XIV. Vide spatial

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Blanche se balançait sur la chaise de son bureau, elle rêvait de se prendre un café mais l'idée de reprendre l'ascenseur augmenterait ses chances de le croiser. Elle n'avait pas de raisons particulières de l'éviter mais elle ne pouvait raccorder sa vie privée à son travail. Elle se connaissait par cœur, les relations passées n'y ont pas fait exception. Blanche était l'ensemble du spectre du possible en terme de relations intimes, elle pouvait être extrêmement demandante et chronophage comme elle pouvait disparaître du jour au lendemain ou s'assurer que la personne la déteste pour qu'elle puisse s'en détacher plus facilement.

Blanche était dans une colocation sans même l'avoir demandé, aucun contrat n'avait été signé à l'arrivée. Mais au fur et à mesure de ses années, cette colocataire se faisait plus grande et prit plus de place dans sa vie. Son anxiété, sa partie d'elle qu'elle aurait aimé ne jamais voir le jour. Elle la considérait comme son enfant ou plutôt elle, enfant. Blanche avait, telle une éponge sur une surface humide, absorbé l'entièreté des paroles qui rythmaient ses journées quand elle était plus jeune. Blanche n'était pas assez, elle n'était pas méritante, elle était fautive, parfois elle n'était même rien du tout et c'était pire que toutes les insultes qui, au moins, donnaient du sens à son existence. Toutes ces paroles destructrices avaient créé un trou dans son être qui n'était plus possible d'être bouché, en s'y risquant d'y plonger, on arriverait malencontreusement dans l'espace. Ce dernier était, pendant très longtemps, hors de portée des hommes avant que les technologies actuelles n'y changent la donne. Et bien dans son être c'était la même, Blanche n'avait pas encore les instruments nécessaires pour l'aider à atteindre l'origine de son mal-être constant. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était émettre des hypothèses sur ce qui pourrait l'aider à aller mieux, à remplir tant bien que mal ce seau troué.

« La planète terre demande à rejoindre Blanche, Allô? » Olivier agita des mains pour retenir l'attention de Blanche qui, visiblement, flottait dans ses pensées, dans l'espace.

Blanche écarquilla les yeux et se mit à rougir lorsqu'elle se rendit compte du potentiel temps qu'elle aurait pu prendre avant de répondre à son manager. Elle avait complètement dégommé son crayon qu'elle tenait en bouche et la rédaction de son article pour le site de la maison d'édition était au même point que ce matin. Blanche se reprit et déposa le crayon crevassé par ses dents.

« Désolée, je réfléchissais. » menti Blanche.

« J'espère ne pas t'avoir dérangé alors. Je venais voir comment tu allais, on a pas vraiment eu l'occasion de se reparler après ce week-end. James m'a dit que c'était bien agité de ton côté. »

Blanche fronça des sourcils à l'entente de sa dernière phrase, il n'était que de son ressort de raconter ce qui était arrivé à sa meilleure amie et elle ne comprit pas pourquoi James s'en était mêlé. Mais Olivier avait l'air de comprendre ce qui tracassait notre protagoniste.

« Il m'a pas dit grand chose et je n'ai pas demandé si jamais tu veux savoir. Il s'inquiète juste du fait que tu sois quand même venu aujourd'hui. »

« Mais je vais bien Olivier et je n'ai pas besoin d'être materné par James, je peux fonctionner et réfléchir par moi même. C'est si compliqué de le concevoir pour lui tu penses? »

Olivier sourit, la Blanche taquine avait fait son grand retour et cela le réjouit.

« Blanche, je vais bientôt avoir trente-huit ans, tu penses que tes paroles désintéressés sont entrain de me convaincre d'oublier la manière dont tu le regardais dans le bar, samedi passé? Tu sais, il n'y a rien de mal à cela, je veux juste pas que tu te braques comme ça. Je ne veux pas entendre mes deux amis se chamailler. »

Blanche ne savait plus où donner de la tête, la conversation n'avait aucun sens. Il était son manager, elle avait un article à rédiger et les voilà entrain de parler de sa pseudo relation avec son collègue. Elle n'aimait pas non plus la manière dont Olivier pensait tout savoir de sa personne sous prétexte de son âge plus avancé que le sien. Les années supplémentaires passées sur terre ne faisaient pas tout, il suffisait  de faire plus attention aux choses qui nous entourent pour les remarquer alors que d'autres, plus distraits, prendraient des années. Le temps faisait certes apparaître certaines réponses mais en faisaient disparaître d'autres avec lui. Blanche n'avait vécu sur cette terre que vingt-quatre ans mais c'était bien assez pour elle, suffisant pour remarquer tout ce qui n'allait pas; autant chez elle, que chez les autres.

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