Chapitre 5

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Le bruit d'aspiration sec me fait relever la tête de mes notes. Le système magique de redistribution instantanément des mots et courriers d'Ilvermony est toujours infaillible. L'instant d'après, jaillissent du mur des enveloppes qui s'en vont rejoindre mon bureau avec légèreté. Je m'empare d'elles, des nouvelles d'Abaigh, plusieurs lettres d'Angleterre et d'Ecosse et une de Thomas.

La simple lecture de ce nom me renvoie la figure tout mon mal aise et la sensation d'oppression constante que m'a apporté notre ancienne relation. Ca va faire deux ans déjà, presque le même nombre d'années que nous sommes restés ensemble. Trois ans, trois ans au cours desquels il a fallu que je me fasse violence pour ranger mes affaires, m'habiller comme la belle-fille modèle que lui et sa mère voyaient en moi, regarde mes séries et mes films en cachette comme on a une liaison. Je n'existais plus, j'étais la femme parfaite, le trophée qu'il revendiquait et montrait à tout le monde. Mais si on reste honnête, à cette pression s'ajoutait également celle de mes parents si heureux pour moi et leur approbation sans limite de mon petit-ami. Il m'aura fallu des mois pour mettre fin à cette voie qui ne m'aurait conduit qu'à l'abnégagtion perpétuel de mon corps et de mes envies au service de ses fantasmes d'enfants jouant avec un chien dans le jardin d'une maison moyenne de banlieue. Pas pour moi. En tout cas, sûrement pas avec lui.

Le choc a été violent pour lui. J'ai dû prendre les devants avant qu'il ne me demande en mariage. Je me rappelle encore avoir trouvé la bague dans ses chaussettes un soir. Le lendemain j'avais fait mes valises. Il y a eu des cris, de l'incompréhension et beaucoup de rancoeur. Mais j'étais à nouveau libre de regarder en boucle Le Seigneur des Anneaux le vendredi soir en mangeant de la glace.

J'ouvre la lettre, intriguée. La parcourt rapidement. Il s'excuse de son comportement égoïste, et me remercie d'avoir eu la clairvoyance de rompre. Il a trouvé la femme parfaite et l'épouse le 10 mai prochain. Je m'enfonce dans mon vieux fauteuil, referme la lettre avant de la poser sous ma statuette d'Obi-wan Kenobi. Une vague de mélancolie me submerge soudainement. La voix rauque de Florence Welsh ne parvient pas à couvrir le lourd silence de mon appartement, qui se glissent sous les meubles, dans ma chambre et entre mes livres. Mes pieds, malgré mes chaussettes en laine tricotées mains par maman, sont soudain très froid.

Où le temps est-il donc passé ? En deux ans, je n'ai pas eu de relation bien sérieuse qui ont dépassé les premiers rencards. Je n'ai pas beaucoup d'amis, voire aucun. J'ai réussi et peut être que si je travaille aussi bien je pourrais intégrer une chaire à l'université sorcière d'Oxford. Mais... Je secoue la tête, me frotte les yeux avant de remonter mes lunettes et de remettre au travail.

OoOoO

« Y'a une erreur je vous M'dame ! Ca valait au moins un E ! »

Je remonte mes lunettes et darde un regard agacé à travers mes grands verres sur le petit gamin de septième année qui me fait un scandale quant à la note de sa première dissertation rendue la semaine dernière et que je viens à peine de corriger.

« Je crois encore savoir faire la différence entre un E et un P Mr Peterson.

- J'ai travaillé des heures sur ce parchemin ! S'exclame-t-il. 

- Il faudra travailler encore plus si vous voulez obtenir une meilleure note, je ne peux pas décemment vous surnotez quand la qualité de votre copie ne vaut pas plus qu'un P.

- C'est de l'abus de pouvoir ! 

- Ne mélangez pas tout, je veux bien relire avec vous votre copie pour vous montrer les points à améliorer pour espérer avoir mieux la prochaine. »

Il serre les dents de colère.

« Vous ne savez pas qui je suis !

- A moins que vous ayez bu une potion de Jeunesse, je peux sans l'ombre d'un doute dire que vous êtes un élève, répliqué-je sèchement, et moi votre professeure.

Au fait, il se passe quoi en salle des profs ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant