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You're my stranger in the dark
Tu es mon étrangère dans le noirI am lonely, lonely heart
Je suis un cœur solitaire, un cœur solitairestranger – TOVE LO
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— Merci d'être venu, Hush.
Et elle referme la porte derrière lui.
Elle se retourne contre le battant pour s'y appuyer dans un soupir que je n'arrive pas à interpréter. Depuis là où je me tiens, clouée sur le canapé sous un plaid touffu, je dirais que c'est de la fatigue. Il est bientôt trois heures du matin et elle est toujours debout, après une aussi longue journée ça doit couler de source... Ses yeux sont soulignés de cernes creuses, et son teint pâli d'heure en heure.
Elle se masse les tempes quand elle entend le son de la bouilloire, dans la cuisine. Elle y va aussitôt pour servir une tasse de thé fumante. La seconde qui suit, elle vient me l'apporter sans un mot.Je la suis du regard tout du long. Elle traîne des pieds, son corps est lent... Mais son esprit, lui, à l'air en parfaite ébullition. Ses yeux n'arrêtent pas de changer de point d'ancrage, passant d'un objet à l'autre sans connexions évidentes.
Elle vient s'assoir sur la table basse, en face de moi, dans un dernier soupir. Elle me colle la tasse de thé dans les mains, et d'un signe de tête, m'intime de le boire avant qu'il ne refroidisse.Depuis qu'on est rentré, Rae, le légendaire moulin à paroles, n'a pas dit un mot. Elle a pris soin de moi, épaulées par Hush, jusqu'à ce qu'il doive s'en aller, après s'être assuré que tout irait bien. Le regard bas, la tête ailleurs, elle s'est contentée de glisser dans l'espace comme un nuage silencieux.
Je rabats mes genoux contre ma poitrine.
En y réfléchissant bien, je ne sais pas si je préfère qu'elle se taise, ou qu'elle me harcèle de question sur ce soir comme elle pourrait légitimement le faire.
Peut-être que le silence vaut mieux...
Je trempe mes lèvres dans mon thé pour un boire une gorgée. La chaleur que ça me procure apaise immédiatement mes tripes en vrac sous mes abdos réduits en bouillie. Je laisse me corps se détendre sous son influence en m'enfonçant dans les coussins du canapé.
Un nouveau silence s'ensuit.Je crois que depuis mon combat désastreux, il y a trois ans, le monde n'a jamais été aussi silencieux que depuis ces quelques heures. Les bruits se sont apaisés derrière les doutes et les tensions qui planent de part et d'autre de ma tête, casquant tout ce qui pourrait interférer avec. Mes écouteurs n'ont pas quitté mon sac, et ma musique doit se rouiller à force d'être laissée au placard.
J'attrape le bloc-notes que Rae m'a laissé plus tôt dans la soirée, et gribouille dessus avant de lui montrer :
Tu peux me passer mon téléphone et mes écouteurs, s'il-te-plaît ?
Sans discuter, elle se lève comme un automate et va chercher ce que je lui demande dans mon sac. Elle revient avec à peine quelques secondes plus tard, se rassoit à sa place, et me tend mon bien.
Je m'en saisis pour chercher une chanson qui dérouillerait mes playlists. L'une d'entre elle me fait de l'œil : je l'enclenche. Je visse un écouteur dans mon oreille... Puis je lève les yeux vers Rae.
Elle s'inquiète encore. Je le vois dans ses yeux, comme ça a pu être le cas à l'infirmerie de la cage. J'ai essayé un sourire rassurant plus d'une fois, sans succès.
Je soupire.
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Le monstre c'était toi
Non-FictionNous avons tous un monstre à l'intérieur de nous. Et nous sommes tous responsables de ce qu'il fait quand on le laisse sortir. Je pensais que le mien avait un regard noisette, un sourire bienveillant, et des dents de requins autour du cou... Mais p...