XXV. Triste déréalisation

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Comme chaque soir, Blanche avait relu ses conversations. Elle avait renvoyé un message à Olivier parce qu'elle voulait se savoir aimante et aimée. Elle avait maintenu la conversation avec Matthias parce que rien que l'idée de ne plus être dans la tête du musicien, l'effrayait. Blanche continuait à taquiner Sonia et Horace parce qu'elle savait que cela amusait Angelo et un peu, Horace. Mais Blanche n'avait pas répondu à James parce qu'elle préférait développer la suite mentalement, persuadée que son message en cachait un autre.

Olivier était revenu au bureau, au bout du troisième jour. Soit, le lendemain du compte à rebours qu'avait lancé Blanche. James n'avait jamais été aussi contrarié et Cassandre était plus que reconnaissante envers sa collègue.

« Je lui ai proposé de monter mais il a rétorqué qu'il était fatigué et qu'il préférait ne pas tarder. Il m'a fait un signe de la main et j'ai compris que je ne devais pas tarder dans la voiture. Je suis donc partie. Blanche ! Qu'est-ce que je peux faire ? »

Blanche avait son stylo en bouche et la tête penchée sur le côté. Si Blanche avait réussi à tisser les couches de personnalités qu'elle portait au quotidien c'est parce que son esprit d'analyste était extrêmement affûté. Il était possible de décortiquer une personne en une série de modèles simplifiés d'une série de comportements, une fois le schéma assimilé, il lui suffisait de répondre et de se comporter en répondant aux attentes du sujet d'intérêt.

Blanche avait tout appris sauf à s'aimer.

« Écoute, laisse moi la matinée pour y réfléchir. On en reparle à la pause déjeuner. Propose lui ton aide aujourd'hui, montre lui ton avancée, je ne sais pas... mais maintiens le truc. »

Elle posa son calepin entre sa hanche et son avant bras et se dirigea vers les toilettes de la boîte. La brune profita du silence de la pièce et de l'énorme miroir juste au dessus des lavabos pour réciter son texte. Aucune version antérieure de Blanche n'aurait pu croire ce qu'il était entrain de se passer; elle allait vendre le bonheur et le laisser filer entre ses doigts. La caméra était censée arriver le lendemain et le tournage commencerait aussitôt. La brune avait beau froncé les sourcils et se dresser droit devant la vitre, rien ne laissait transparaître qu'elle était fière et convaincue de son discours. Parce que tel n'était pas le cas, Blanche était même plutôt persuadée du contraire. Mettre fin à sa vie c'est enfin prendre une décision sur une vie qui leur a toujours fait comprendre qu'il n'en avait pas le pouvoir.

Blanche n'avait pas d'expérience en la matière, à part sa camarade de primaire, personne n'avait ne serait-ce que tenter de mettre fin à ses jours dans son entourage. Quant à elle, sa piètre tentative dans la salle de bain du foyer familial pouvait se résumer à une entaille superficielle au poignet qui lui a valu de tourner l'œil. L'idée de disparaître par contre, était une pensée quotidienne et familière. Juste avant l'arrivée d'un métro, en traversant au rouge, en mélangeant toute sorte de médicaments, en acceptant la première drogue proposée, toutes ces éventualités étaient considérées quotidiennement mais jamais appliquées.

Blanche avait l'impression de tout doucement disparaître de la salle de bain et dû observer la délimitation de ses mains longtemps avant de se rendre qu'elle était bien consciente et vivante au cinquième étage de l'entreprise. Elle se regarda à nouveau dans le miroir et se vit cette fois d'une toute autre manière, elle savait pertinemment qu'elle s'observait et que la vision lui était bien familière pourtant, la vue lui parut distante presque comme si elle observait la scène à partir d'une autre pièce. Ce n'était pas Blanche d'aujourd'hui qu'elle était entrain de regardait mais celle d'il y a bien plus longtemps, plus jeune et éprouvée par les problèmes qui enchaînaient. Elle ne pu s'empêcher d'en faire la comparaison avec son soi du présent, il ne lui arrivait plus grand chose de dramatique, tout était donc entre ses mains pour aller de l'avant et aller mieux mais elle n'avait pas profité du calme dans sa vie pour le faire.

Passer le capOù les histoires vivent. Découvrez maintenant