Chapitre 12 - La faim

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Nouvelle tempête de neige sur le Mont Corel. Un froid glacial s'était installé pour la nuit, figeant les constructions floconneuses d'un vent violent. Au milieu de ce paysage en noir et blanc, se dressait une petite maison, dont une douce fumée s'échappait de la cheminée.

A l'intérieur de celle-ci, le silence semblait régner en maitre.

Seul le bruit d'un feu crépitant se faisait parfois entendre, dernier rempart contre l'hiver.

Tous les occupants dormaient profondément.

Au rez-de-chaussée, sur le tapis du salon, était étendu un lion énorme, les quatre pattes en l'air, la gueule ouverte, les yeux fermés, en extase. Il était au plus près du poêle, dont la chaleur brulante ne paraissait pourtant pas l'affecter.

Non loin de lui, sur le canapé, un homme, aux cheveux blonds, dormait, allongé, d'un sommeil profond. Il avait la tête tourné vers le dossier du canapé, et un bras s'échappait de sa couverture, pendant en direction du sol.

A l'étage, un autre homme dormait, seul, dans une chambre. Il semblait profiter de la largeur de son lit pour s'étaler, en étoile, sur le matelas, un sourire bien heureux greffé sur le visage.

La pièce d'à côté rassemblait deux enfants, chacun dans un lit, eux aussi partis dans le monde des rêves. Ils portaient tous deux, un seul et unique gant, sur lequel une pierre rouge était incrustée et dont la lumière brillait par intermittence, telle une alarme.

Et puis, il y avait cette chambre, plus grande que les autres, dans lequel trônait un grand lit défait. Mais vide.

Une silhouette s'engagea dans l'escalier, le plus silencieusement possible, refusant de faire craquer le bois pour ne réveiller personne.

Descendant prudemment jusqu'au rez-de-chaussée, elle ne put s'empêcher d'adresser un regard dans le salon. La lumière du feu illuminait d'une douce lueur la pièce et ses occupants. L'un d'eux attira particulièrement son attention et à la vue de celui-ci, prit dans un sommeil des plus apaisés, son cœur fit quelques bonds d'excitation. C'était étrange comme elle avait l'impression de le découvrir, alors qu'elle le connaissait depuis l'enfance. Et si elle était tombée amoureuse, il y a longtemps, sans jamais se défaire de ce sentiment, malgré les années et les épreuves, ce qu'elle ressentait aujourd'hui, en le regardant, n'était clairement pas de l'amour.

Mais du désir.

Jamais elle n'avait vraiment pensé à lui de cette façon, alors que ses sentiments à son égard étaient forts et sincères. Sans doute qu'avec le temps, leur proximité, leur entente s'était muée en quelque chose d'ambigüe. Peu clair. Un entre-deux inefficace et qui s'était refermé sur eux, comme une prison.

Toutes ces années, ils avaient été des amis, des meilleurs amis, presque frère et sœur, ce soutien indéfectible l'un pour l'autre, à la fois sauveteur, protecteur, guide... et confident.

Or, pour la première fois, elle envisageait qu'il puisse être, aussi, son amant.

A cette idée, son corps frissonna et elle sentit la chaleur envahir son visage. Le désir de le toucher devenait plus fort, à mesure que le temps se déroulait, depuis cet instant suspendu, dans la salle de bain. Ce souvenir fit renaitre en elle la douce tension qui avait submergé son intimité, sa respiration se fit moins sure, et ses jambes tremblèrent. Serrant les dents pour ne pas gémir, elle plaqua ses deux mains froides de chaque côté de son visage, pour faire redescendre la température. Il fallait qu'elle se calme.

S'embraser dans le salon n'était pas une bonne idée. Surtout en pleine nuit et en présence de témoin.

Elle fit demi-tour pour se diriger vers la cuisine. Son objectif premier, car, initialement, elle était descendue parce qu'elle avait faim.

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