréquentation de ce genre d'endroits reste exceptionnelle.
- Tu as quelque chose à boire ? Dis-je à Anastasia.
J'en doute. Déjà, il n'y a pas longtemps qu'elle a déménagé ; de plus, elle n'a pas pris le temps de faire des courses depuis lors. Comme je n'ai pas à conduire ce soir, je peux m'offrir le plaisir d'un verre ou deux.
Anastasia me regarde d'un air consterné avant de marmonner :
- De la bière... je pense.
C'est bien ce que je pensais. J'envisage d'acheter du vin Chez Ernie, mais il n'y a que de la vinasse dans des bouteilles en plastique. Merde, peut-être aurions-nous mieux fait d'aller chez moi. Tant pis. J'ai quand même eu le plaisir de visiter le nouvel appartement d'Ana. Elle a dû remarquer ma tête, parce qu'elle m'indique un autre magasin, plus loin dans la rue. Je l'abandonne à la caisse et vais vérifier ce qu'il en est. Je découvre, par hasard, une bouteille à peu près correcte de Pinot Grigio. Ça fera l'affaire.
Peu après, nous revenons ensemble jusqu'à l'appartement, c'est moi qui porte les sachets contenant nos achats. Anastasia me jette un coup d'œil amusé.
- Tu fais très... homme d'intérieur, déclare-t-elle.
Personne ne m'a jamais accusé d'un truc pareil ! En fait, depuis mes vingt-et-un ans, je n'ai consacré mon temps qu'à travailler pour devenir milliardaire - et à baiser mes soumises pour faire baisser ma pression.
Une fois les courses rangées, je prends ma bouteille de vin et cherche un tire-bouchon. Ana regarde autour d'elle, pas trop sûre de l'endroit où il peut se trouver. Manifestement, elle non plus n'est pas une vraie femme d'intérieur. Heureusement que je suis là pour m'occuper d'elle.
Je réalise tout à coup qu'elle est bien trop silencieuse. J'aimerais savoir ce qui lui passe par la tête. C'est bien mon problème. La plupart du temps, je n'en sais rien du tout.
- À quoi tu penses ? Dis-je, pour qu'elle me parle.
Elle prétend très peu me connaître. C'est grotesque, je lui ai beaucoup raconté sur moi. Elle me connaît mieux que personne. Contrariante comme à son habitude, Miss Steele ne me croit pas. Je sens bien qu'elle pense à Elena... même si elle ne prononce pas son nom. Ana se trompe. Avec mon ancienne dominatrix, nous ne parlons que de BDSM. Jamais de mes sentiments. Jamais de mon passé.
- Anastasia, dis-je doucement. Je suis quelqu'un de très, très secret.
Même avec ma famille, je n'ai jamais partagé certaines des choses que je t'ai avouées, baby.
Comme le sujet est déprimant, je préfère passer à autre chose. Je lui sers un verre de vin et porte un toast à sa santé. Puis je la regarde préparer ses accessoires de cuisine.
- Je peux t'aider ? Dis-je.
Elle refuse et me propose de m'asseoir, tout en s'activant aux préparatifs du repas. Je me sens comme la cinquième roue du carrosse. J'ai vraiment envie de l'aider. Flynn m'a conseillé de partager des expériences avec Ana, non ? Pourquoi ne pas commencer par un repas ? Je pourrais sans doute mettre le couvert...
- Tu peux couper les légumes, déclare-t-elle, interrompant mes pensées.
Merde, je n'y connais rien. Je regarde avec suspicion le couteau qu'elle me tend. Que compte-t-elle au juste me voir faire avec ça ? Elle ricane, comme si le fait que je n'aie jamais utilisé d'un couteau de cuisine était la plaisanterie du siècle.
- Tu te moques de moi ? Dis-je, surpris.
Baby, j'ai été occupé à faire fortune, je n'ai pas eu le temps d'apprendre à couper les légumes.
- J'ai enfin trouvé quelque chose que je sais faire et pas toi ! déclare Ana, enchantée.
Pour me démontrer comment faire, elle se colle à moi. Immédiatement, je ressens un vif éclair d'excitation. Je recule d'un pas pour lutter contre la tentation de la saisir, la jeter par terre, et la prendre.
Je me concentre sur ma tâche. Ce qu'elle me montre m'a l'air plutôt simple. J'en suis heureux.
- Oui, tu devrais y arriver, dit-elle, moqueuse, comme si j'avais cinq ans.
Un de mes modus operandi est : si on fait quelque chose, autant le faire bien ; aussi je m'applique à découper mon poivron. D'accord, je ne suis pas aussi rapide qu'Anastasia, mais quand même, je suis plutôt fier de la régularité de mes émincés. À mes côtés, elle découpe le poulet, puis réunit différents ingrédients dont elle aura besoin pour son plat. Elle ne cesse de se frotter contre moi : elle m'allume, elle m'excite. Et elle le fait exprès, je pense, pour se venger que j'aie refusé, tout à l'heure, de la prendre sans attendre.
Je me concentre sur mon poivron. C'est bien plus compliqué que prévu, surtout avec tous ces petits grains qu'il faut enlever. Une fois de plus, Anastasia m'effleure subrepticement - et très délibérément.
- Je sais ce que tu es en train de faire Anastasia, dis-je, dans un grognement menaçant.
- Je pense que ça s'appelle cuisiner répond-elle, pince-sans-rire, tout en battant des cils.
Elle me rend fou. Surtout quand c'est son délicieux derrière qu'elle plaque contre moi. Je n'en peux plus.
- Si tu recommences, Anastasia, je te prends par terre dans la cuisine.
Je ne plaisante pas. J'ai déjà du mal à me contrôler, alors si en plus elle me titille...
Elle répond en me défiant. D'accord, c'est terminé. L'atmosphère entre nous devient électrique. Je pose mon couteau d'un geste définitif.
- Je crois qu'on mangera plus tard, dis-je d'un ton impérieux. Mets le poulet dans le frigo.
Je la prends par les hanches, lui empoigne les cheveux, et l'embrasse voracement, la plaquant contre le frigo que j'ébranle violemment. Nos langues dansent un ballet furieux. Quand Anastasia gémit dans ma bouche, mon désir d'elle devient primitif et désespéré. Il y a trop longtemps, bien trop longtemps que je n'ai pu la prendre. J'en ai besoin. Je ne peux plus y résister. Je veux la baiser. Il faut que je la baise.
Une dernière fois, je lui demande :
- Qu'est-ce que tu veux, Anastasia ?
- Toi.
Très bien, je la soulève dans mes bras et l'emmène droit dans sa chambre. Je la pose, allume la lampe de chevet et tire les rideaux. Je n'ai pas l'intention d'offrir un peep-show à tout le voisinage.
- Et maintenant ? Dis-je.
- Fais-moi l'amour, répond-elle en haletant.
Ça ne me suffit pas. Il va falloir qu'elle me détaille ce qu'elle veut. Elle demande d'abord que je la déshabille. Quand je le lui fais enlever son pantalon, elle s'agrippe à mes bras... et me jette immédiatement un regard inquiet. Sans doute se demande-t-elle si, une fois de plus, je vais reculer à son contact. Non, mes bras sont accessibles - je n'ai aucun problème cette fois. Je la vois se détendre en le réalisant. Quand elle est presque nue, je l'examine avec ardeur. Elle ne porte que son soutien- gorge pigeonnant qui met en valeur ses seins ravissants. Elle est à moi.
Elle me demande de l'embrasser le long de la gorge ; je m'exécute avec plaisir. Repoussant ses cheveux de côté, je me penche, les yeux fermés, pour mieux savourer son contact divin.
Puis je m'agenouille devant elle et la regarde pour demander :
- Et maintenant, Anastasia ?
- Embrasse-moi, chuchote-t-elle, toute rouge. - Où?
- Tu le sais très bien.
Bien sûr, baby, mais je veux quand même te l'entendre dire.
- Où?
Elle n'ose pas s'exprimer à voix haute, mais elle désigne l'endroit du doigt. Très bien, je considère sa réponse comme suffisante. De mes deux pouces, j'ouvre les pétales de son sexe que je caresse de la langue, avec expertise, passant et repassant sur son clitoris, pour la rendre folle de désir. Elle serre les doigts dans mes cheveux. Quand elle est au bord de l'orgasme, je me relève... je veux l'entendre me supplier de la baiser.
- Christian, s'il te plaît...
Elle répète, encore et encore, qu'elle veut faire l'amour, elle veut que je la prenne. Mais je m'écarte, et cherche à lui faire comprendre qu'il y a un problème : ne voit-elle pas que je suis encore habillé ? Elle est tellement perdue dans son brouillard érotique qu'elle met un moment à réaliser. Puis elle sourit et tend les mains vers ma poitrine. Oh non, pas question ! Elle paraît déçue. Mais enfin, elle s'attaque à la ceinture de mon pantalon.
Quand je suis nu en dessous de la taille, Anastasia me caresse, exactement comme je le lui ai appris. Bon sang, c'est jouissif ! Tout à coup, elle se jette en avant et m'engloutit dans sa bouche, me caressant de sa langue brûlante, avant d'aspirer violemment. Il me faut tout mon self-control pour ne pas jouir sur-le-champ.
J'ai beau lui conseiller d'aller doucement, elle n'écoute pas. Au contraire, elle s'active de plus en plus, tout en m'empoignant les couilles. La sensation est délirante.
- Ana ! Je ne veux pas jouir dans ta bouche !
Je ne vais pas tenir longtemps, aussi je la relève d'un geste brusque pour la balancer sur le lit. Elle m'a presque fait craquer. J'ai créé un monstre - aussi vorace et exigeant que moi. Maintenant, terminé, on ne joue plus, on baise.
Je lui ordonne d'enlever son soutien-gorge, avant de s'étendre pour que je puisse l'admirer. Elle est magnifique. Après notre rupture, j'ai cru que plus jamais je n'aurai l'occasion de la voir ainsi. Une vague de soulagement me traverse à l'idée d'avoir échappé à un tel désastre.
Elle me regarde avec de grands yeux sortir de ma poche un préservatif et le rouler sur mon sexe.
Je lui écarte les jambes et prends mon temps pour l'empaler, savourant chaque délicieux centimètre de sa chair qui se referme sur moi. Elle ferme les yeux et gémit de plaisir tout en levant le bassin pour mieux m'accueillir, m'encourageant à la prendre complètement. Je suis au paradis. À nouveau, elle a les doigts crispés dans mes cheveux, pour me tirer à elle, tandis que je commence mes va-et-vient, au même rythme lent et hypnotique.
- Plus vite, Christian, plus vite... s'il te plaît ! Crie Anastasia.
Elle ne cesse de répéter ces mots : « s'il te plaît, s'il te plaît ! » Elle me dit enfin ce qu'elle veut, ce qu'elle aime, et je suis plus qu'heureux de la satisfaire.
Je l'embrasse profondément, tandis que je la martèle de plus en plus vite, de plus en plus fort, nous propulsant tous les deux vers un orgasme explosif. Nous ne pouvons plus attendre : nous sommes trop impatients... Je la sens enfin se crisper, puis basculer vers le plaisir dans lequel je la suis avec un grand cri. C'est son nom qui s'échappe de mes lèvres.
Quel timing parfait ! Nous sommes si bien accordés. Si merveilleusement accordés.
Et je réalise alors que Flynn a eu raison tout du long : j'aime Anastasia Steele. Je l'aime désespérément. Je ne peux plus le nier.

50 nuances de Grey version Christian. Tome 2 PassionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant