XVIII. Consumé.e

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C'est dans le silence le plus complet que l'échange de gaz prit place entre l'atmosphère de la pièce et son corps. Ainsi, ses poumons se chargeaient et se déchargeaient d'air dans un rythme lent et détendu, complètement déconnectée et inconsciente du vacarme de la rue. Après avoir passé la nuit à crier, comme si chaque cellule de son corps s'était dotée de cordes vocales, criant dans son coussin pour ne pas déranger les voisins. Blanche dormait, mais son métabolisme cérébrale n'était pas le seul à avoir baissé son état de conscience. L'espace temps donnait l'impression de s'être également mis en pause, comme si, après avoir été témoin du désarroi de la brune toute la nuit, il s'effondra sur lui même.

Ce n'est qu'au bout de la troisième sonnerie que Blanche papillota, l'ombre de ses longs et épais cils sur ses joues. Elle fronça ses sourcils mais la quatrième sonnerie ne lui laissa guère le temps de se demander si elle avait rêvé l'entendre. Blanche s'étira en fléchissant ses pieds vers la fin de son lit, étonnée d'avoir eu un sommeil aussi réparateur, elle eu l'impression d'avoir dormi plus de dix heures.

Et la réponse était fort simple, elle avait bien dormi plus de dix heures. Mais ça elle ne s'en rendit compte qu'une fois levée et dans le salon. Paniquée à la vue de la disposition des aiguilles sur l'horloge accrochée au mur, Blanche oublia complètement de décrocher au parlophone. Une cinquième sonnerie, plus forte et plus insistante cette fois ci, la décrocha rapidement de son état de panique engourdissant. Elle prit alors le combiné entre ses mains avant de le poser à proximité de son oreille.

« Oui? »

« C'est James, tu peux m'ouvrir? »

Hein?

Blanche appuya sur le bouton, permettant l'ouverture de la porte d'entrée de son bâtiment, presque machinalement. Elle prit alors son téléphone, se trouvant encore là où l'avait posé la veille, comme pour se confirmer qu'elle venait de rater son réveil et de loin. Elle vit un nombre astronomique de notifications défiler sur l'écran, Olivier et James avaient essayé de la joindre, tous deux inquiets de la non réactivité de leur collègue. Elle comprit alors ce que le ténébreux faisait devant son bâtiment. Elle ouvrit la porte de son appartement tout en gardant un œil sur Carlos pour qu'il n'en profite pas pour se faire la malle.

La voisine du bas avait visiblement adopté un chat, une femelle pour être exact. Pour le plus grand plaisir du chat noir du sixième étage. Un dimanche après-midi, Blanche laissa la porte de son appartement entre-ouverte, le temps de passer l'aspirateur sur le tapis de son pallier, et la chatte bigarrée en profita pour se dissimuler dans l'appartement. Sa visite ne dura pas longtemps avant de tomber sur le propriétaire velu des lieux, Carlos, et comme une évidence, ils ne se lâchèrent plus depuis. Et il suffisait pour Blanche de laisser la porte ouverte ne serait-ce de quelques centimètres pour y voir la petite patte du chat en sortir de l'autre côté, afin de l'ouvrir d'avantage et descendre les marches qui le séparait du palier de la voisine.

Carlos devait être bien déçu de voir y entrer un bipède d'un mètre-nonante, il avait déjà bien à faire avec celle d'un mètre soixante.

Les volets encore baissés, seuls certains rayons avaient réussi à passer par les brèches et à habiller la pièce ainsi que le visage de James, faisant scintiller ses iris verts. Et au contraire de Blanche qui était désormais bien éveillée, le temps donnait l'impression de ne pas s'être remis de la veille. Et à l'image des aiguilles de l'horloge, le regard de Blanche s'était figé, complètement verrouillé sur celui de son collègue. Ce dernier n'avait pas bougé non plus, toujours devant la porte, leurs gestes étaient lourds comme complètement soumis à la gravité qui s'était alourdi à partir du moment où il avait passé le pas de la porte.

Blanche ouvrit la bouche mais aucun son n'en sorti, la situation la dépassait complètement. La soirée de la veille ne s'était pas réellement passée comme elle le voulait, elle était en retard pour son travail et c'était son collègue avec qui elle avait eu une altercation quelques jours plus tôt qui était venu la chercher. Tout la mettait dans l'embarras, Blanche voulait se remettre dans ses draps et oublier ce début de journée catastrophique. Malheureusement, la présence de James ne le lui laissa pas cette chance d'inventer une excuse à propos d'une grippe soudaine à Olivier. Et la présence du ténébreux devant sa porte ne laissa guère son esprit en paix, chaque mot prononcé l'avant-veille venait de former une ribambelle autour d'elle, l'étouffant doucement. Aussi consternant que troublant
, James n'avait pas prononcé un seul mot non plus depuis son arrivée. Or il avait matière à discuter ou plutôt à reprocher.

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