Harrington

[23] SANG

Mon pied s'accroche autour de la racine et je vole
la tête la première, dégringolant et claquant contre
un arbre. Je suis essoufflé, le souffle quittant mes
poumons alors que j'entends la créature galoper
plus près.

C'est un flash gris alors qu'il bondit dans les airs. Je
sursaute et sens l'être s'abattre violemment sur ma
jambe gauche. J'entends un craquement
écœurant et je hurle de douleur, sachant que ma
jambe est cassée. Une douleur aiguë parcourt tout
mon côté gauche et je crie à nouveau. La créature
continue à enfoncer davantage ses griffes dans
mon mollet et mon tibia, me faisant crier
davantage. Je lève les mains pour protéger mon
visage alors qu'il rugit bruyamment, sa bouche
s'ouvre pour révéler des dents acérées comme des
rasoirs.

Les larmes coulent sur mon visage alors que je crie
de douleur, la créature ne montrant aucune pitié. Il
déchire et arrache des couches de ma peau, et je
gémis d'agonie alors que je suis allongé impuissant
et boiteux devant lui comme si c'était son dîner.

Je suppose que c'est ce que je suis.

Je ne peux pas penser, à rien d'autre qu'à la
douleur. J'essaie de penser à autre chose, mais
c'est trop fort. Trop intense. Je gémis et pleure,
laissant les larmes couler. Ils coulent sur mon
visage et me piquent les joues, gelés par le froid. Je
penche la tête en arrière et respire fortement,
fronçant mon visage comme si ça rendait les
choses moins horribles.

Il me gratte les mains, les bras et la poitrine,
essayant d'atteindre mon visage. Je crie d'agonie
alors que mes mains saignent, et le Démogorgon
bondit, se préparant à bondir une fois de plus,
cette fois dans le but de tuer.

Je ferme les yeux et pense à quel point c'était
stupide de venir ici. Je sais que j'ai aidé, et cela me
fait me sentir mieux à l'idée de mourir maintenant.
J'espère que quelqu'un le trouvera et le ramènera
à la maison. C'est tout ce que je veux, tout ce que je
veux, c'est que Will rentre chez lui.

Je ferme les yeux et me prépare à l'impact, la
douleur traversant ma jambe et rendant ma
respiration superficielle.

Soudain, la chose s'arrête de bouger. Je l'entends
renifler l'air, puis le poids est retiré de ma jambe.
Je halète comme la créature se déplace, laissant
échapper un bruit bestial et résultant à quatre
pattes. Je l'entends s'enfuir, mais j'ai toujours
l'impression qu'il m'attaque.

Je garde les yeux fermés, espérant que tout ceci
n'est qu'un horrible rêve. Peut-être que si je ne
vois rien, mon cerveau sera convaincu que ce n'est
pas réel. Peut-être que ce n'est qu'un cauchemar.

Un cauchemar.

Je perds du sang petit à petit. De mes bras, mes
mains, ma poitrine et ma jambe. Perdre autant de
sang n'est sûrement pas bon, j'ai peut-être survécu
à l'attaque, mais si personne n'est là pour arrêter le
sang, je finirai par mourir.

La douleur est atroce et j'ai l'impression d'en être
aveuglé. Je ne peux penser à rien, seulement à
l'horrible sentiment d'agonie pure.

Tout y est englouti. Ce n'est pas seulement
physique, mais aussi émotionnel et mental. Il
obscurcit mes pensées et sentiments,
dépassant mes sens.

Ce n'est pas le même genre de douleur à laquelle
je suis habitué, et je déteste ça. C'est plus brisé et
désagréable que de simples coups au visage. C'est
à l'intérieur de moi, et je me sens étourdi alors que
mon sang suinte rapidement de mes blessures.
C'est comme si quelqu'un plantait un couteau
entre mes os et les ciselait lentement, martelant
ma jambe. J'essaie de le déplacer, mais je grince
des dents alors que ça ne fait que dix fois pire.