Leila est bien dans l'appartement, elle est debout devant Anastasia, une arme braquée sur elle. Cette vue me coupe le souffle - me tue. Je n'ai pas réussi à protéger Anastasia. J'ai du mal à respirer. Je n'oublierai jamais cette image affreuse. Une vague de colère irrépressible monte en moi, envers tout le monde. Bien entendu, Leila est au sommet de ma liste. Je ne peux vivre sans Anastasia, mon soleil, ma lumière.
Et Leila la menace...
Ça pourrait être pire, Grey. Regarde : Anastasia est vivante.
Je l'examine rapidement de haut en bas, pour être certain de ne rien manquer. Non, je ne vois aucune blessure apparente, elle me paraît en forme. Je suis soulagé, mais je dois maintenant concentrer toute mon attention sur Leila, armée et imprévisible. Anastasia court toujours un risque et je ne peux supporter cette idée.
Leila... Son apparence me sidère, elle a les yeux hantés, sans vie ; le teint blafard ; un corps maigre et incroyablement sale. Elle porte un imperméable hideux et trop grand. Qu'a-t-il pu lui arriver, bon sang, pour l'avoir mise dans cet état ? Est-ce à cause de moi ? Aurais-je été un dominant assez inconscient pour briser en elle tout esprit, vivacité, malice, au point qu'elle n'ait jamais récupéré après être passée entre mes mains ?
Je remarque qu'elle crispe la main sur son arme. Merde, elle paraît décidée à l'utiliser. Et pourtant, ma colère contre elle diminue devant l'aspect qu'elle présente. Si Leila doit tirer sur quelqu'un, que ce soit sur moi, pas sur Anastasia. C'est mon problème. J'en suis le responsable. Brutalement, je me sens redevenir un dominant, ma douleur s'éloigne, ma colère aussi. Délibérément, j'oublie Anastasia - penser à elle en cet instant délicat ne pourrait que m'affaiblir, me distraire et me troubler. Il faut que je contrôle Leila.
Elle est malade. Le premier devoir d'un dominant concerne le bien-être de ses soumises. C'est une responsabilité que j'ai toujours prise extrêmement au sérieux.
Je sais que Leila était une soumise expérimentée quand nous avons signé notre contrat, elle est entrée dans cette relation en pleine connaissance de cause. J'ai toujours scrupuleusement veillé à être très clair dans ce que j'attendais d'une soumise. Je sais bien qu'à la fin, Leila espérait obtenir davantage de moi, mais j'ai cru qu'elle avait accepté mon refus. Elle a regretté son renvoi, certes, mais après quelques appels téléphoniques, elle n'a pas insisté. Elle a réalisé qu'il n'y aurait jamais de « seconde chance ». Elle ne m'avait pas paru particulièrement déprimée. Quand Elena m'a appris plus tard que Leila se mariait, j'ai pensé qu'elle avait refait sa vie, qu'elle était heureuse, et que ce chapitre était définitivement clos.
Je la regarde, intensément. Dès que ses yeux bruns et éperdus croisent les miens, je réalise qu'elle est toujours la soumise innée que j'ai connue autrefois. Je lève la main pour interdire à Taylor d'intervenir en force. Je peux gérer cette situation. Il faut simplement que je prenne le contrôle de mon ancienne soumise - ce que je peux faire -, aussi je veux que le responsable de ma sécurité maîtrise sa furie et sa frustration, et surtout qu'il garde de son arme dans son holster, sans la sortir.
Ce ne doit pas être facile pour lui de restreindre ses instincts militaires, il doit avoir envie de tirer sur Leila avant qu'elle ne nous blesse, Anastasia ou moi. Mais je ne veux pas. Leila n'est pas responsable. Je ressens tout à coup envers elle de la pitié - un sentiment qui m'est totalement inconnu. Sans doute est-ce parce que je me sens coupable d'avoir participé à sa destruction...
Leila penche légèrement la tête de côté en prenant une mine contrite : on dirait une enfant surprise à faire une bêtise. Elle me jette, à travers ses longs cils, un regard dont je me souviens bien. Je me redresse de toute ma taille et me transporte dans cet état d'esprit particulier que je ne trouve, en temps normal, que dans ma salle de jeu. C'est une attitude, une façon de diriger une autre personne d'un simple mouvement de la tête, d'un geste, presque d'une pensée. Chez un dominant inné, comme moi, ça vient aussi naturellement que respirer ; et Leila, une soumise de nature, y répond sans la moindre hésitation.
J'ai étudié autrefois les Chroniques de Gor36. Certaines soumises de la communauté BDSM se considèrent comme des « Kajira37 », des adeptes du mode de vie goréen. La posture d'attente d'une soumise vient de là : le Nadu - à genoux, les cuisses ouvertes, ce qui offre un libre accès à son sexe et symbolise sa docilité et sa constante disponibilité. C'est une des premières instructions qu'on apprend à une novice en cours de formation.
À genoux ! Dis-je à Leila dans un ordre muet, un simple mouvement des lèvres auquel elle obéit immédiatement. Elle prend la posture de présentation d'une soumise, les cuisses écartées, la tête penchée, les mains posées sur les genoux. Son arme, oubliée, glisse sur le sol, tandis que Leila reste immobile, figée, attendant mon bon plaisir.
J'entends Taylor pousser derrière moi un soupir de soulagement lorsque je me baisse pour récupérer le revolver - je le mets dans ma poche, en sécurité.
Seuls les gens qui font partie de la communauté BDSM comprendront que Leila n'attend que ça : un dominant qui prenne le contrôle afin qu'elle n'ait plus à réfléchir toute seule. Elle en a besoin. C'est pourquoi elle accueille ma présence avec tant de bonne volonté. Elle me donne toute responsabilité de gérer ce qui la concerne. C'est ce que réclamait son esprit malade, c'est pourquoi elle a tenté d'attirer mon attention de cette façon bizarre. Mrs Jones avait raison : il s'agissait d'un appel à l'aide. Leila savait bien que moi, son ancien maître, j'accepterais de me charger de ses ennuis, de les régler. C'est ce qu'elle attend moi, c'est pour ça qu'elle est revenue vers moi.
Je présume que, dans son état d'esprit instable, Leila a perçu Anastasia comme un obstacle sur son chemin, d'où ses actes violents - et même menaçants - envers celle qui l'a remplacée.
Je vois un petit sourire de soulagement étirer les lèvres de Leila maintenant qu'elle m'a cédé le contrôle sur elle-même.
- Anastasia, sors avec Taylor !
C'est un ordre, je veux qu'elle disparaisse de l'équation, j'ai besoin d'être certain qu'elle soit en sécurité.
- Ethan ? Chuchote-t-elle.
Quoi ? Puis je réalise qu'Ana ignore où est Blondin - peut-être craint-elle même que Leila ne lui ait tiré dessus. Brièvement, je lui indique :
- En bas.
Tout en parlant, je surveille Leila de près. Il me faut absolument maintenir ma connexion avec elle, pour la garder sous contrôle, au moins jusqu'à ce qu'Anastasia soit hors de danger. Ensuite, je pourrai téléphoner à John et lancer la procédure qui donnera à Leila l'aide médicale dont elle a désespérément besoin.
Je jette un coup d'œil en direction d'Anastasia. Elle est d'une pâleur mortelle. En fait, elle semble en état de choc, prête à s'évanouir. Mais je veux qu'elle s'en aille, qu'elle se mette à l'abri... alors qu'elle paraît avoir pris racine dans l'appartement.
D'instinct, je fais un pas vers Leila... j'ignore si c'est pour la protéger de Taylor, qui peut toujours lui tirer dessus, ou pour protéger Anastasia, je ne veux pas que Leila la voie - ça pourrait la faire basculer une fois de plus dans le mode violent. Ces deux femmes dans la pièce représentent quelque part mon passé et mon futur ; je suis au milieu, pris entre les deux feux.
- Anastasia ! Dis-je, fermement. (Elle ne bouge toujours pas, ce qui me met en colère.) Pour l'amour de Dieu, Anastasia, peux-tu faire ce qu'on te demande pour une fois dans ta vie et sortir d'ici ?
Je suis en colère, elle court un danger en restant ici, pourquoi n'obéit-elle jamais ? Elle me regarde avec des yeux écarquillés, sans réagir, comme si elle ne comprenait absolument rien à ce qui se passe. Bon, j'en ai assez, je me tourne vers Taylor :
- Taylor. Emmenez Miss Steele dans la voiture. Immédiatement.
- Pourquoi ? Demande Anastasia affolée.
Ses yeux paraissent immenses dans son petit visage crispé. Je comprends qu'elle soit effrayée - elle est prête à s'écrouler et, quelque part, je ne peux l'en blâmer. Mais je veux surtout qu'elle m'obéisse sans discuter, pour une fois. Il faut qu'elle dégage pour que je puisse gérer tout ce merdier. C'est moi qui l'ai provoqué, c'est à moi de m'en charger, et je ne veux pas qu'elle soit davantage impliquée dans cette affaire sordide.
- Va-t'en. Retourne à l'appartement. Je veux rester seul avec Leila.
Je t'en prie, Ana, laisse-moi régler cette affaire, pour que nous puissions nous retrouver tous les deux en paix, et savourer la nouveauté de notre relation. Plus vite tu partiras, plus vite je pourrais me débarrasser de Leila.
- Miss Steele, insiste Taylor à son tour. Ana.
Il remarque comme moi qu'Anastasia a de la peine à se reprendre, aussi il lui tend la main pour l'encourager à partir avec lui. Elle ne bouge toujours pas. Elle respire à peine. J'ai mal de la voir dans cet état, mais Leila reste ma priorité. Je m'occuperai plus tard du cas d'Anastasia.
- Taylor ! Dis-je, exaspéré.
Il se penche et la prend dans ses bras. Dieu merci, Anastasia n'offre aucune résistance tandis qu'il l'emporte - enfin ! - hors de ce foutu appartement. Je veux qu'elle soit le plus loin possible de ce revolver ; je veux qu'elle soit à l'abri dans ma forteresse, à l'Escala
***
Dès que je suis seul avec Leila, je lui caresse la tête en disant :
- Maintenant, Leila, je vais m'occuper de toi.
- Le maître est bienveillant, chuchote-t-elle, les yeux baissés.
- Regarde-moi !
Très lentement, elle relève la tête, puis les yeux, que je vois enfin. Ces prunelles qui avaient autrefois la chaleur liquide d'un vieux cognac sont aujourd'hui vitreuses, avec un regard vacant, comme si toute vie les avait désertées. C'est vraiment très étrange et effrayant. Mais une fois de plus, il y a ce petit sourire qui joue sur ses lèvres pâles.
- Ça me déplaît que tu ne prennes pas davantage le soin de toi. Nous devons corriger cela.
- Oui maître, comme vous voudrez.
Je n'oublierai jamais avoir manqué de soins étant enfant : c'est à la fois répugnant et dégradant. Aujourd'hui, je ne supporte pas la saleté, la malpropreté, la négligence. Je savoure tous les jours le luxe d'être bien pourvu en eau chaude et vêtements propres. Je décide que Leila en a besoin, le plus vite possible, pour se sentir mieux. Je ne peux attendre que le Dr Flynn vienne s'occuper d'elle.
Je jette un coup d'œil autour de moi pour me souvenir de la disposition des lieux, je n'y suis venu qu'une seule fois avec Anastasia.
- Viens. Suis-moi.
Je tends la main et Leila la prend pour se relever. Sa peau est glacée, ses doigts minuscules, tandis que je l'entraîne fermement jusqu'à la salle de bains.
- Attends.
Je fais couler l'eau dans la baignoire, puis je fouille le petit placard sous le lavabo à la recherche de bain moussant ou de sels. Je trouve un flacon qui paraît coûteux ; quand je l'ouvre pour vérifier, l'odeur est fraîche et agréable. Il y a le shampoing assorti. Je suspecte que ces produits appartiennent à Katherine et non à Anastasia, mais pour le moment, c'est sans importance ; je veillerai à les faire remplacer. Je verse une bonne quantité de liquide dans la baignoire et une odeur florale se répand dans la salle de bains.
Leila reste plantée dans le coin où je l'ai placée, elle a glissé jusqu'au sol et relevé ses genoux contre sa poitrine. Elle me regarde. J'ai dans l'idée de la faire tremper un moment dans de l'eau chaude, pour la détendre - et la nettoyer - avant de la remettre aux mains expertes de John Flynn. En attendant, j'ai quelques questions à lui poser.
- Tu es malade, Leila, je vais m'occuper de toi. Je ferai tout pour te guérir, pour que tu ailles mieux, c'est compris ?
Elle ne réagit pas, elle me fixe toujours, les yeux un peu vagues. Ça fout la trouille.
- Leila, est-ce que tu m'entends ?
- Oui, maître, chantonne-t-elle.
Je réalise tout à coup que Taylor est revenu, il est à l'entrebâillement de la porte et se racle légèrement la gorge pour attirer mon attention. Je m'étonne de le voir. Quand je lui ai demandé d'emmener Ana à l'Escala, je pensais qu'il resterait avec elle. Je suis contrarié : en temps normal Taylor comprend mes ordres avec plus de subtilité.
Il a l'air mal à l'aise. Il ne doit pas aimer me voir seul avec Leila. Il n'a aucune confiance en elle.
- Où est Anastasia ? Dis-je, les sourcils froncés.
- En sécurité, répond Taylor, après une brève pause. J'hésite à insister, mais je n'en ai pas le temps.
- Je vais donner un bain à Miss Williams, puisque vous êtes là, rendez-vous utile, Taylor. Téléphonez au Dr Flynn et indiquez-lui ce qui s'est passé. Je veux qu'il vienne aussi vite que possible.
Il m'avait promis de trouver pour Leila une place dans un établissement psychiatrique, dès que nous lui aurons mis la main dessus.
- Oui monsieur.
Taylor semble soulagé d'avoir quelque chose à accomplir. Je le suis du regard, conscient que cet après-midi a été pour lui un véritable désastre. Il doit même se demander si j'envisage de le foutre à la porte - Leila a quand même réussi à pénétrer dans un appartement que Taylor m'avait assuré être sécurisé, il y est passé en personne quelques heures plus tôt. Non, je n'envisage pas de me séparer de Taylor, je sais mieux que personne que les circonstances conspirent parfois pour bousiller les meilleures intentions.
Je regarde Leila, elle est immobile - obéissante, soumise. Il me semble cependant que son sourire s'est élargi. Est-ce une impression ou non ? À quel point Leila joue-t-elle de son aspect pitoyable ? Un vague soupçon me vient, que je repousse aussitôt. Non... elle est malade, épuisée, affamée, elle ne réfléchit pas de façon aussi compliquée. Elle ne cherche qu'à m'obéir aveuglément. Ma vie serait plus simple si Anastasia était, de temps à autre, aussi empressée de suivre mes ordres. Sauf que... Je pousse un profond soupir - ce n'est plus ce que je veux désormais. Une femme obéissante me paraît d'un ennui mortel - jamais elle ne s'aviserait de me défier, de m'envoyer des mails pleins d'humour ou d'éclater d'un rire enchanteur en se moquant de moi...
Je ne peux rien faire de plus concernant Anastasia pour le moment, aussi je dois me concentrer sur la tâche en cours : Leila.
Je laisse la porte ouverte, sachant que Taylor se montrera discret. Je coupe le robinet, la baignoire profonde est remplie d'eau fumante et parfumée.
- Déshabille-toi et rentre dans la baignoire.
Elle obtempère immédiatement et se relève, pour laisser tomber sur le sol son imperméable croupi - il me semble avoir appartenu à un homme... peut-être à cet amant pour lequel elle a quitté son mari, celui qui a été tué ?
Les vêtements qu'elle a dessous ne sont pas en meilleur état : un sweat noir beaucoup trop grand, provenant soit d'un homme, soit d'une femme bien plus imposante que Leila. Il est taché, avec un trou dans la manche. Son jean noir pendouille, le bas en est sale et déchiré. Ses sneakers ont peut-être été blancs autrefois, maintenant ils sont grisâtres, couverts de boue. Quand Leila les retire, je remarque qu'une des semelles est béante.
Maintenant, elle porte simplement une culotte et un soutien-gorge. Elle est d'une maigreur à faire peur, il est évident qu'elle a perdu du poids depuis l'époque où je l'ai connue. Et elle était déjà très mince autrefois.
Tes soumises sont toujours de petites choses fragiles, à la peau pâle et aux longs cheveux, pas vrai, Grey ? Et tu sais bien pourquoi, sinistre salopard pervers !
- Dépêche-toi, Leila. Déshabille-toi et rentre dans la baignoire, dis-je avec impatience, en lui tournant le dos.
Peu après, j'entends des éclaboussures, aussi je me retourne pour la regarder. La profondeur de l'eau et la mousse la recouvrent jusqu'au cou.
- Que t'est-il arrivé ? Comment es-tu dans un tel état ? Explique-moi.
- Toute seule. Je suis toute seule, chantonne-t-elle, tandis qu'une larme roule sur sa joue.
Je lui prends le bras et regarde la cicatrice qui lui reste au poignet, là où elle a tenté de s'ouvrir les veines.
- Pourquoi as-tu fait ça ? Réponds-moi.
- Je... Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas.
Elle parle d'une voix tellement basse qu'elle est à peine audible - ce n'est même pas un murmure.
- Tu as quitté ton mari, c'est ça, Leila ?
- Oui. Il n'était pas bon. Il n'était pas mon maître. Fred ne s'occupait pas bien de moi. Je ne l'aimais pas.
En me souvenant à quel point Fred West nous a causé des difficultés alors que nous étions à la recherche de Leila qui avait besoin d'aide, ça ne m'étonne pas. Ce sinistre salopard n'a même pas eu la décence de s'occuper de sa femme malade.
- Tu as quitté ton mari avec un autre homme, c'est ça ?
Je ramasse une éponge, et je commence à laver, doucement, ses bras et ses épaules.
- Oui. Maître Christopher. C'était un homme très bon. Il vous ressemblait. Même son nom était presque pareil. Christopher. Il m'a permis d'utiliser son nom.
Je lui ordonne de se pencher en avant, pour que je puisse lui savonner le dos, repoussant ses cheveux qui m'en empêchent. Je sens bien que la dernière phrase de Leila est une sorte d'accusation.
- Nous avions un contrat, Leila, et tu le sais. Alors, Christopher était ton maître, ton dominant ?
- Oui. Je l'aimais. Je l'aimais vraiment. Il s'occupait bien de moi. Et puis, un jour, il y a eu un accident... il est parti... Il m'a laissée. Maintenant, je suis seule, toute seule... (Leila se met à se balancer d'avant en arrière.) Qu'a-t-elle que je n'ai pas ?
Merde ! Elle recommence à dérailler. Elle parle d'Anastasia ?
- Leila, regarde-moi. Je vais t'aider, tu vas t'en sortir.
- Je sais que le maître m'aidera, répond-elle, avec un sourire.
- Tiens, prends cette éponge, et termine de te laver. Je vais m'occuper de tes cheveux.
Ça ne me choque pas de l'avoir savonnée. Je n'ai pas la sensation d'avoir abusé d'elle, plutôt d'avoir accordé mes soins à une enfant. Je ne ressens pour elle aucun désir, juste de la pitié, de la compassion. Je lui savonne les cheveux en faisant bien mousser - Dieu sait qu'ils ont besoin de ça !
J'ai presque terminé quand Taylor frappe à la porte. Il n'entre pas, aussi je vais à sa rencontre pour lui parler.
- Le docteur Flynn sera là dans une demi-heure, avec une infirmière. Ils comptent examiner Miss Williams avant de l'emmener pour la faire admettre dans un centre psychiatrique.
- Tant mieux ! Je suis ravi de savoir qu'il ne va pas tarder.
Je pousse un grand soupir, tout en me frottant les yeux à deux mains.
- Comment est-elle ? Demande Taylor. (De la tête, il désigne la salle de bains.) Est-elle encore dangereuse ou instable ?
- Non, pas du tout. Elle est juste troublée d'avoir perdu ce mec qui a été tué, comme Welch l'a découvert. C'est tout ce que je sais. Nous attendrons John Flynn pour avoir un avis médical. C'est lui l'expert, pas moi.
Quand j'entre dans la salle de bains, Leila tourne la tête pour me sourire.
- Tu te sens mieux ?
- Oui maître. (Elle acquiesce.) Je n'ai plus froid. Je ne suis plus toute seule.
Entendre une femme m'appeler « maître » réveille en moi des souvenirs. Autrefois, j'appréciais ça, mais aujourd'hui, l'idée qu'Anastasia utilise un tel titre ne me tente pas du tout. Peut-être est-ce parce que j'adore l'entendre prononcer mon nom, Christian, surtout quand nous faisons l'amour. Anastasia refuse fermement qu'on lui donne des ordres. Comment ai-je pu me tromper à ce point la première fois que je l'ai rencontrée ? Dire que je l'ai cru soumise de nature, facile, timide, obéissante. Je me suis bien planté.
Est-elle bien rentrée à l'Escala ? Que pense-t-elle après avoir été menacée d'une arme ? Merde, je n'ai même pas eu le temps de la rassurer. J'ai voulu parer au plus urgent...
Leila devine immédiatement que mon esprit s'est détourné d'elle. Pire encore, elle sait que je pense à Anastasia.
- Elle me ressemble, mais le maître la laisse dormir dans son lit. Elle n'est pas obéissante comme moi.
- Non, dis-je, machinalement, avant de me reprendre. Ça ne te regarde pas ! Mets la tête en arrière, je vais te rincer les cheveux.
Tout en m'activant sur la tête de Leila, j'essaie d'oublier pour le moment mes inquiétudes concernant Anastasia. Je ne peux rien faire d'autre, aussi il est inutile de ressasser.
Une fois Leila propre, je réalise qu'il m'est impossible de la rhabiller dans ses vêtements sales. Bien entendu, elle a pratiquement la même taille qu'Anastasia, aussi il me paraît logique d'emprunter quelques vêtements propres dans la garde-robe qu'elle a dû laisser ici.
- Taylor !
Je prends sur un portant une grande serviette de douche que je pose à côté de la baignoire.
- Sors de la baignoire et sèche-toi. Pendant ce temps, je vais te chercher des vêtements propres.
- Oui maître.
Un coup à la porte. C'est Taylor, je me lève et lui demande d'aller récupérer dans la chambre d'Anastasia - juste de l'autre côté du couloir - une tenue de rechange. Il parait mécontent. Je n'ai pas le temps de m'attarder à savoir pourquoi.
Cinq minutes après, Taylor me ramène un soutien-gorge et une culotte en coton blanc, un jean et une chemise. Ça devrait aller à Leila, je pense.
Ana ne possédait rien de luxueux, Grey, pas de satin, de dentelle ou de soie, pas vrai ?
Je sais qu'Anastasia a une nature généreuse et compatissante, je ne pense pas qu'elle ferait d'objection à donner des vêtements à Leila, pas après avoir vu l'état déplorable dans lequel elle était. Je suis certain qu'elle ressentirait de la compassion. Dans tous les cas, Anastasia n'aura plus besoin de ces vieux vêtements - que j'ai l'intention de remplacer par d'autres, bien plus beaux.
Leila a obéi à mes instructions au pied de la lettre. Debout, enveloppée dans sa serviette, elle attend patiemment. On la dirait incapable de penser par elle-même. Elle a besoin de moi pour lui dire ce qu'elle doit faire, étape par étape.
- Habille-toi. Mets ces vêtements. Ensuite, brosse tes cheveux.
Je lui tends sa rechange et lui indique du doigt la brosse posée sur une étagère. Alors que je retourne vers Taylor, l'interphone sonne, ce qui nous fait sursauter tous les deux. Taylor va répondre : c'est le Dr Flynn. Taylor déverrouille la porte d'en bas et sort sur le palier.
Dieu merci, voilà la cavalerie.
J'avance pour accueillir mon psy.
- John, je vous remercie d'être venu aussi vite.
- C'est bien normal, Christian. Voici Sylvia Philips. C'est une infirmière en psychiatrie, au Harborview Medical Center ; je l'ai amenée comme chaperon et, éventuellement, comme assistante.
Le HMC ? C'est là où Leila a été emmenée après sa tentative de suicide. Quelle honte qu'on l'ait laissée partir avant un diagnostic complet ! Maintenant que John est impliqué, cette erreur ne se reproduira pas.
J'adresse un signe de tête à l'infirmière, en uniforme médical bleu pâle. J'espère que Leila ne s'affolera pas en la voyant - après tout elle a refusé une première fois de se faire soigner.
- Où est-elle ? Comment va-t-elle ? Demande John, qui regarde autour de lui.
- Elle est en train de s'habiller. Je lui ai fait prendre un bain, elle était croupie. Elle s'est terriblement négligée depuis plusieurs semaines, j'ai pensé qu'un bain chaud pourrait l'aider à se détendre en vous attendant.
- Je vois. Bien, je voudrais avoir une consultation en privé avec Miss Williams... et l'infirmière Philips, bien entendu, avant de prendre une décision la concernant. Niveau éthique, il m'est impossible de faire un diagnostic en me basant sur des témoignages de seconde main.
- Oui, bien entendu. Je vais simplement vérifier comment elle va, avant de vous l'amener.
Je frappe à la porte de la salle de bains. Quand je rentre, je découvre Leila habillée et occupée à se brosser les cheveux. Ils sont presque secs. Ils ne sont pas aussi longs et aussi épais que ceux d'Anastasia. Les vêtements qu'elle porte paraissent un peu trop grands, mais plus à sa taille que ceux qu'elle avait en arrivant.
Et puis, elle est propre. C'est un mieux notoire.
- Leila, je veux que tu voies le Dr Flynn ; il est venu pour te parler ; il est venu pour t'aider.
Immédiatement, je vois apparaître panique et terreur sur son visage. Merde, je le savais. Elle va refuser d'aller avec John.
- Je ne veux parler qu'à mon maître. Il est le seul qui peut m'aider.
- Silence ! Je veux que tu parles à cet homme et que tu répondes à ses questions. Obéis-moi. C'est ce qui est bien pour toi.
J'ai utilisé pour lui parler ma voix froide et autoritaire de dominant, immédiatement, Leila baisse les yeux, son visage se calme.
Ça me déplaît d'utiliser mon pouvoir sur elle pour la forcer à accomplir un acte contre sa volonté, mais sincèrement, c'est pour son bien. Elle a besoin d'aide - et d'aide médicale.
Je fais confiance à Flynn pour me soigner, aussi je ne vois pas de mains plus fiables auxquelles confier Leila. Bien entendu, elle ne peut pas le savoir.
- Je veux juste rester avec vous, je veux vous servir. (Leila lève sur moi des yeux noyés de larmes.) Je vous en supplie, maître.
- Si tu veux me servir, obéis. Tu seras en sécurité. Très vite, tu te sentiras mieux.
Leila éclate en sanglots et tombe à genoux, dans la position d'une soumise. Je l'empoigne par le bras pour la redresser.
- C'est à cause d'elle, pas vrai ? bredouille-t-elle en deux sanglots. Nous sommes pareilles. Qu'a-t-elle que je n'ai pas ?
- Viens avec moi, Leila.
Je l'entraîne dans le salon tandis qu'elle continue à pleurer, paniquée, agrippée à mon bras. Je jette un coup d'œil à Flynn, pour savoir ce qu'il faut que je fasse à présent, parce que là, je me sens un peu perdu.
- Miss Williams ? Déclare calmement John avec un sourire aimable. Puis-je vous appeler Leila ? Mr Grey m'a expliqué que vous vous sentiez très triste ces derniers temps. J'aimerais simplement parler avec vous, pour savoir ce qui vous est arrivé, afin que nous puissions trouver une solution qui vous aidera à vous sentir mieux. Venez avec moi, nous allons nous asseoir par là.
Flynn parle d'une voix calme à l'accent britannique ; il sourit à Leila, sans bouger du canapé où il a pris place. Il paraît à la fois autoritaire, sérieux, et compréhensif. Je dois admettre que ça me fait drôle de le voir interagir avec un autre patient que moi.
Quand il indique à Leila de le rejoindre sur le canapé, elle regarde, interloquée. Flynn est grand, plutôt agréable d'aspect ; il irradie une aura de calme et de sérénité. Peut-être Leila le trouve-t-elle à son goût ? Peut-être sent-elle qu'elle peut lui faire confiance ? Dans tous les cas, les paroles de Flynn sont efficaces parce qu'elle se calme, fait quelques pas et prend place à ses côtés. L'infirmière Philips s'écarte discrètement : elle est derrière Leila, hors de sa ligne de vue.
Le docteur Flynn est considéré comme un psychiatre de génie. En fait, il « chuchote à l'oreille de ses patients ». Oui, je ne vois que cette explication. Pas étonnant que je m'entende aussi bien avec lui. Taylor et moi disparaissons du côté de la cuisine, en les laissant régler leur affaire entre eux.
***
Secoué par cette scène difficile, je regarde Taylor, soulagé qu'il soit resté avec moi au lieu de raccompagner Ana...
Attends un peu ! Il n'a pas eu le temps de l'accompagner. D'accord, ce n'est pas loin, mais il est remonté cinq minutes à peine après avoir emporté Anastasia.
- Taylor, comment Miss Steele est-elle rentrée à l'Escala ?
- Eh bien, monsieur, le problème, c'est que Miss Steele... a refusé de se rendre à l'Escala.
- Bordel, quoi ? Comment ça, refusé ? Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Elle a dit qu'elle voulait prendre un verre avec Mr Kavanagh. Elle paraissait... bouleversée, aussi le gamin a-t-il proposé ça pour tenter de la calmer. Quand j'ai rappelé à Miss Steele vos instructions, elle a insisté sur le fait que Miss Williams ayant été retrouvée, elle n'avait plus besoin de toutes ces mesures de sécurité. Elle a dit aussi qu'elle vous retrouverait plus tard.
Taylor est extrêmement mal à l'aise, ce que je comprends. Je n'ai pas la réputation d'admettre que mes ordres ne soient pas suivis.
Je sors mon BlackBerry de ma poche, pour appeler Anastasia et lui indiquer en des termes brefs et très clairs qu'il serait aussi bien qu'elle n'agisse pas comme une gamine irresponsable et capricieuse, et qu'elle retourne chez moi, le plus vite possible.
- Hum... monsieur, intervient Taylor, vous ne pourrez atteindre Miss Steele au téléphone. Elle a laissé son sac à main sur la banquette arrière de la voiture.
Il parait de plus en plus inquiet.
Pas la peine - ça ne servirait à rien que je passe ma mauvaise humeur sur Taylor. Il n'a aucune autorité sur Anastasia, à moins qu'elle n'accepte sa protection. Il s'est retrouvé pris entre le marteau et l'enclume, sachant très bien que je serais furieux, tout en étant incapable d'obliger Anastasia à suivre mes ordres.
Les yeux au ciel, je passe les deux mains dans mes cheveux, en tentant de contenir ma frustration.
- Bordel de bordel de merde. Manifestement, ça va de mal en pis. J'espère Miss Steele aura fini quand les mesures nécessaires seront prises pour Miss Williams. Elle a sacrément intérêt à être à l'Escala au moment où j'y retournerai.
Taylor s'empresse de me répondre :
- Oui monsieur. Je suis certain que ce sera le cas. Elle a dit prendre un verre, rien de plus.
Je fronce les sourcils, mécontent de ne pas savoir où Anastasia se trouve... à l'instant présent, elle est quelque part avec Blondin Kavanagh. J'espère qu'elle m'attendra quand je retournerai à l'Escala. Comme elle l'a indiqué à Taylor, Leila ne représente plus une menace... c'est vrai. Quel culot, franchement, d'avoir osé tenir tête à Taylor comme ça ! Ce qui me sidère, c'est que, quelque part, son audace m'impressionne.
***
- Bien sûr, ce n'est qu'un premier diagnostic, indique Flynn quand il me rejoint enfin. L'infirmière Philips et moi sommes tombés d'accord : considérant son comportement récent, Miss Williams semble présenter les symptômes classiques d'une psychose. Il est possible qu'ils existent depuis longtemps, mais bien entendu, ils ont été exacerbés après son deuil.
Il vient de me faire un bref condensé de la situation. Taylor est dans la salle de bains pour un peu de nettoyage. Je lui ai ordonné de jeter les vêtements que Leila portait.
- Qu'ils existent depuis longtemps ? Vous voulez dire qu'elle était déjà malade quand elle m'a connu ?
- C'est très probable. Bien sûr, il m'est difficile d'en être certain. Écoutez, ce qui m'inquiète le plus, c'est sa façon de planifier ses mauvais coups (John parait très grave.) Elle a quand même été très loin pour atteindre son but : elle a sans doute suivi Anastasia après avoir découvert votre relation avec elle. Réfléchissez un peu, Christian ! Elle a réussi à pénétrer dans votre appartement, elle s'est cachée dans un placard pour mieux à vous espionner. C'est un comportement extrême et je suis impressionné par ce qu'elle a accompli, surtout en considérant la sécurité que vous avez mise en place. Je suis certain que Taylor ne me contredira pas. Elle a dû récolter à l'avance ses informations, sans doute à l'époque où elle vivait avec vous. Bien sûr, son deuil récent a ranimé d'anciens souvenirs, mais si elle avait préparé son coup il y a trois ans, cela indique une préméditation.
- Bordel, présenté comme ça ! (Je suis aussi choqué qu'horrifié.) Vous allez la soigner, John ? Est-il possible de la guérir ?
- Personne ne peut en être certain. Mais je suis confiant que, avec le temps et en suivant une thérapie intensive, nous pourrions régulariser certains de ses problèmes. Je suggère qu'elle soit d'abord admise à Harborview, le temps d'un bref check-up. Ensuite, je la ferai conduire dans un hôpital psychiatrique à Fremont. Pour du long terme, il serait mieux qu'elle soit internée dans une institution spécialisée dans des cas comme le sien. Comme je vous l'ai dit, vu que ses symptômes psychotiques datent de plusieurs années, c'est plus grave qu'une simple dépression.
- Faites ce qui est le mieux pour elle, John. Je veux qu'elle reçoive les meilleurs soins. Bien entendu, l'argent n'entre pas en ligne de compte.
- Ainsi, vous êtes toujours d'accord pour financer sa thérapie ? Je doute beaucoup qu'elle bénéficie d'une mutuelle, vous savez. Dans tous les cas, ça ne couvrirait pas le traitement que j'envisage pour elle.
- Je financerai ses soins, bien entendu, dis-je, indigné.
- Je voulais juste m'en assurer, Christian. Inutile de lancer tout le bataclan si elle ne peut aller jusqu'au bout.
- Je pense avoir de quoi payer votre note d'honoraires, dis-je sèchement.
- Je n'en doute pas, Christian. Après tout, un homme qui verse 100 000 $ pour m'empêcher de danser avec sa compagne a davantage d'argent que de bon sens, j'en suis certain.
- Si je me rappelle bien, John, vous avez risqué une grosse enchère contre moi.
- Oui, mais contrairement à vous, j'ai toujours été certain que mon argent ne risquait rien. Vous ne m'auriez jamais laissé gagner, pas vrai ?
- Certainement pas. Ainsi, vous saviez que vous n'auriez rien à débourser, John ? J'imagine que vous me connaissez bien.
Ce petit échange de plaisanteries a légèrement allégé l'atmosphère, mais nous devons toujours conduire Leila jusqu'à l'hôpital.
- Elle est d'accord pour y aller ? Dis-je, inquiet.
- Oui, elle accepte que c'est la meilleure solution pour elle. Vous devriez nous accompagner jusqu'à Harborview, afin de l'aider à s'installer, ça simplifierait certainement les choses. Je ne veux pas qu'elle se sente abandonnée. Vous avez un moment à lui consacrer, Christian ? Je sais que vous êtes un homme très occupé. D'ailleurs, comment Anastasia prend-elle cette situation ?
Je fais la grimace.
- Je n'en sais rien, John, pour être sincère. Après que Taylor l'ait fait sortir d'ici, elle a insisté pour aller prendre un verre avec un vieil ami. Je ne sais même pas où elle est actuellement. Et je vous assure que je déteste cette incertitude. Elle a reçu un choc en voyant Leila la menacer d'une arme. Quant à moi, je ne pensais qu'à une chose, la mettre à l'abri. Je n'ai peut-être pas géré la situation avec beaucoup de tact.
- Je vois. Eh bien, quand l'excitation sera retombée, je suis certain qu'Anastasia comprendra que vous n'aviez en tête que son bien-être et celui de Leila. Ce n'était pas une situation facile ! Heureusement, Anastasia me paraît être une jeune femme raisonnable et sensée. Je suis sûr que tout s'arrangera entre vous.
- Espérons-le.
Nous retournons ensemble dans le salon. Leila est lovée sur le canapé.
- Leila, annonce John, je vais vous faire une piqûre, vous allez avoir sommeil. Ça vous aidera à vous détendre.
- Mmm-Mmm, répond-elle. Est-ce qu'on est vendredi ?
- Non, mardi, dis-je, machinalement.
Je regarde Flynn sortir une seringue de son sac et faire à Leila une injection dans le bras. Tout à coup, elle se tourne vers moi avec un sourire bizarre.
- Le vendredi, je vais voir le maître. Il est sombre - mais j'aime le maître.
J'en reste sans voix. Quand elle s'endort, je demande à Taylor de veiller à qu'il ne reste aucune trace de notre passage dans l'appartement.
- Monsieur, regardez ce que j'ai trouvé dans la poche de l'imperméable de Miss Williams.
Il me tend la clé de la porte d'entrée, le visage sévère.
- Bordel, elle a donc réussi à obtenir un double. Au moins, nous l'avons récupéré à présent.
- Monsieur, je vous conseillerai cependant de faire changer tous les verrous. Si elle a un double, il peut y en avoir d'autres.
- Vous avez raison. Occupez-vous-en. Nous savons que Miss Williams sera surveillée pendant un certain temps.
Taylor me jette un regard sceptique.
- Je n'en suis pas certain, monsieur. Miss Williams semble... très organisée. J'ai commis une fois l'erreur de la sous-estimer, je ne le ferai pas deux fois. Je préfère que nous soyons toujours aux aguets, au cas où elle recommencerait à nous causer des ennuis.
Manifestement, Taylor n'apprécie guère Leila. Ces derniers temps, elle lui a causé bien trop d'ennuis, aussi je ne peux l'en blâmer.
- Une fois l'appartement sécurisé, retournez à l'Escala et confirmez-moi que Miss Steele est bien revenue saine et sauve.
Je me fous complètement de savoir où le fils Kavanagh passera la nuit. Il est assez grand pour se débrouiller tout seul. Il a encouragé Ana à aller boire avec lui, ce qui allait à l'encontre de mes instructions, aussi je ne suis pas particulièrement content de son intervention.
- Bien entendu, monsieur. Je suis certain qu'elle est rentrée.
Je pense avoir vu Taylor croiser les doigts dans son dos tout en parlant.
Leila ne proteste pas quand je l'enveloppe d'une couverture avant de la prendre dans mes bras, pour l'emmener jusqu'à la voiture de Flynn : un monospace, qui est aménagé en ambulance, avec des fenêtres teintées, pour assurer aux patients transportés en psychiatrie un minimum d'intimité.
J'installe soigneusement Leila sur la civière, où je l'attache. Sans même sourire du ridicule de la situation.
- Tu as bien compris qu'on allait s'occuper de toi, Leila, pas vrai ? Dis-je, d'un ton rassurant.
- Oui maître, chuchote-t-elle.
Elle jette un coup d'œil à Flynn, qui est avec nous à l'arrière. L'infirmière Philips est au volant du véhicule. John et moi accompagnons Leila jusqu'à Harborview.
- Je veux que tu suives les instructions que le Dr Flynn te donnera comme tu suivrais mes ordres, dis-je d'une voix ferme.
- Oui maître.
Elle continue à regarder John avec un air enamouré. Tu perds ton temps, Leila. Ce n'est pas un
dominant. Il est marié. Il aime sa femme.
Une fois que mon ex-soumise est dûment admise à l'hôpital, Flynn m'accorde le droit de m'en aller. Il s'occupera personnellement d'emmener Leila à Fremont. Je ne peux plus rien faire pour elle sinon payer ses factures. J'ai vraiment envie de retrouver l'Escala. Après cette longue poursuite, le problème concernant Leila est enfin réglé.
***
En y réfléchissant, j'ai peut-être été un peu dur envers Anastasia quand je lui ai ordonné de s'en aller. Elle venait d'être menacée d'une arme, il n'est pas étonnant qu'elle ait été choquée. Je vais tout arranger en la retrouvant ce soir. J'espère que Flynn a raison et qu'Ana comprendra les raisons qui m'ont poussé à agir comme je l'ai fait. Je veux lui expliquer ma position, et je veux me faire pardonner ma brusquerie. En plus, je l'ai fait attendre plusieurs heures, j'imagine qu'elle doit s'inquiéter à mon sujet.
J'appelle Taylor pour qu'il vienne me chercher, étonné de ne pas avoir reçu de ses nouvelles, surtout que je lui avais demandé de me confirmer le bon retour d'Anastasia. Il est plus de 21 h 30 à présent, si elle s'est absentée le temps d'un verre, il y a longtemps qu'elle a dû rentrer.
- Taylor ?
- Miss Steele n'est pas encore rentrée, avoue-t-il. Je m'apprêtais à partir à sa recherche.
- Venez d'abord me chercher !
Merde, où Ana peut-elle être ? Je ne peux même pas la traquer à l'aide de son téléphone portable, puisqu'elle ne l'a pas emporté. Je déteste - je déteste vraiment ! - ne pas savoir où elle se trouve. Je l'imagine à l'aéroport, prête à sauter dans un avion, après avoir décidé qu'elle ne supportait plus de vivre avec moi et tout le merdier qui me suivait.
Et si je l'avais définitivement perdue cette fois ?
Je ne peux plus supporter l'ambiance de cet hôpital de fous. Je m'assieds, la tête dans les mains, et cherche à retrouver un peu de calme après ces heures épouvantables...
La voix de John me tire de mon marasme.
- Christian, je croyais que vous étiez déjà rentré.
- J'attends Taylor.
J'hésite à lui dire qu'Ana a disparu, mais je n'ai pas envie d'en parler. Je préfère changer de sujet.
- Leila va s'en sortir, hein, John ?
- Elle dort à présent, elle est sous médication. Elle sera surveillée toute la nuit. Elle est épuisée. Il lui faut une cure de sommeil, je reviendrai la voir demain matin.
Quant à vous, je vous suggère très fortement de ne plus chercher à la rencontrer. Elle fait une fixation sur vous, il faut qu'elle s'en détache. Laissez-moi m'occuper d'elle.
- Mais je devrais...
- Christian, ça suffit. Ce n'est pas votre place. Vous devriez rentrer à présent. Leila recevra ici toute l'aide dont elle a besoin. Vous ne pouvez plus rien faire pour elle. Anastasia a besoin de vous
Et merde. Ana !
J'ai comme un choc au cœur. Je vois alors Taylor qui arrive. Il n'a pas l'air en forme. Jamais je ne
lui ai vu un air aussi abattu. Je lui demande :
- Où est Anastasia ?
- Nous devrions rentrer pour organiser les recherches, monsieur.
Il a raison bien sûr. Il faut contacter Welch... fouiller tous les bars de Seattle. Ils sont à pied, ils n'ont pas pu aller loin. À moins qu'ils n'aient pris un taxi...
Je me tourne vers John Flynn.
- Appelez-moi demain, pour me donner des nouvelles de Leila.
- Bien entendu, Christian. Vous avez fait pour elle tout ce que vous pouviez. Je vous tiendrai au courant.
Dans la voiture, je serre contre moi le sac d'Anastasia. Je vois à peine le temps passer jusqu'à ce que nous arrivions à l'Escala. Peut-être Ana est-elle là ?
Mrs Jones nous attend à la sortie de l'ascenseur. Elle se tord les mains, l'air angoissé.
- Où est Miss Steele ? Dis-je.
- Je suis désolée, Mr Grey. Elle n'est pas encore revenue.
Je suis resté un moment anesthésié sous le choc - et la crainte atroce qu'Ana ne soit partie pour de bon cette fois -, mais tout à coup, la colère me ranime. Au moins, c'est un sentiment que je reconnais bien.
Taylor me demande le numéro de Kavanagh. Bonne idée. Blondin m'énerve tellement que je n'ai même pas réalisé que le contacter pouvait nous aider à localiser Ana. Quel abruti, Grey !
- Il lui a téléphoné tout à l'heure de Sea-Tac, son appel doit être enregistré sur le téléphone d'Anastasia.
D'un même mouvement, Taylor et moi nous jetons sur le sac d'Ana, c'est moi qui fouille à l'intérieur et j'en sors le BlackBerry. Je découvre ce que je cherche dans le menu des appels entrant, j'appelle fiévreusement. Aucune réponse.
Enragé, je jette l'appareil sur la table basse.
- Ce connard a éteint son portable !
Je n'ai jamais compris l'intérêt d'avoir un portable pour le couper. C'est complètement con à mon sens.
- Je vais demander à Welch de traquer ce numéro, propose Taylor. Par contre, il lui faudra peut- être un bail pour tout mettre en place.
- Bordel, oui. Faites-le. Le plus vite possible.
Un bail ? Je n'ai pas du tout l'intention d'attendre, mais ce genre de repérage par géolocalisation prend effectivement entre quinze et trente minutes. Je vais devenir fou. Je le sens. Au moins, je sais que Welch répondra sur le champ : mon équipe de sécurité est d'astreinte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
Je tourne en rond dans l'appartement. Je passe régulièrement dans le bureau de Taylor pour vérifier les écrans des caméras... mais rien de nouveau. Anastasia n'est pas là. Je ne cesse de me créer de nouveaux scénarios. Et si elle n'était plus dans un bar ? Elle n'a pas d'argent, pas de papiers d'identité, pas de clé. Et si elle était dans un hôtel avec Kavanagh ? Et si ce putain de mec la réconfortait... à l'instant précis en la serrant contre lui... Et si...
Et merde.
Je me retrouve dans le salon, à tourner comme un fauve en cage, je ne peux supporter cette attente, je ne peux supporter les images qui me vrillent le crâne.
Ton passé est vraiment revenu aujourd'hui te mordre le cul, pas vrai, Grey ? Leila a failli tuer Ana... Tu sais que ça aurait pu arriver. C'est ça que tu ne supportes pas.
L'irruption de Taylor me fait sursauter.
- Ils sont au Blarney Stone Bar, monsieur.
Je ne sais pas où c'est et je m'en branle.
- Allez la chercher !
Il disparait sans même me répondre.
Cinq minutes après, mon BlackBerry sonne. C'est Welch.
- Monsieur, nous sommes au Blarney Stone Bar où Miss Steele se trouvait avec Mr Kavanagh. Le barman les a reconnus d'après une photo. C'est sur Pike Market, juste en face de l'appartement de Miss Steele. Ils en sont partis il y a environ un quart d'heure.
Au même moment, je vois Anastasia apparaître à l'entrebâillement du salon, elle se tient d'une main appuyée au montant de la porte. La tête légèrement penchée, elle a une expression étrange au visage.
- Elle est là ! Dis-je à Welch avant de raccrocher.
Je me tourne vers Anastasia, fou furieux, après l'inquiétude qui m'a rongé durant la dernière heure... plus la tension des heures précédentes - des jours précédents - bref...
- Bordel, mais qu'est-ce que tu foutais ?
Elle ne répond rien. J'ai vraiment du mal à maîtriser ma colère. La journée a été épouvantable et voilà qu'Ana se pointe, la bouche en cœur, sans la moindre excuse pour son comportement inadmissible ? De plus, dès qu'elle fait quelques pas, je réalise qu'elle vacille non pas de fatigue, mais d'ivresse.
Quoi ? Elle a bu ?
Elle a bu alors que Taylor, Mrs Jones et moi nous faisions du souci pour elle ? Elle a bu alors que je ne sais combien d'hommes de Welch l'ont cherchée partout ? Elle a bu alors qu'elle était en compagnie d'un autre homme - et donc, vulnérable ? Est-ce qu'elle ne se rappelle pas ce qui s'est passé la dernière fois qu'elle s'est enivrée en compagnie de ce fumier de photographe ? Elle est complètement folle ou quoi ?
Je suis écœuré d'une attitude aussi égoïste et immature !
- Tu as bu ? Dis-je, presque sans y croire
- Un peu, répond-elle, tout en relevant le menton avec défiance. Grey, elle ne parait même pas s'en repentir.
Je serre les dents, de plus en plus enragé. Je préfère ne pas m'approcher d'elle tant que je suis aussi sous pression, aussi je passe les deux mains dans mes cheveux pour contenir ma frustration. J'essaie de lui expliquer ma position :
- Je t'ai demandé de revenir ici. Il est 22 h 15. Je m'inquiétais pour toi.
Je n'apprécie pas du tout d'avoir été aussi bouleversé, surtout après ce que je venais de vivre avec Leila. Je ne supporte pas qu'on me désobéisse ; je ne supporte pas de n'avoir aucun contrôle. Parfois, Anastasia est incroyablement pénible.
Elle se hérisse comme une chatte en colère.
- Je suis allée prendre un verre avec Ethan pendant que tu t'occupais de ton ex, crache-t-elle. Je ne savais pas combien de temps tu resterais... (Elle a une grimace qui exprime... quoi ? le chagrin ? la résignation ?)... avec elle.
Quoi ? Elle est en colère contre moi ? Ce n'est pas du tout la réaction que j'attendais. Je pensais qu'Ana avait été terrorisée de se retrouver sous la menace d'une arme, mais pourquoi tant de hargne ? Et surtout, pourquoi ai-je la sensation qu'Anastasia vient d'admettre la défaite et qu'elle ne veut plus lutter ? Contre quoi au juste... ?
- Pourquoi le dis-tu comme ça ?
On dirait presque qu'elle est... jalouse. Je sais qu'Anastasia peut se montrer extrêmement possessive envers moi, elle ne s'imagine quand même pas qu'il reste un sentiment entre Leila et moi ? Je l'examine avec attention : elle baisse la tête, les yeux fixés sur ses doigts crispés. Je réalise tout à coup qu'elle n'est pas tellement sûre d'elle-même et, de ce fait, de sa position envers moi. Je commence même à entrevoir que la situation est peut-être bien plus grave que je ne l'aurais cru : il ne s'agit pas d'une simple désobéissance d'Anastasia.
- Ana, qu'est-ce qui ne va pas ? Dis-je, inquiet.
Elle met un temps fou à répondre. Puis elle lève les yeux et me renvoie une autre question :
- Où est Leila ?
- Dans un hôpital psychiatrique à Fremont, dis-je, vaguement, mais ce n'est pas ce dont je veux parler. Ana, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je m'approche d'elle pour tenter de déchiffrer son visage. Qu'est-ce qui se passe dans cette tête ? Je sens déjà que ça ne va pas. Merde, qu'est-ce qu'il y a encore ? En plus d'être saoule, Anastasia apparaît émotionnellement vidée, lasse et découragée.
- Je ne suis pas pour toi, déclare-t-elle, en secouant la tête, le visage rigide, les yeux solennels.
- Quoi ? Pourquoi dis-tu ça ? Comment peux-tu penser ça ? Tu es la meilleure chose du monde pour moi !
- Je ne peux être ce dont tu as besoin.
- Tu es tout ce dont j'ai besoin.
Et plus, baby, tellement plus...
- Le simple fait de te voir avec elle...
- Pourquoi tu me fais ça ? Il ne s'agit pas de toi, Ana - mais d'elle. En ce moment, elle est très malade.
M'en voudrait-elle d'avoir aidé Leila ? Que voulait-elle que je fasse, bon Dieu ? Abandonner Leila toute seule et m'en aller ?
- Mais je l'ai senti... ce que vous aviez en commun.
- Quoi ? Non.
Tout ça, c'est du passé. Je suis brièvement redevenu un dominant tout à l'heure pour prendre le contrôle de Leila - mais rien de plus. Ce n'est plus ce que je veux. Ce n'est plus ce dont j'ai besoin. Bon Dieu, est-ce que par hasard Anastasia... Dès que je fais un pas vers elle, elle recule instinctivement. Je ressens son geste comme un coup au cœur. J'ai la sensation d'avoir été drainé de toute mon énergie. Elle ne veut plus de moi ? Je n'arrive pas à y croire...
- Tu t'enfuis ? Dis-je, d'une voix presque atone.
Maintenant, j'ai peur, j'ai vraiment peur. Je croyais que mon pire cauchemar avait eu lieu cet après- midi, mais voilà que ça s'aggrave. Je n'y ai même pas pensé... Je ne veux pas...
- Tu ne peux pas... dis-je avant de perdre le souffle.
Grey, tu es en train de la supplier, là ? Tu ne veux plus être un dominant, mais serais-tu devenu un soumis ?
Anastasia, je t'en supplie, ne me quitte pas. Tu es la seule femme que j'aime. Dès que je t'ai connue, j'ai eu peur... J'ai senti le pouvoir que tu prendrais sur moi. Ce premier baiser, dans l'ascenseur du Heathman, je ne l'oublierai jamais. Je savais que mon amour pour toi, une fois que je l'accepterais, serait l'arme la plus létale contre moi. Tu es la seule à pouvoir me détruire. Je t'en prie, reste avec moi...
- Christian... je... je...
Anastasia hausse les épaules, elle n'arrive même pas à parler. - Non. Non ! Tu ne peux pas partir. Ana, je t'aime !
Je n'ai jamais prononcé ces mots avant toi, baby, tu es la seule. Il n'y aura jamais que toi pour moi. J'ai juste voulu guérir Leila, pour réparer le mal que j'avais commis - pour être un homme meilleur - pour être digne de toi - pour ne pas avoir honte de mon passé. Je t'en prie, Anastasia, je t'aime... Je t'aime tellement...
- Je t'aime aussi, Christian, c'est juste que...
Elle cherche à me faire ses adieux. Elle cherche à rompre. Je sens la lame tranchante d'un couteau glacé me perforer le cœur... le sang s'écoule... je n'en peux plus...
- Non... non !
C'est encore pire que la première fois. Je suis certain que je ne survivrai pas à un nouveau calvaire... D'ailleurs, je préfère mourir que vivre sans mon âme, sans mon cœur, sans ma lumière...
- Christian...
Ce n'est pas possible. C'est un cauchemar. Le pire cauchemar de toute ma vie. Ça ne peut pas être réel.
Anastasia pense que je veux retourner dans mon ancienne vie ? Elle croit que cette rencontre avec Leila a été pour moi un déclencheur ? Elle ne pourrait se tromper davantage. Je sais dorénavant, avec une certitude absolue, que jamais plus je ne veux avoir de soumise comme Leila. Je ne veux qu'elle, Anastasia. Je veux qu'elle soit dans ma vie, tous les jours, de toutes les façons. Sauf que... je ne peux plus parler, la panique me coupe le souffle. Elle est avec moi, elle est juste devant moi, et je sens pourtant que je la perds. Si je ne peux la convaincre qu'elle a tous les droits sur moi, qu'elle m'est essentielle pour vivre, à quoi bon continuer ? Je ne peux plus rien sans elle. Elle est la seule personne au monde qui compte pour moi.
Et tout à coup, j'ai une illumination. Je ne peux plus lutter. Je ne le veux plus. Comme Leila tout à l'heure... Il faut que je cède tout contrôle... à Anastasia Rose Steele. Il faut qu'elle me dise ce qu'elle veut faire de moi. Il faut qu'elle me commande. Je suis à elle.
Aussi, je tombe à genoux, je baisse la tête, j'écarte les cuisses à la distance requise, et je place les paumes sur mes genoux. Une position que j'ai bien connue, autrefois, et que je retrouve d'instinct.
Je prends une grande inspiration et je me fige - j'offre tout mon futur à Anastasia. Je suis à elle. Tout à elle. Je ne peux l'exprimer de façon plus flagrante.
Qu'elle fasse de moi ce qu'elle veut. Si j'ai mal agi, qu'elle me punisse, mais surtout, qu'elle ne quitte pas. Qu'elle ne m'abandonne pas. J'ai toute ma vie vécu avec la terreur d'être encore une fois abandonné.
- Christian, qu'est-ce que tu fais ?
J'entends la panique dans sa voix, mais je ne réagis pas. Ce n'est pas à moi de décider, je ne suis qu'un esclave sans valeur. J'attends les ordres.
- Christian, regarde-moi !
Un ordre de ma maitresse ? Cette fois, je bascule la tête en arrière et je la regarde avec adoration. Vénération. Déférence. Qu'elle est belle !
Je suis à toi. Je suis à toi seul. Je t'aime... J'attends tes ordres...
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50 nuances de Grey version Christian. Tome 2 Passion
RomanceLa rencontre de Christian Grey, richissime homme d’affaires aux goûts extrêmes, avec Anastasia Steele, étudiante désargentée, l’a précipité dans une relation inhabituelle qui a irrémédiablement modifié son mode de vie. Quand Anastasia le q...