Chapitre 41

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Setting fire to our insides for fun
Mettre le feu à nos intérieurs pour s'amuser

To distract our hearts from ever missing them
Et distraire nos coeurs pour qu'ils ne nous manquent jamais

But I'm forever missing him
Mais il me manquera toujours

And you caused it
Et c'est ta faute

Youth – DAUGHTER

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               Les lumières sont encore plus éclatantes au moment où les battants du bâtiment s'ouvrent pour nous laisser passer. Je dois plisser les yeux en discernant la brillance du rouge et du bleu qui clignote contre mon visage en une caresse presque douce. Les sirènes ont cessé, mais le brouhaha des policiers s'étend jusqu'à l'autre bout du parking. Ils sont une bonne dizaine à se tenir ici, réunis par divers cercles dispersés çà et là. Ils parlent tous très fort, pourtant je ne comprends rien de ce qu'ils disent. Le bourdonnement de mes oreilles me guette encore ; ne semblant pas vouloir me lâcher.

Mon regard divague. Je connais ce parking, pourtant, il ne m'a jamais paru aussi étranger. Toutes ces voitures colorées, alors qu'il n'y a d'habitude que des caisses de riches ou des poubelles sur roues, tous ces costumes bleus qui contrastent avec les tenues noires dont j'ai l'habitude... Tommy, que je ne vois jamais qu'autour de la cage, et qui est pourtant là, au milieu du parking. Il me regarde alors qu'un policier pousse sur sa tête pour le forcer à monter dans la voiture.

Je le fixe, et soudainement, je le sens dans mon cœur : cette sensation dure et cruelle du dernier « au revoir ». Je vois les policiers embarquer Tommy, avec la certitude qu'il ne verra plus le ciel pendant de très nombreuses années. Et je comprends que c'est notre dernier « au revoir ». Ma gorge se serre pendant l'espace d'un instant, pas pour le requin qu'on escorte loin de ce parking, mais pour le garçon gentil et sensible qui me prenait dans ses bras quand ça n'allait pas, qui m'embrassait pour me dire bonjour, et qui n'a jamais, jamais, levé la main sur moi. Je garde en mémoire, dans un étrange frisson, le corps dont il a pris soin. Et alors que le requin est emporté par les flots, je reste enfin, saine et sauve, sur le bord du rivage. Je regarde la voiture s'éloigner, l'aileron disparaître sous la surface ; et moi, dans le sable... En un seul morceau.
Le requin n'est pas si terrifiant, en fin de compte.

Et il ne te fera plus jamais de mal.

Je pensais que ce serait cette petite voix dans ma tête qui emporterait les bourdonnements de mes tympans au loin. Mais ce sont des crissements de pneus qui finissent par percer mon état auditif dans une petite grimace. Une voiture vient piler sur le parking, et avant même qu'elle se soit arrêtée, une furie sort du côté passager pour traverser la barrière de policiers. Ils n'arrivent pas à l'arrêter ; ils n'essayent même pas quand ils l'entendent leur sommer de ne pas l'en empêcher.

La silhouette vient se jeter contre moi. Je sens ses bras s'enrouler autour de mes épaules alors que, poster sur mes deux côtés, les hommes qui m'escortent se mettent à râler. L'ombre semble n'en avoir rien à foutre.

Et moi non plus.

Si je me suis demandée ce qu'elle pouvait bien fabriquer ici, cette pensée ne m'effleure qu'une seconde. Le réconfort qui s'empare de moi au moment où elle resserre sa prise chasse toutes les questions que je pourrais me poser. Et à ce moment-là, il ne reste que la paix ; cette tranquillité qui s'est faite si rare dans mon cœur. C'est comme si plus rien n'existait... Ni les policiers, ni la cage, ni le parking, ni les menottes qui entravent mes poignets.

Le monstre c'était toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant