Chapitre 33

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There's still time
Il y a encore du temps

Listen to me, child
Ecoute-moi, gamine

You're alive
Tu es vivante

Coming up for Air – SIGNALS IN SMOKE

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Hush

Rae essaye de faire les cents pas entre son lit et la fenêtre, mais son corps encore endolori ne lui rend pas la chose facile. Je la regarde faire, affalé dans le même fauteuil en cuir que je dois connaître encore mieux que mon lit, maintenant. J'ai bien essayé de la calmer, mais je crois que j'ai trop cru en moi sur ce coup-là ; cette fille est inarrêtable.
Je change encore de position, ce qui provoque son agacement.

— Tu vois, toi aussi tu ne peux pas tenir en place, alors arrête de te foutre de moi.

Je lève les mains en signe d'innocence. Elle est trop sur les nerfs pour que j'argumente quoi que ce soit.
Comme à ma grande habitude, je reste muet, et me contente de l'observer en tentant de ne pas me laisser gagner par sa nervosité.

Ma jambe ne semble pas de mon avis, puisqu'elle se met à trembler. Rae le remarque et se moque discrètement de moi. Je croise les bras sur ma poitrine en signe de mécontentement, ce qui termine de l'apaiser dans un rire sincère. Elle s'assoit sur le bord de son lit dans un soupir.
Nous restons dans ce silence pendant approximativement trois secondes et demi avant qu'elle ne dise :

— Tu crois qu'elle va bien ?

Elle a tellement d'espoir dans la voix. J'essaye de ne pas la regarder de trop pour ne pas qu'elle voit ce que j'ai dans la tête. A savoir que non, elle ne va pas bien. Je l'ai vu dans ces yeux ; cette lueur sombre, presque abyssale. Je l'avais déjà vu avant : dans le mien, cette nuit-là. Celle où j'ai tué ce pauvre gamin. J'ai vu cette lueur dans mon miroir au moment où je me demandais si je pouvais avaler ces vingt somnifères.

Tu étais morte.

C'est ce que je lui ai dit.

Je sais.

C'est ce qu'elle m'a répondu. Elle le savait. Et elle n'était pas heureuse que cette force invisible l'ait ramenée. Elle savait qu'elle était morte, et je l'ai vu dans ses yeux : elle voulait le rester.

Cette prise de conscience a détruit mon âme. J'ai senti un morceau de mon cœur s'effriter avec une telle force que j'ai voulu grogner de douleur. Et je sens que c'est en train de détruire Rae aussi. Parce qu'à travers mon silence, à travers mon évitement, elle est en train de comprendre à son tour.

Je peux voir son regard émeraude se ternir. Comme un voile mortel qui vient se placer sur son âme.
Je retiens un soupir en me levant pour aller m'assoir à ses côtés. Elle pose presque immédiatement la tête sur mon épaule, comme si elle se soulageait du poids de son crâne. Tout à l'air tellement lourd pour elle, tout à coup. Elle est sur le point de me peser au moment où, brutalement, elle se redresse comme si le Diable était entré dans la pièce. Pris d'un sursaut, je m'accroche au lit en la regardant se lever comme une furie pour me faire face, l'oreille tendue, le visage tordu par une étrange grimace.

— T'as entendu ça ?

J'ai l'impression qu'elle tient cette phrase sur le bout de ses lèvres, comme pour laisser entièrement la place à ce qu'elle est en train d'entendre. De mon côté, je m'apprête à la fusiller du regard.

Le monstre c'était toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant