Chapitre 6 - 6 décembre 2022

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La recherche d'un nouveau logement a échoué. Tout est complet. Pendant la nuit, j'ai hésité à rentrer. Et puis j'ai tapé mon nom sur internet et les journaux locaux m'en ont dissuadé. Ils ne parlent que de mes futures noces. Le Prince Alexandre a dû lâcher le morceau alors qu'il en était hors de question. J'ai pensé à fuir encore plus loin du coup. Si je n'avais pas ma fille, je crois que j'aurais été capable de tout abandonner. Je suis constamment sous pression, la preuve en est que je n'arrive même pas à relâcher la pression, isolée dans un village de noël. Bon ce n'était pas le plan idéal, je l'avoue. J'aurais peut-être mieux fait d'aller dans un ranch, isolé dans la nature. Et puis j'ai également pensé à la clinique. Bref, la nuit fût courte...

Après un bon petit déjeuner, pendant lequel Alva me raconte comment elle a décoré le sapin hier, nous décidons d'aller prendre l'air. Nous passons faire les petites boutiques de la ville. C'est noël dans chacune d'elle, mais je commence à m'y faire. Alva souhaite acheter des décorations pour la maison.

— On pourra faire le sapin quand on va rentrer ?

— On aura pas le temps ma puce. Il y a le mariage la veille de Noël.

— Mais on pourra le fêter cette fois-ci ?

— Euh je ne sais pas ma chérie, on verra quand on va rentrer.

Et voilà, ce que je redoutais arriva. Et encore, elle ne connait qu'une partie infime des traditions. Pour lui faire passer ça, nous rentrons dans un magasin de jouets.

***

Je suis assise dans le jardin, sur un des fauteuils et observe la vue sur les montagnes. C'est apaisant. Il n'y a pas un bruit. Alva fait la sieste, nous avons terminé la matinée en faisant de la luge et nous avons dégusté un bon plat montagnard dans la station de ski. Je profite d'être au calme pour relire les plans de la clinique et le projet. Ils auront une magnifique vue sur la montagne, mais cela implique de détruire quelques commerces. Je n'ai pas encore vu lesquels mais c'est un peu éloigné du café de Jake.

Susan me rejoint et me propose une tasse de chocolat chaud. Je ferme ma tablette et la remercie en souriant. Elle s'installe avec moi.

— Tout va bien ? Vous vous plaisez ?

— Oui, votre auberge est très mignonne. Bon il faut aimer Noël quand on vient ici.

— 90% des personnes aiment Noël donc c'est plutôt facile. Et les gens aiment cette ambiance en dehors du mois de décembre.

— J'ai un peu de mal à comprendre ça.

— Cela ne s'explique pas. C'est ancré en nous. Vous savez, j'ai grandi dans cette ambiance, et j'ai élevé Jake de la même façon.

Ah ! Jake est son fils ! Je n'avais pas du tout capté.

— Vous avez eu vent du projet d'ouvrir une clinique par ici ? J'ai entendu ça.

— Oui... C'est vrai que le projet est bien. C'est gratifiant pour nous, qui nous occupons toute l'année de notre village, de savoir que des gens veulent finir leurs jours dans la magie de Noël.

— Vous n'êtes pas contre alors ? Ça ne risque pas de gâcher le paysage ?

Je mène carrément une enquête en sous-marin.

— À voir comment sera l'établissement, mais je pense qu'ils peuvent se fondre au maximum avec notre architecture. Mais je ne suis pas contre. Les dernières volontés des gens sont importantes.

— C'est vrai... Je pense que ça aurait plu à ma mère de mourir dans un endroit paisible et sain.

— Ça fait longtemps que vous avez perdu votre maman ?

— 23 ans... J'avais six ans.

— Oh je suis désolée.

Je lui souris en lui disant que ce n'est rien. Je bois une gorgée du chocolat chaud, qui réconforte la pensée de ma mère. Bon, j'espère que toute la population pense comme elle pour la clinique.

— En fin d'après-midi, nous avons une activité de confection de maison en pain d'épice. Ça vous dit de participer ?

Je termine ma tasse de chocolat en réfléchissant. Ça pourrait plaire à Alva...

— Je n'en ai jamais fait, je risque de ne pas être très efficace.

— Justement, vous êtes là pour apprendre.

— D'accord alors.

Je monte rejoindre Alva qui dort toujours.

***

Le but est de construire une maison en pain d'épice. Comment dire que la notre ne tient pas du tout, une vraie catastrophe. Alva mange plus de pain d'épice et de décorations que nous n'en aurons sur notre maison finale.

— Je crois qu'on aurait besoin d'un peu d'aide par ici.

Je sursaute et me retourne vers Jake, qui est apparu de nulle part. Enfin, du moins, je n'avais pas remarqué sa présence. Alva lui sourit en lui disant que oui, nous n'y arrivons pas.

— Si ta maman accepte, je peux t'aider.

Alva me regarde avec les yeux doux et je souris.

— Bien sûr. Sinon nous n'aurons rien.

Il s'assoit aux côtés d'Alva et lui apprend comment faire. Il est doué avec les enfants en tout cas. Je me permets de l'observer pendant qu'il est concentré. Je me demande s'il a des cheveux sous son bonnet. Il ne l'enlève jamais c'est dingue. Ses sourcils sont un peu foncés, donc je suppose qu'il doit être brun. Ses yeux sont aussi bleus qu'un ciel d'été. Sa peau est brunie par sa barbe. Ça le vieilli un peu sinon je ne lui donnerais pas plus de 25 ans. Il relève d'un coup les yeux vers moi : oups. Je détourne le regard sur mes mains, qui triture ce qui est censé être la cheminée.

— Je crois qu'à cause de ta maman, la maison n'aura pas de cheminée, dit-il en souriant.

— Pardon, dis-je en lui tendant.

— Non non, vous allez la faire et la placer.

— Je vais tout gâcher.

— Ne dites pas de bêtises.

— Allez maman, m'encourage Alva.

Je peux bien faire une cheminée quand même. Enfin, je ne suis pas douée pour le manuel. Je tente tant bien que mal, mais ça n'y ressemble pas vraiment, ça ne veux pas coller.

— Attendez.

Jake se penche sur moi et le contact de sa main sur la mienne me provoque quelque chose que je ne connais pas... C'est bizarre. Sa proximité est troublante... Son odeur s'immisce dans mes sinus. Subitement j'ai chaud et mes mains se mettent à trembler. Je lâche le morceau de pain d'épice et retire mes mains des siennes.

— Ça ne va pas ?

— Si si. Je reviens.

Je me lève rapidement, manquant de renverser la chaise et sors de la pièce par la baie vitrée. L'air frais extérieur rempli mes poumons d'air et m'apaise. Je dégage mes cheveux de mon visage en soupirant. Que s'est-il passé ?

🎄🎄🎄

Il était une fois à LeavenworthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant