Chapitre 34

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If I was dying on my knees
Si je mourrais à genoux

You would be the one to rescue me
Tu serais celui qui me porterait secours

Brother – KODALINE

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              On est là, Ley. Ton frère et moi, on va prendre soin de toi.

Tout me ramène à ces dix mots. Incessamment.

Ton frère et moi, on va prendre soin de toi.

S'ils pouvaient être gravé sur ma peau, la brûlure du fer me ferait déjà hurler à la mort. J'ai l'impression de les sentir partout sur moi, comme le contact d'Hush, qui me tient fermement contre lui. Ses muscles se sont tendus d'une telle façon que je me sens prisonnière de sa puissante prise. Pourtant, il ne m'arrête pas quand je me tourne pour lui faire face. Comme pétrifié, il se contente d'observer le moindre geste que j'esquisse. Il fait attention à mes mains agrippées à son tee-shirt, à mon cœur qui bat la chamade, à mon souffle bloqué dans ma poitrine.

N'oublie pas de respirer.

C'est la première fois depuis des jours que je reprends mon souffle sans que l'instinct de survie merdique de l'être humain ne m'y pousse. J'inspire, sincèrement, une goulée d'air bienvenue dans mes poumons. Déshabitué de tant d'oxygène, des étoiles viennent briller dans mon champ de vision. Malgré elles, je parviens à discerner chaque détail que je veux déceler dans son regard. J'ai pris l'habitude de découvrir un regard gris dans mon reflet, terni par le mal du monde, attristé par la dureté de la vie. Mais je me souviens encore du turquoise qu'ils ont connu, dans mes jeunes années. Je me souviens des paillettes bleues qui brillaient à l'intérieur, quand j'étais gamine. Et je me rends alors seulement compte que je les vois dans les siens également.

J'ai toujours trouvé ses yeux tellement beaux... Pourquoi je n'ai jamais remarqué que l'enfant que j'ai connu à travers moi possédait les mêmes ?

On avait les mêmes yeux.

Les étoiles prennent bientôt toute la place dans mon champ de vision. J'ai le temps de baisser les yeux vers mon poignet sanguinolant avant de perdre conscience sous les cris alarmés de Rae.

Cette fois, alors que je glisse vers l'inconscience, je me concentre sur cette seule pensée :

N'oublie pas de respirer. Comme si ta vie en dépendait.

Parce que cette fois, je le sais : ça compte.

***

Rae me tient la main. Encore. Elle ne me lâche plus, et je doute qu'elle le fasse de sitôt après le coup que je lui ai fait. Je la cite « tu peux toujours courir pour que je te lâche des yeux une seule seconde ». Du Rae tout craché.
Je n'ai rien dit. Je me suis contenter d'opiner machinalement, et de la laisser me prendre la main. J'ai senti qu'elle en avait cruellement besoin ; de se sentir proche de moi, de me sentir proche d'elle. Elle a attrapé ma paume endolorie par l'énorme bandage que les infirmières m'ont fait après avoir refermé ma plaie. Je ne lui ai pas dit que j'avais mal. Je me suis contentée de lui offrir un sourire en lequel elle n'a pas cru. Mais elle n'a pas bataillé longtemps face à mes airs qui lui disaient que tout irait bien : elle était tellement fatiguée qu'après s'être posée trois minutes, elle est tombée comme une masse. Les journées se font longues depuis quelques temps... Et elle trouve très peu de repos au milieu de tout ça. Même quand elle se laisse aller aux bras de Morphée, je la sens tendue et sur la défensive. Là encore, elle semble agitée.
Je voudrais lui caresser les cheveux pour l'apaiser. Mais ma main droite est bloquée sous sa joue, et l'autre est fermement attachée à la rambarde du lit. Je reluque cette menotte d'un air mauvais, avant de reporter mon attention sur Hush, assis à mon chevet.

Le monstre c'était toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant