Chapitre 24 - Elles

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Dans le passé de Rufus, il y avait beaucoup de fantômes. Des petits et des grands. Plus ou moins obscurs, plus ou moins lourds. Mais toutes ces morts le hantaient, qu'elles aient été justifiées ou non, et restaient la cause principale de ses insomnies les plus violentes. Il n'avait jamais fait la paix avec ses fantômes, uniquement appris à vivre avec eux, toujours présents dans son sillage et couvrant son âme d'un voile de ténèbres.

Pourtant, en l'espace d'une journée, deux de ses doutes les plus grands venaient de réapparaitre, dans un enchainement d'évènements défiants toute logique.

- Boss? Des nouvelles? Que se passe-t-il?

Tseng, à ses côtés, ses longs cheveux noirs luisant sous la faible lumière des néons, ne pouvait manquer les légers tremblements dont l'héritier était victime à cet instant. C'était infime, discret, mais bien présent pour quiconque connaissait l'homme. Sa main vibrait sous la pression exercée, refermée en poing sur un téléphone portable silencieux. Reno l'avait appelé, mais impossible de savoir ce qu'ils s'étaient dits. Le blond s'était enfermé dans un mutisme étonnant, tout au long de l'échange, pour une fois, à l'écoute de son subordonné, et n'avait pas lâché un mot, même pour raccroché.

Malgré la lumière jaune du hangar où ils s'étaient retranchés, l'endroit était sombre et inquiétant. Ici aussi, il y avait des fantômes, dans chaque tiroir, chaque armoire et sous chaque dalle. Il était encore possible de sentir une odeur de pourriture par endroit, qui se mêlait à la poussière et à la moisissure. Rufus n'avait jamais vraiment eu peur de sa vie, si ce n'était de son propre père. Mais il devait reconnaitre que les fantômes savaient se faire craindre, même de lui. Sa conscience était pleine d'erreurs commises et d'atrocités ordonnées, au nom d'idéaux en lesquels il avait profondément cru. C'était la guerre, se répétait il inlassablement. C'était pour le bien de Midgar et du monde. Car il fallait s'en convaincre pour ne pas sombrer.

Et maintenant que les morts se réveillaient... Le jour de son jugement était il, enfin, venu? Lui qui avait tellement besoin de savoir s'il avait eu tort ou raison.

- Boss?!

La main qui venait de saisir son épaule le fit sursauter, et d'un réflexe sec, Rufus se dégagea à une vitesse alarmante. Ce qui ne rassura en rien son agent, qui n'avait encore jamais eu affaire avec cette version de son chef. Ce dernier ne l'écoutait pas et semblait murer dans une réflexion intérieure dès plus troublante.

- Ruf...

- Qu'est ce qu'il a, cet imbécile?

D'une voix forte et claire, Barret réveilla tout le monde. Non pas que l'équipe dormait, loin de là. Mais tous étaient concentrés sur des tâches différentes, tout en essayant de rassembler autant d'informations qu'ils pouvaient sur les évènements extérieurs, afin de trouver des solutions à cette situation infernale. Sans pour autant imploser sous l'angoisse qui les tiraillait.

Tseng se frotta le visage d'agacement, devant l'absence totale de respect dont venait de faire preuve l'artilleur, et se força à rester calme, guettant la réaction de son patron.

Reeve et Cid avaient relevé la tête de la table où ils remontaient péniblement l'ingénieux Cait Sith, un joyaux de la robotique, douée d'une intelligence artificielle particulièrement avancée, et à l'allure d'un joli petit chat noir et blanc. Tous deux se demandaient de qui pouvait bien parler leur ami, avant de poser leurs regards sur un blond au visage blême.

- Il s'est passé quelque chose de grave?

Le mutisme de l'héritier n'en finissant pas d'inquiéter tout le monde, le pilote se leva, les poings serrés, prêt à obtenir des réponses avec des baffes. Mais il fut devancé par Reeve qui combla la distance le séparant de son chef et vint claquer ses talons, juste devant ce dernier, les mains dans les poches.

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