Paillettes

Chapitre 5

Sylvain était affalé sur son canapé devant un film quelconque qui passait à la TV, ne sachant pas quoi faire en cette fin d’après-midi. Toujours seul dans l’appartement depuis plusieurs jours, il vivait la plupart du temps dans son salon. Son lit était devenu beaucoup trop grand pour lui, il n’aimait pas ça. C’était la fin de journée, le soleil était en train de se coucher quand son portable, posé sur son torse, sonna. C’était Pierre.
“Allô ?
-Bonsoir Monsieur Levy.
-Bonsoir...
-Tu fais quoi ce soir ?
-Rien d’intéressant, je suis devant un film nul à chier là.
-Très bien. Je suis chez toi dans une heure, fais toi tout beau.
-Quoi ?
-Je t’emmène quelque part pour te changer les idées.
-Je n'en ai pas besoin…
-Rha, c’est bizarre mais ça coupe. Je t’entends très mal. Bon, à tout à l'heure !
-Pierre attends… Pierre ? Allô ?”
Pierre avait raccroché, laissant un Sylvain décontenancé. Celui-ci n’avait plus trop le choix maintenant et il se leva maladroitement pour filer sous la douche. Il n’était pas vraiment sûr de vouloir sortir ce soir avec Pierre mais de toute façon celui-ci allait être là dans pas longtemps. Son ventre lui faisait mal et sa poitrine aussi. Ils allaient être en tête à tête, ce qui n’était pas bizarre ou quoi car ils se faisaient régulièrement des sorties ensemble. Mais là, tout sonnait différemment pour Sylvain. Et ça ressemblait à un rendez-vous.
Sylvain était posté en caleçon devant son armoire, ne sachant pas quoi enfiler. Un T-shirt ou une chemise ? Jean ou pantalon classique ? Bon, ça serait une chemise blanche et un pantalon classique beige avec une ceinture marron. (NDA : Sa tenue dans la vidéo 24h du Mans). Sylvain pesta tout seul car il avait l’impression de s’habiller pour un date Tinder ou même un réveillon de Noël. Une fois apprêté, il ajusta rapidement ses cheveux puis enfila ses chaussures.
Une fois garé devant chez Sylvain, Pierre monta jusqu'à son appartement. Il sonna à plusieurs reprises, de façon insistante, pour bien embêter son ami. Il l’entendait même râler à travers la porte. Celle-ci s’ouvrit. Les deux garçons se saluèrent et Pierre entra dans l’habitation. Il s’arrêta un moment pour regarder Sylvain.
“Eh bah parfait. Vous êtes tout beau !
-Ouais, j’ai l’impression qu’on va à un réveillon de Noël.
-Pas encore, le mois prochain.”
Sylvain souffla un petit rire puis regarda rapidement comment était habillé Pierre. Il avait sa veste en jean bleu foncé avec de la moumoute au col, une chemise bleu clair, un pantalon classique bleu marine avec une ceinture noir et ses bottines en cuir. (NDA : Sa tenue au début et à la fin de la vidéo Paris-Dakar). Le plus petit ne pouvait pas s'empêcher de le trouver incroyablement beau. La soirée s’annonçait déjà compliquée pour lui. Pierre le pressa et les garçons se mirent en route.
Sylvain avait mis un manteau d'hiver gris en laine et une petite écharpe pour sortir. Pierre n’avait pas voulu lui annoncer le programme de la soirée, c’était une surprise. Ce qui n’aidait pas l’état de stress de son ami. Pierre s’en amusait un peu, il savait que Sylvain n’aimait pas trop ce genre de guet-apens. Pas de cordon avec lequel jouer, le plus petit était en train de se triturer la lèvre inférieure et de se mordre l’intérieur des joues. Des gestes qui n’échappaient jamais à Pierre. Celui-ci se gara finalement dans un petit parking où il n’y avait rien de spécial aux alentours. Après un petit peu de marche, les deux garçons arrivèrent dans les jardins du Trocadero. Sylvain était sceptique mais ne disait rien, en continuant de suivre son ami. Un peu plus loin, un grand bâtiment.
“L’aquarium ?
-Oui.
-Mais c’est fermé non ?
-Non, pas ce soir. Il y a une nocturne et j’ai deux billets. Tu verras c’est super chouette.
-Pourquoi tu m'emmènes ici ?
-Parce que j’aime bien l’aquarium. Puis on se promène, on observe, sans forcément parler. Je pensais que… ça te plairait et que ça te ferait du bien. C’est bizarre ?
-Un peu. Mais j’aime bien l’idée.”
Pierre lui adressa un sourire puis le duo pénétra dans le bâtiment. C'était une soirée spéciale et on s'occupa de prendre leurs affaires dès l’entrée. Tout le monde était bien habillé et Sylvain trouvait vraiment ça un peu étrange. Plus loin, un homme distribuait des casques audio à tout le monde. Le plus petit devenait encore plus sceptique et adressa un regard interrogateur à Pierre. Puis en levant les yeux il vit une grande affiche "Spectacle nocturne à l'aquarium de Paris et concert silencieux ". Tout le monde était plongé dans un doux concert à travers les casques tout en profitant du lieu comme il était rare de le voir. Sylvain trouvait l'idée vraiment super et ne pu s'empêcher de sourire quand tous les deux reçurent le casque sur les oreilles. Une douce mélodie était déjà en route, tous étaient synchronisés. C'était génial. Ils pouvaient profiter d'être ensemble mais sans forcément parler, ce qui était parfait pour le plus petit en ce moment.
À peine rentrée dans la première pièce de l'aquarium, une jeune femme leur offrit un verre d'une boisson pétillante à la robe doré. Ainsi les deux garçons entamèrent la visite. Sylvain était absorbé par l'ambiance du lieu et jamais il n'avait vécu ça. Il se sentait bien. La musique, l'ambiance, la présence de Pierre. Tout était parfait.
Des fois, Sylvain était tellement dans son monde avec ce casque qu'il perdait Pierre mais celui-ci le retrouvait toujours. À vrai dire, le plus grand observait peu les poissons. Son attention était plutôt portée sur tout autre chose. Lui aussi se sentait bien à ce moment-là. C'était vraiment hors du temps.
Pendant la visite Sylvain s'était trompé et ne suivait pas le bon sens, Pierre rigolait et essayait de l'appeler mais forcément, il ne l'entendait pas. Le plus grand le rattrapa et passa délicatement une main dans le bas de son dos pour l'attirer vers lui et sur le bon chemin. Sylvain eut la sensation que ce contact dans le creux de ses reins le brûlait. Il avait l'impression que s'il enlevait sa chemise, l'empreinte de la main de Pierre y serait gravée au fer rouge. Et il aimait ça. Cette pression brûlante sur sa peau lui plaisait énormément. Mais il fallait reprendre ses esprits.
Arrivé dans la plus grande salle de l'aquarium, des chaises étaient installées un peu partout pour pouvoir profiter particulièrement de l'ambiance qui y régnait. Il faisait vraiment très sombre, les lumières des bassins étaient faibles et c'était pourtant la seule source lumineuse de la pièce. C'était beau, c'était reposant et bordel c'était putain de romantique aussi. Sylvain s'était assis sur une chaise, il s'était mis en tailleur et les mains posées sur ses chevilles. Il fermait les yeux en profitant de ce que lui offrait cette soirée. Il ne savait pas combien de temps ça allait durer. Pierre le rejoignit et s'installa aussi en tailleur mais par terre, face à lui. Il ne pouvait s'empêcher de regarder le plus petit, de détailler son visage éclairé de cette luminosité si rare. Il adorait ce qu'il voyait et bien évidemment, il ne put se retenir de le prendre en photo. Une photo qu’il ne voulait pas mettre en fond d’écran, comme il faisait d’habitude pour embêter Sylvain. Non, celle-ci, il voulait la garder rien que pour lui, elle était clairement plus intime.
La soirée se passait si bien, ils n’avaient pratiquement pas parlé et c’était parfait comme ça. Sur le chemin de la visite, il y avait des petits stands de nourriture et de boisson pour les privilégiés de ce soir. Sylvain, qui adorait gratter un maximum de bouffe pendant ce genre d'événement, n’avait finalement pas tant mangé que ça. Il s’était appuyé contre un mur, face à une grande vitre où nageaient gracieusement des tortues. Pierre était à côté de lui, les bras croisés contre son torse. Il se mettait ainsi pour emprisonner ses mains, qui avaient beaucoup trop envie de chercher celles de Sylvain. C’était une véritable torture que d’être dans cette ambiance, de le sentir aussi bien mais de ne pas pouvoir le toucher. Pierre crevait d’envie d’embrasser ce garçon à côté de lui. Tout semblait parfait pour le faire mais malheureusement pour lui, Pierre se rappela que ce n’était pas le cas. Sylvain était hétéro et encore amoureux de Camille. Impossible que ça se passe. Pierre qui pensait pourtant avoir fait son deuil de cette relation, se reprit une claque par la réalité. Sylvain ne sera jamais sien. Une vive douleur se déclara au niveau de sa poitrine et il ferma les yeux pour se contenir. Ne pas craquer devant lui, pas ce soir. Quelques secondes à se concentrer sur sa respiration, Pierre senti une main sur son avant-bras. Il ouvrit les yeux et vit un Sylvain, le casque autour de cou. Ses lèvres bougeaient pour lui parler mais il n’entendait pas. Il regardait ses lèvres, celles qu’il avait tant envie de dévorer. Il baissa finalement son casque pour entendre son ami murmurer.
“Pierre ça va ?
-Oui, désolé. Toi ça va ?
-Carrément. J’adore cet endroit, c’est magique, j’ai l’impression d’être dans un autre monde.
-Tant mieux, je suis content alors.
-Merci.”
Sylvain lui sourit timidement en le regardant dans les yeux avant de les détourner. Pierre passa juste une main sur son épaule en réponse puis ils remirent tous les deux leurs casques.
La visite avait duré plus de 2 heures, les garçons avaient pris tout leur temps et s'étaient arrêtés plusieurs fois. Le retour à la réalité fut compliqué quand ils regagnèrent le hall d’entrée. Un autre petit buffet était à disposition et cette fois-ci, Sylvain ne put s'empêcher de grignoter quelques amuse-gueules. Ils avaient retiré leur cocon auditif et ainsi ils pouvaient de nouveau parler ensemble. Le plus petit était encore dans un état brumeux, comme s'il s’était réveillé d’une trop grande sieste. Pierre était très fier de sa surprise et de l’effet qu’elle avait eu sur Sylvain. Il faisait maintenant bien noir dehors, l’aquarium allait bientot fermer ses portes. Les deux garçons sortirent du bâtiment pour regagner la voiture de Pierre. Mais l’un comme l’autre, ils voulaient encore profiter de ce moment. Ainsi, au lieu de retourner au parking, ils entamèrent un grand détour par des rues mal éclairées de la ville. Il y avait un silence paisible entre eux, jusqu'à ce que Sylvain le brise. Ce garçon ne pouvait pas s'empêcher de parler mais Pierre préférait 1000 fois ça que son silence.
Les deux garçons étaient à fond dans une discussion et ils parlaient très fort en rigolant. Sylvain n’était pas vraiment concentré sur son environnement, il essayait de décrire quelque chose à Pierre en faisant de grands gestes, sans regarder devant lui. Au moment de traverser une route sombre, une voiture à la trajectoire approximative déboula à toute vitesse dans leur direction. Sylvain, qui avait entamé sa traversée, se retourna en entendant son ami hurler.
“SYLVAIN !”
Pierre se jeta sur lui et l'agrippa de toutes ses forces en passant ses bras autour de la taille de Sylvain afin de le tirer vers l’arrière, contre lui, alors que le chauffard passait à toute vitesse, les frôlant dangereusement de quelques centimètres. Le souffle court, Pierre ne bougeait pas d’un poil. Sylvain était contre lui, les bras repliés sur son torse. Quelques secondes s’écoulèrent, les phares de la voitures avaient maintenant disparus, les laissant dans le noir complet. Sylvain était comme pétrifié et il sentait Pierre qui commençait à bouger. Celui-ci gardait ses mains sur la taille de son ami et le fit pivoter face à lui. Ils pouvaient tout juste se distinguer.
-Merde. Sylvain, ça va ?
-Je me suis chié dessus. Bordel Pierre, si tu n'avait pas été là… Il m’aurait…
-Ne dis rien. Tu vas bien. Tu es là, entier. J’ai eu peur…
-Je… J’ai besoin de quelques secondes.”
Les deux garçons étaient encore en état de choc. Sylvain laissa tomber sa tête sur le torse de Pierre et il posa une de ses mains sur l’avant bras de celui-ci. Le plus petit tremblait et il n’en fallait pas plus à son ami pour remonter son bras libre dans son dos afin de l’enlacer.
Ils restèrent ainsi quelques minutes et Pierre passa de temps en temps ses doigts sous l’écharpe de Sylvain pour caresser la peau de sa nuque. Un geste si intime qu’il ne pouvait s'empêcher d’effectuer. Peu à peu, les garçons regagnèrent à peu près leur état normal et le plus petit se recula pour briser leur étreinte. Il y était pourtant si bien, la chaleur et l’odeur de Pierre l'avaient aidé à se sentir légèrement mieux.
“Pardon.
-Non ne t’excuse pas. Je pense qu'on en avait besoin tous les deux.
-Ouais… Wouah l'ascenseur émotionnel aujourd’hui.
-Je me serais bien passé de la dernière partie.
-Moi aussi.
-Je te ramène chez toi ?”
Sylvain n’avait pas envie de rentrer chez lui, il ne voulait pas rentrer dans cet appartement vide. Il ne voulait pas être tout seul. Il voulait être avec Pierre.
“Eh. Si ça ne va pas, tu me le dis. Tu veux passer la nuit chez moi ?”
Il ne fallait pas dire ça. C’était exactement ce que Sylvain voulait mais il ne fallait pas… Ça allait lui faire encore plus de mal. Il secoua négativement la tête mais le sanglot qui éclata à travers sa gorge disait le contraire et Pierre comprit. Dans le silence, Pierre emmena Sylvain, une main dans le dos, à sa voiture afin de le ramener chez lui.
Le plus petit n’arrivait pas à contenir ses larmes tout le long de la route. Il avait la tête tournée vers sa vitre pour éviter d’infliger ce spectacle à son ami. Pierre passait de temps en temps sa main sur la sienne en tapotant pour lui donner un peu de force et d’affection. Il tremblait encore. Enfin arrivé chez Pierre, celui-ci accompagna Sylvain a l’intérieur et l'aida à retirer ses affaires pour pouvoir le conduire à sa chambre.
“Tu dormiras dans mon lit ce soir, j’irais sur le canapé. Je t’avoue ne pas avoir trop la foi de faire la chambre d’ami.
-Je prendrais le canapé Pierre, ne t’inquiète pas.
-Non, non. Viens.”
Toujours avec des gestes doux, Pierre le guida jusqu'à sa chambre. Il alluma seulement la petite lampe, ce qui ne l'aidait d’ailleurs pas à voir ce qu’il était en train de chercher dans l'armoire. Il sortit une chemise qu’il ne mettait plus depuis longtemps mais il n’allait quand-même pas donner ça à Sylvain pour dormir. Il râlait en chuchotant car il ne trouvait pas un haut de pyjama correct pour son invité.
“C’est bon Pierre, c’est parfait, ne t’embête pas.”
Sylvain était épuisé, il avait les yeux rouges et les cernes bien marqués. Il commença à se déshabiller pour ne finir qu’en caleçon et enfila la chemise de Pierre qu’il ferma difficilement. Pierre l’aida pour les derniers boutons, il se mit à l'entrée de la chambre en attendant que Sylvain finisse de s'installer dans le lit puis il ferma la porte après lui avoir souhaité une bonne nuit.
Pierre, lui, se changea dans la salle de bain et alla se coucher dans son canapé à côté du panier de Loulou, son chien encore tout endormi. Il s'emmitoufla dans le plaid et essaya tant bien que mal de se détendre après cette drôle de soirée. Elle avait pourtant si bien commencé…