La persona non grata - FR

Chapitre 3

Partie II : « Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres »

- Enfile ça, c'est pas tout à fait ta taille, mais je le rafistolerai si besoin.

Convertie en styliste, Cassiopée habille Brooklyne pour la soirée d'anniversaire de Marie. Les élèves sélectionnés de la promotion ne sont pas particulièrement enjoués à l'idée d'honorer la personne la plus détestable de leur lycée, mais ça ne les empêche pas de revêtir leurs plus beaux apparats pour s'y montrer. Jamais à court de conseils en matière de mode, Adam, à travers le haut-parleur, mène les essayages de Brooklyne à la baguette. Que peu habituée aux sorties de ce genre, la jeune fille s'est accordée une exception pour ce soir, sa mère étant de retour chez elles, elle peut s'absenter sans s'inquiéter de la garde de ses sœurs. En vérité, ses obligations familiales et son cursus scolaire servent de couverture à son désintérêt ; contrairement à ses amis fêtards, elle se sent relativement en inadéquation avec le monde de la nuit. Encouragée à tout de même lui accorder une chance, Brooklyne a fini par céder.

- En fait Adam, comment toi, tu vas t'habiller, demande Cassiopée en arrangeant la robe qu'a essayé son amie.

- Je veux garder mon ensemble noir pour la photo de classe de demain. Mais au vu du thème full black de ce soir, je porterai ma chemise en satin. Bon, elle est bleu indigo...

- T'en fais pas, personne ne verra la différence. Est-ce que je passe te récupérer ?

- J'aurais adoré faire mon entrée à vos bras les filles, mais mon père peut m'emmener. D'ailleurs, il est rentré, il va falloir que je raccroche. Et en toute honnêteté, j'aimerais arriver là-bas sans créer d'accident, et, à l'heure...

- Je vais délibérément ignorer les critiques sur ma conduite, et je vais finir de préparer Brooke, parce qu'on compte aussi y être parfaitement à l'heure ! riposte-t-elle, en pelotant la poitrine de Brooklyne pour déterminer les retouches à faire.

De ses mains aventureuses et d'un œil professionnel, Cassiopée fronce les sourcils en tâtant le corps de son amie - qui, en plus d'être mal à l'aise pour cette tenue qu'elle n'a pas l'habitude portée, l'est maintenant pour cette proximité envahissante.

- Mais c'est dingue, où sont passés tes seins, s'étonne-t-elle, perplexe.

- Sûrement quelque part avec ton sens de l'espace personnelle, fait-elle remarquer quand la mère de cette première pénètre dans la chambre, et trouve les deux copines ainsi positionnées.

- Je savais que vous étiez de l'autre bord, plaisante Marjolaine, en constat des paumes de sa fille, maladroitement posée sur son amie.

Toujours le mot pour rire, Marjolaine Léonard, quarantenaire actuelle et mère célibataire, est la parfaite copie de sa fille, ou préférablement, sa fille est une parfaite copie d'elle. Toutes deux sont spontanées, pour le moins non-conventionnelles, extrêmement bienveillantes envers Brooklyne, et dans le cas présent, elles sont de très bonnes instructrices. Malgré le fantasque état de la chambre de sa fille, où se multiplient les tenues sur le sol, la mère ne se soucie que d'apporter son aide à Brooklyne, en détresse vestimentaire.

- Je crois que je vais opter pour le jean, la robe est un peu courte pour moi...

- Tu trouves ? C'est la plus longue que j'ai ! Elle te va même mieux qu'à moi.

- Cassie chérie, je pense que tu devrais laisser Brooke porter ce dans quoi elle se sent à l'aise. Soit dit en passant, elle a raison, Brooklyne, tu étais très jolie dedans. Avant que j'oublie ce pauvre garçon, il y a un jeunot devant ta voiture Cassie.