Tu m'embrasserais, si je te demandais de le faire ?
James n'avait pas hésité une seconde, n'eut guère eu besoin de répondre, a été plus rapide que son anxiété et ses pensées auto-destructrices, ces dernières avaient cessé de s'étendre telle une encre dans l'eau, son collègue avait lâché son encre avant.
Blanche n'avait qu'une seule envie, retourner dans les bras de son collègue, lui supplier d'oublier leur différent, de tout recommencer, de la laisser s'imprégner du parfum du ténébreux, de continuer à tisser sa personnalité à travers la sienne.
L'effet d'une telle pensée était loin de ce qu'elle avait bien pu imaginer, elle n'était point apaisée. L'envie de crier, de l'extirper de ses pensées, de sa peau, de chaque cellule que constituaient son corps. C'est tout ce que Blanche voulait faire. Et si elle pouvait s'emparer du couteau qu'était posé sur la table, elle écorcherait chaque centimètre de peau que James a imprégné de sa marque.
Mais impossible, elle n'était pas seule. La fille en face, c'était Noora.
Les deux anciennes amies avaient décidé d'aller manger un bout le soir même de l'envoi du fameux SMS.
« Est-ce que ta boîte te demande de faire des heures sup' ? T'as l'air exténuée. »
Blanche l'observa, de la pose de mascara sans taches sur les paupières aux lèvres pulpeuses à peine rosées, rien ne constituaient une quelconque répartie. Le khôl mit en muqueuse faisait ressortir davantage ses yeux bruns et son foulard bleu électrique complimentait son teint hâlé. Noora n'avait pas changé, la mise en beauté a toujours été son petit rituel journalier. C'est ce qu'elle lui avait dit, dix ans plus tôt, en voyage scolaire.
Tu ne dois pas attendre que la vie te donne le temps, tu dois la créer.
« C'est plutôt le projet sur lequel je bosse en ce moment qui me cause de sacrées insomnies. La prévention suicide, je n'aurais pas pu rêver mieux. »
« Dingue meuf, c'est exactement ce qu'il fallait pour Yuri. »
« Yuri de troisième ? Il a changé d'école non? T'es resté en contact avec ? »
« Ouais, jusqu'à ce qu'il décide d'en finir l'année dernière. »
« Dingue meuf, la mort n'arrête pas de me tourner autour. »
« T'abuses, c'est quand la dernière fois que tu lui as parlé ? En 2012 sûrement. Remarque, j'étais pas aussi secouée que je le pensais. J'ai l'impression que-
« - que ça allait d'office arriver? »
Noora écarquilla les yeux, ses cils touchant presque ses sourcils avant de laisser entendre un rire timide.
« Que Dieu me pardonne, c'est dur de dire ça mais oui. Pour le coup, la mort lui tournait bien autour. »
Elle reprit tout de suite sans que Blanche puisse trouver de réponse.
« Et donc ? Explique un peu ce projet. »
« J'ai l'impression que ça fait littéralement vingt chapitres de ma vie que j'essaie d'expliquer ce projet mais je n'arrive pas à me l'intégrer non plus. Le but c'est de créer une vidéo, une sorte de podcast où des auteurs seront mis en avant ainsi que des anecdotes, des manières d'aider... Je commence à tourner demain mais je pense que c'est comme ça que j'aurais fait la vidéo. »
Noora regardait son ancienne camarade de classe avec admiration, le visage posé sur sa paume de main, le coude sur la table et les iris étincelantes.
« Waw, tu l'as fait, Blanche. Tu vas devenir célèbre ! »
Blanche se rendit compte qu'elle n'avait jamais réfléchi à l'aspect médiatique de son projet et de l'impact que cela pourrait avoir sur son image. Allait-elle réellement devenir connue ?
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Ficción General« T'es un sacré manège Blanche Tessier » Blanche a 26 ans, des amis et beaucoup d'anxiété. Elle vient de commencer un travail dans une maison d'édition. « Blanche ne voulait pas être aimée, elle voulait être vécue. » De par son esprit conflictuel...