Chapitre 45

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Une masse en couleurs claires et en habits du dimanche attend patiemment à l'entrée de l'église, je reconnais vaguement des oncles et des tantes éloignées. Ma grand-mère Ingrid trône en doyenne au centre, l'oeil pétillant et appuyée sur sa canne à mener son monde à la baguette et tout particulièrement ma mère. Abaigh est resplendissante dans sa robe poudrée, portant contre elle Eliane toute en dentelle écrue, Harry tient la main de Peter adorable avec son petit noeud de papillon bleu pastel. Nialh nous fait de grands signes de la main. Je serre les doigts de Murdock un peu plus fort et lui sourit gentiment. Il n'a cependant pas besoin d'être rassuré, débordant de sérénité et de confiance en lui dans sa chemise marine. Il m'entraîne à sa suite d'un pas déterminé vers mon frère.

« Ah ben ! Vous vous êtes faits attendre ! nous accueille-t-il.

- On t'a manqué ? lui lance Murdock.

- J'ai trèèèès envie de voir la tronche de notre mère quand elle va te rencontrer, glisse-t-il avec enthousiasme. »

Je me crispe un peu, j'ai envie que ma famille rencontre Murdock. J'ai envie qu'ils l'apprécient et voient à quel point c'est une personne drôle, franche et attachante. Mais, je mentirai à Merlin si je disais que j'ai passé une nuit sereine... pour la simple et bonne raison que Maman n'aime pas trop ce qui dépasse, elle a déjà dû mal à s'habituer au coming out d'Eanna, alors avoir une fille qui sort avec un demi-nain ne va sûrement pas arranger son beau tableau de famille idéale. Murdock m'adresse un regard rassurant, il sait déjà tout ça et ça ne l'émeut pas beaucoup.

« On va tenter de pas te décevoir alors, promet-il.

- Tu sais où elle est ? demandé-je.

- Avec mami, elle devrait pas...

- Sibéal ! Mais quel plaisir de te voir ma grande ! Ça fait tellement longtemps ! Tu es toute belle dis donc ! »

Prise au dépourvue je me retrouve engouffrée dans une étreinte senteur et couleur lilas. Tante Bertha. Elle libère et replace correctement son chapeau – oui, l'église est une affaire sérieuse pour elle, alors un chapeau pour un baptême c'est comme la communion pendant la messe : une obligation morale. Elle tourne son regard sur Murdock et écarquille les yeux de surprise avant de nous dévisager ensemble. Elle semble instantanément retenir sa première réaction sur notre couple pour lâcher de façon bien plus consensuelle – mais peu naturelle venant de sa part – un :

« Je ne savais pas que tu serais accompagner, ta mère a dû oublier de me le dire !

- Tata, je te présente Murdock. Murdock, ma tante Bertha.

- Enchanté ! J'dois vous dire que votre chapeau est très franchement saisissant ! la complimente-t-il en lui serrant la main. »

A son air goguenard, je mettrais ma baguette au feu qu'il n'en pense pas un mot mais tante Bertha toujours friande de compliments pour ses chapeaux s'empourpre de plaisir et s'extasie aussitôt sur les manières de « ce charmant jeune homme », ce à quoi Murdock ne peut s'empêcher de répondre avec amusement :

« Voyons, on est tous des jeunes gens ici non ? »

Nialh et moi dissimulons un petit rire tandis que Bertha papillonne autour de Murdock totalement emballée par ses manières...

« C'est bien la première fois que Sibéal nous ramène un petit ami aussi agréable ! Je suis ravie de vous voir faire partie de notre famille ! »

Une vague de gêne me submerge, je glisse un coup d'œil désolé à Murdock. Il ne semble pas le moins du monde déstabilisé par la remarque. Nialh évidemment ne peut s'empêcher d'en rajouter une couche.

Au fait, il se passe quoi en salle des profs ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant