Chapitre 7

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(la suite du chapitre 6)

— Je crois que notre petite visite de ma bibliothèque devra attendre, vous n'êtes pas de cet avis ? Stella ? Raccompagne ton ami. Cette soirée a été extraordinaire, bien sûr. Particulièrement éclairante. N'hésitez pas à revenir, monsieur Momo.

— Pourquoi ne déménagez-vous pas, dans ce cas ? ai-je lancé.

— Épargnez-moi les absurdités, monsieur Momo. C'est Nevar ma patrie, pas Gatlin. (Ce dernier mot craché, à croire qu'il était toxique.) Lorsque je m'éteindrai, libéré des entraves de cette existence, il me faudra trouver quelqu'un pour s'occuper de la propriété à ma place, puisque je n'ai pas d'enfants. Maintenir la demeure en vie a été mon but dès le départ. Un grand et terrible objectif.

J'aime à me concevoir comme le conservateur d'un musée vivant.

— Inutile d'être aussi théâtral, oncle M.

— Inutile d'être aussi diplomate, Stella. Ton désir d'interagir avec ces ignorants de citadins m'échappera toujours.

— Vous excepté, naturellement, a précisé Macon en me regardant droit dans les yeux.

— Qu'est-ce ? ai-je osé demander. Shakespeare ?

— Betty Crocker. Une femme fascinante. J'essayais de me rappeler ce que les tristes individus constituant la population locale considèrent comme un dîner. J'étais d'humeur à me lancer dans une recette régionale, ce soir. Mon choix s'est arrêté sur du porc à

— À propos d'hospitalité, Stella, tes cousins seront ici pour les Journées du Clan. N'oublions pas de prévenir Maison et Cuisine que nous serons cinq de plus.

— J'avertirai les employées de maison et de cuisine, si c'est ce que tu entends par là, oncle M, a rétorqué Stella avec irritation.

— Que sont les Journées du Clan ?

— Une bizarrerie familiale. Les Journées ne sont qu'une vieille coutume destinée à fêter les récoltes. Un Thanksgiving précoce, si tu préfères. Laisse paulber.

— À ta guise, s'est réjoui Macon. Mais puisque nous parlons de Cuisine, je meurs de faim. Je vais m'enquérir de ce qu'elle nous a concocté.

— N'en fais pas trop, s'il te plaît, oncle M.

— Que se passe-t-il, Stella ?

— Comment ça ?

— Comment a-t-il su qu'il fallait mettre un couvert pour moi ?

— Il nous aura vus sur le porche.

— Et cet endroit ? Je suis venu ici, la fois où nous avons découvert le médaillon. Ça ne ressemblait en rien à ce que c'est aujourd'hui.

— Mon oncle est passionné d'antiquités. Le décor ne cesse de changer. Est-ce vraiment important ?

— Très bien. Tu n'as pas d'objection à ce que j'explore un peu ?

— Gentil chien-chien.

— Vous vous intéressez aux bibliothèques, monsieur Momo ? Connaissez-vous Marian Ashcroft ?

— Oui, monsieur. Marian... le professeur Ashcroft était la meilleure amie de ma mère. Elles travaillaient ensemble.

— Mais oui bien sûr ! Suis-je sot ! Louis Momo. Je connaissais votre mère.

— À travers ses livres seulement, a-t-il ajouté. Je les ai tous lus. Au passage, si vous étudiez attentivement les notes de Jardinage et plantations : maîtres et esclaves sur une même terre, vous constaterez que plusieurs sources de cette étude proviennent de ma collection personnelle. Votre mère était brillante. Sa disparition a été une grande perte.

— Merci, ai-je réussi à articuler avec un pauvre sourire.

— Ce serait un honneur de vous montrer ma bibliothèque. Partager mes possessions avec le fils unique de Lila Evers me ferait très plaisir.

— Momo, l'ai-je corrigé. Lila Evers Momo.

— Cela va de soi, a-t-il opiné avec bonne humeur. Mais chaque chose en son temps. D'après le brusque silence régnant dans la cuisine, j'en déduis que le dîner a été servi.

— Oncle M, a-t-elle soupiré, c'est beaucoup trop.

Roulé en boule au pied de la chaise de la jeune fille, Jojo a agité la queue, ravi de la fête à venir.

— Balivernes ! Ceci est une occasion spéciale. Tu t'es fait un ami. Cuisine sera offensée si nous ne mangeons pas tout ça.

— Accepteriez-vous que je vous pose quelques questions, monsieur ? Vous semblez être féru d'histoire, et je peux difficilement interroger ma mère, n'est-ce pas ?

— Bien sûr, a répondu Macon en buvant une gorgée de whisky.

— Qu'avez-vous dans la main, fiston ?

— Un médaillon, monsieur.

— Cela vous gênerait-il de le remettre dans votre poche ?

— Je vous demande pardon, monsieur. J'ignorais ce qui allait se produire. Quand je le lui ai montré, ma gouvernante, Monique, a réagi comme si... comme si cet objet était très puissant. Mais lorsque Stella et moi l'avons trouvé, il ne s'est rien passé.

— Je crois que je ferais mieux de rentrer chez moi, monsieur.

— Ayez la bonté de me décrire ce médaillon, je vous prie.

— Il est vieux et abîmé, avec un camée. Nous sommes paulbés dessus à Lac.

— Tu aurais dû me dire que tu étais allée là-bas, a riposté son oncle en tripotant nerveusement sa bague en argent. Lac n'appartient pas à Nevar. Je ne suis pas en mesure de t'y défendre.

— Je ne risquais rien. Je l'ai senti.

— Non, tu n'étais pas en sécurité. Cet endroit est hors limites. Il n'est plus contrôlable. Par personne. Tu ignores bien des choses, Stella. Et lui – il m'a désigné d'un geste las – ne sait rien. Il ne te protégera pas. Tu n'aurais pas dû le mêler à tout ça.

— Cela me concerne aussi, monsieur. Le bijou comporte deux séries d'initiales. ECW. Pour Louis Carter Momo, mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-oncle. Les autres sont GKD. Or, nous sommes convaincus que le D est là pour Meilleur.

— Vous n'avez aucun droit de nous cacher des choses, car quoi qu'il arrive, cela nous arrive à tous les deux. Et, que ça vous plaise ou non, ça arrive maintenant.

— Vous n'avez pas la moindre idée de ce dont vous parlez, jeune homme.

— Cinq mois. Vous doutez-vous seulement des extrémités jusqu'aux quelles je suis prêt à aller pour veiller sur sa sécurité pendant cinq mois ? Du prix qu'il m'en coûtera ? De l'épuisement que cela signifiera pour moi, de ma destruction, peut-être ?

— Monique me semble être une femme d'une grande sagesse. Si j'étais vous, je suivrais ses conseils. Je remettrais cet objet à l'endroit où je l'ai trouvé. Je vous saurai gré de ne plus le rapporter ici.

— Je crois que notre petite visite de ma bibliothèque devra attendre, vous n'êtes pas de cet avis ? Stella ? Raccompagne ton ami. Cette soirée a été extraordinaire, bien sûr. Particulièrement éclairante. N'hésitez pas à revenir, monsieur Momo.

la princesse auroreWhere stories live. Discover now