Chapitre 30

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Derek me dépose à Leavenworth avant d'emmener Alva à la montagne pour l'occuper. Je suis passé à l'hôpital où était hospitalisé le père de Jake pour régler toutes les factures en suspend. C'est ma bonne action de fin d'année. Jake et Susan vont m'en vouloir, mais tant pis. Je ne peux pas les laisser se ruiner, alors que j'ai les moyens pour les aider. Le jet est prévu pour ce soir, j'ai des rendez-vous importants après-demain à la maison. Je déambule à pied dans les ruelles et fait une halte par le chantier de la clinique. Elle avance si bien, et nous espérons pouvoir ouvrir d'ici le premier semestre de 2024. Je prends des photos avant de me diriger vers le café de Jake. De l'autre côté du trottoir, je fixe son café observant les gens aller et venir. Un détail me choque subitement : il n'est pas décoré comme l'année dernière. Rien, même pas une guirlande de Noël. De plus que le village est décoré annuellement et pas uniquement en décembre. Jake aurait perdu sa magie de Noël depuis le décès de son père ? Cela ne m'étonnerait guère, je ne peux que comprendre le chagrin du deuil.

Après de longues minutes, je me décide enfin à traverser la route pour entrer dans son café. Il est le seul à servir aujourd'hui et par chance, le dernier client présent s'en va, nous laissant seuls. Je lui demande un café et il m'invite à m'asseoir en attendant. Je me découvre en m'asseyant à ma table habituelle, et regarde autour de moi. Son café est si triste. Il reflète l'état d'âme de son propriétaire, j'ai l'impression. Il me rejoint, en posant mon café avant de s'asseoir en face de moi. Je déguste une gorgée et le regarde, sans dire un mot. Après un long silence, il commence à parler, enfin.

— Je suis tellement désolé pour mon comportement, Elisabeth. La maladie de mon père m'a complètement retourné le cerveau. Je... Je suis inexcusable.

— Non, ne dis pas ça. Je comprends mieux que personne l'accompagnement d'un proche malade. Ce que je ne comprends pas, c'est que tu aies pu penser que je ne te soutiendrais pas là-dedans. Pourquoi tu ne m'as pas confié l'état de santé de ton père au lieu de me laisser sans nouvelle, sans réponse à mes messages subitement et pendant des mois ?

Il hausse les épaules en passant sa main sur son visage.

— Les jours sont passés, les uns après les autres. Et à une vitesse folle. J'ai dû prendre un autre travail en plus de mon café, de nuit, pour pouvoir payer les factures. Je dormais, je travaillais, je m'occupais de mon père, je dormais, etc. J'ai oublié toute réalité. Jusqu'au jour où mon père nous a quitté. Un poids s'est retiré de mes épaules...

— J'imagine combien cela a pu être difficile. Tu aurais dû m'appeler. J'aurais pu couvrir vos dépenses.

— Jamais de la vie Elisabeth.

J'acquiesce en regardant ma tasse. Quand ils apprendront que j'ai payé les frais médicaux, j'aurais de ses nouvelles au moins.

— Je ne t'ai pas menti sur mes sentiments... reprend-il.

— Ce n'est pas l'impression que j'ai eu. Et que j'ai.

— Comment ça ?

— Je t'ai attendu Jake... Depuis cet après-midi, blottie dans tes bras, où tu m'as dit que tu m'aimais aussi. Je t'ai beaucoup pleuré quand je me suis rendue compte que tu m'oubliais. Je me suis demandé tant de fois pourquoi. Et puis je me suis dit que ma vie t'avait fait peur, que tu ne voulais pas prendre la peine d'essayer et qu'après tout je n'avais aucune raison d'espérer davantage.

Je sens une larme roulée sur ma joue et je l'essuie rapidement.

— J'ai voulu t'oublier, mais on oublie pas son premier amour. J'ai eu si mal de ne pas trouver de réponses, j'ai eu si mal de tes silences. J'ai eu si mal pour Alva. Et puis j'arrive ici et je vois une sublime femme, accrochée à ton bras. C'est une autre qui te réconforte, c'est une autre que tu as choisi pour être à tes côtés dans la pire épreuve de ta vie. Et moi je ne suis plus rien...

Il était une fois à LeavenworthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant