Chapitre 6

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Il fait nuit noire et la Grande Ours nous rit au nez. Ce n'est pas que je suis foncièrement contre vivre ma p'tite vie sous les étoiles, hein, soyons bien claire, je n'enseigne pas l'astronomie parce que toutes les autres matières étaient déjà prises ! C'est une vraie passion, un chant du cœur, un cri qui vient de l'intérieur... vraiment. Seulement, bon, à quatre heures du matin, j'aime bien aussi dormir. C'est quand même plus sympa. Surtout un dimanche, si vous suivez le fil de ma pensée. Dans un lit, sous des draps avec un oreiller, bref, toute la panoplie du fin dormeur.

Sauf que voilà ! Quand Murdok avait dit de se retrouver à quatre heures, tout le monde avait naïvement pensé qu'il s'agissait de l'heure décente du cadran... pas de quatre heure DU MATIN ! Ce qui n'est même pas du matin, ne soyons pas hypocrite, quand il fait nuit, c'est souvent que c'est la nuit.

A la tête et aux ronchonnements de notre gros lot d'élèves, ils partagent ma profonde désapprobation quant à l'horaire. Et puis, je ne sais pas eux, mais après une rupture, c'est quand même plus agréable de passer la matinée à pleurer à gros sanglots dans son lit. Après, bon, ça, c'est peut-être que moi.

« Bon, en fil indienne, commandé-je à mes deux classes de premières années. Et on se tient par la main.

-Mais on est plus des bébés !

-C'est pas une question de bébé, c'est une question mathématique, leur expliqué-je. Comme ça, je vous compte deux par deux.

-Et puis, discutez pas ! m'appuie Sibéal, en faisant une pause dans sa gestion de ses propres premières années.

-Oui, c'est vrai, ça, discutez pas d'abord ! »

Derrière nous, l'immense bateau qui flotte sur la berge n'attend plus que nous. L'équipage prépare bien entendu à grands coups de baguettes et donc, de sortilège, le départ, mais ça ne devrait plus tarder, vu les gros sifflements que pousse le navire. Nous autres, professeurs bataillons à garder les élèves en place parce qu'un grand nombre s'assoient n'importe où pour finir leur nuit. Heureusement qu'à Salem, un sorcier très brillant a placé la population de non-mage sous un enchantement qui les empêche de remarquer toute démonstration magique, parce que vu les objets sorciers que nos élèves déballent sans vergogne... ça serait assez suspect. En plus, le bateau fait des petits envols inattendus das les airs, comme s'il trépignait de partir, avec ou sans nous.

« PAR MERLIN ! s'écrie Kenneth en accourant vers Sibéal et moi, un gosse vient de balancer un autre dans l'eau !

-T'as essayé un accio ? proposé-je alors que Sibéal et Valérian sont déjà partis en courant.

-Euh... pas sûr que ça marcherait...

-Hum... »

Je hausse les épaules -on sait jamais, faut tester-, et porte le bec de mon thermos à mes lèvres pour finir mon litre de café.

OoOoOo

Après avoir fait un bref tour du bateau, j'ai établi domicile dans un petit salon fort confortable avec ses magnifiques sièges ronds en cuir orange, à l'option massage si on y dépose un gallion -comme ça, ça sonne comme une arnaque mais après l'avoir essayé, ça vaut la ruine. En récompense de mon lourd investissement, j'ai même le droit à des réductions sur les glaces alors, je pense que j'ai vraiment trouvé un filon. Entre deux Himalaya -une gigantesque boule bleu à la saveur indéterminée mais délicieuse, saupoudrée de chocolat qui pétille dans la bouche et de crème chantilly-, je me demande ce que Gautier a bien pu ressentir en lisant ma réponse sur le verso de sa lettre de rupture. J'espère qu'il s'est senti aussi en colère, frustrée et insultée que moi... avec tout le soin que j'ai pris pour imaginer les injures et métaphores humiliantes, ça me décevrait grandement.

Au fait, il se passe quoi en salle des profs ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant