Chapitre 14

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Because they say home is where your heart is set in stone
Parce qu'ils dissent que la maison, c'est où ton cœur est gravé dans la pierre

It's where you go when you're alone
C'est où tu vas quand tu es seule

Home – GABRIELLE APLIN

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               J'attrape la bouteille d'eau que Rae me tend, et englouti plusieurs gorgées d'une traite.

Je ne pensais pas qu'une bataille d'oreillers puisse épuiser autant. A vrai dire, j'avais même oublié à quel point c'était sportif. Cette seule pensée, ridicule puisque je peux passer des heures sur un ring à me battre réellement avec mes poings, m'arrache un faible sourire. Bien trop dans une seule journée. L'habitude s'était perdue dans le temps, et dans le sang. Encore un sourire et les muscles de mes joues me font souffrir.

C'est fou comme un sourire peut mettre des semaines à revenir, et t'être arraché en une fraction de seconde.

Je reprends mon air taciturne à cette pensée.

— J'ai presque cru que tu allais faire un AVC, tellement tu souriais.

Je lance un regard noir à Rae.

Sale gosse.

— Me regarde pas comme ça, c'est que je n'ai pas l'habitude, moi, se moque-t-elle en levant les mains innocemment.

Mmh... Ok, un à zéro, revanche au prochain round.

Une odeur amère vient me sortir de mes idées de vengeance. Je me tourne immédiatement vers Rae, qui s'est allumé un joint sous mon regard surpris.

— C'est bon pour la santé, je te jure !

Elle manque de s'étouffer avec la fin de sa phrase.

— La santé mentale, hein, complète-t-elle finalement en inspirant une taffe.

Je secoue la tête en pouffant distraitement.
Toutes deux assises sur le trottoir, devant la salle de boxe, je délaisse les répliques « si drôles » de Rae pour profiter des derniers rayons du soleil.

Je ferme les yeux pour me délecter de cette sensation. Celle de me dire que malgré les nuages noirs, le soleil se cache toujours derrière. Et qu'il me donne encore le droit de le sentir, pendant de brèves secondes... Qu'il me donne encore le droit d'avoir mon côté brillant.

J'aimerais rester là pour l'éternité : avec mon amie, une musique tranquille passant dans mes oreilles. Je ressens ce moment comme quelque chose de doux, aussi doux que la surface de l'eau, aussi doux que la liberté de voler.
Puis cette seconde est interrompue par la voix soudainement préoccupée de mon amie :

— Qu'est-ce qui se passe, Ley ?

Encore cette même éternelle question. Qu'est-ce que je suis censée répondre ?

Le monde des Bisounours est bien fade à côté du mien ; franchement, c'est l'éclate.

Ça passerait presque, non ?

Un requin me dévore tous les jours depuis trois ans... D'ailleurs, je cherche toujours où il a mis tous les morceaux, tu voudrais m'aider à les chercher ?

J'ose regarder Rae dans les yeux.

Depuis le temps, j'ai appris qu'on ne connait jamais vraiment les gens. Ils trouvent toujours une façon de nous surprendre, dans le bon, ou dans le mauvais sens du terme. Je me demande comment elle serait susceptible de me surprendre. Jusque-là, ça n'a toujours été que positif. Mais ne serait-elle pas capable de fuir si je lui expliquais ? Si je lui parlais ?

Le monstre c'était toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant