Chapitre 3

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Une semaine s'est écoulée depuis ma rencontre avec le dragon. Je lui apporte tous les jours à manger et j'ai même pu soigner sa patte. Il me laisse le toucher et je n'ai plus peur de lui. En ce moment même, je suis assise contre son flan alors qu'il déguste un chevreuil.

-J'aimerais bien en savoir plus sur toi, lui dis-je. Par exemple, quel est ton niveau de rareté.

Les dragons de Dragonslay sont répartis en quatre catégories, de la moins rare à la plus rare. Je ne les connais pas, je ne sais pas grand chose des dragons. Je sais juste que le symbole sur leur front sert à identifier leur type. Je sais aussi que pour le grand concours, pour participer il faut un dragon, et ensuite, plus ton dragon est rare, plus tu es bien entraîné, bien logé, bien nourris et tu as un bon mentor. Bob, c'est le nom que j'ai donné au dragon, se tourne vers moi. Il a finit son chevreuil et me regarde attentivement. On dirait qu'il veut me dire quelque chose.

-Désolée mon beau, mais je ne suis pas télépathe.

Je me lève en soupirant. Si je veux des réponses à mes questions, il faut que j'aille en ville. Je fais un dernier au revoir à Bob et pars vers l'orphelinat. Les armes ne sont pas autorisées dans les villages et villes, aussi je pose mon arc et mon carquois rempli de flèches et vais prévenir Marie.

-Je reviendrai avant la tombée de la nuit, lui dis-je alors que je pars en courant.

-D'accord ! Fais attention !

Je traverse la forêt à toute allure. Quand j'arrive dans le village le plus près dix minutes plus tard, je suis un peu essoufflée. Je suis devenue très endurante et assez rapide à force de chasser. Je m'assois par terre quelques secondes pour reprendre des forces. J'observe le village. Je ne viens pas très souvent ici. Il est minuscule, pas plus de trente habitants. Je me relève et cherche des personnes pouvant me renseigner. Tous me conseillent de chercher dans un livre. Mais il n'y a pas de librairie ici. Je pousse un grognement de mécontentement. Je vais devoir aller plus loin pour chercher une ville plus riche. Je marche jusqu'à un homme qui loue des calèches.

-Bonjour ! je dis. Est-ce que je peux vous emprunter une calèche ?

-Cela fera 10 dregs, me répond l'homme.

Mince ! Je n'ai pas d'argent !

-Je... Euh... Je reviens dans... Euh.... Deux minutes ! je bredouille.

Et je pars en courant. Comment vais-je faire pour louer cette calèche ? Avec un peu de chance je pourrais... Je m'arrête de courir. Un homme vient de voler la bourse de quelqu'un. Je m'apprête à le prévenir quand une idée me vient à l'esprit. Je n'aurais jamais osé voler un pauvre innocent. Mais un voleur... Je le suis d'un pas nonchalant. Il ne me remarque pas et j'arrive à me rapprocher très rapidement. Je tend la main et passe mes doigts dans sa poche. Ce n'est pas tâche facile ! Heureusement, j'arrive à attraper le cordon de la bourse et la tirer hors de sa sacoche. Le voleur n'a rien vu et continue de marcher. Je fais demi-tour tout en comptant les sous que j'ai récolté. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9... Je cherche au fond du sac mais c'est tout. Zut ! Il me manque un dreg ! J'arrive vers le loueur de charrettes.

-Désolée, il m'en manque un, dis-je alors que l'homme compte mes sous. Est-ce que ça suffira ?

Il me regarde un instant et je lui fais un regard suppliant. Il finit par soupirer et ouvre la porte de son transport.

-C'est d'accord pour cette fois.

Un sifflement strident s'échappe de ses lèvres. Un jeune garçon couvert de poussière vient vers nous.

-Gaëtan est un de mes cochers. Il va vous emmener à...

Il me regarde, attendant visiblement une réponse.

-Slay, je réponds.

Slay est une très grande ville marchande à trente minutes en calèche d'ici. Et c'est aussi la capitale.

Le prénommé Gaëtan monta à l'avant, attrapa les rênes dirigeant les deux chevaux et se tourna vers moi.

-Prête ?

Je hoche la tête, sûre de moi.

-Alors c'est partit !

Et les chevaux démarrèrent aussitôt. Je regarde le paysage d'un oeil distrait. Est-ce que je vais trouver ce que je cherche ? Je l'espère. Nous arrivons rapidement à Slay et je descends en sautant de mon taxi.

-Je t'attends là pour le retour, me dit Gaëtan. Si tu n'es pas ici dans trois heures, je pars sans toi.

Je hoche la tête et m'éloigne. Les rues pavées sont bondées et les boutiques aussi. Mais aucunes ne semblent avoir ce que je cherche. Je finis par tomber devant une librairie. Elle s'appelle "Dans l'antre du dragon". Si ce n'est pas ça... Je pousse la porte de la boutique. Les étages sont poussiéreuses tout comme les bibelots posés dessus. Je m'avance vers le comptoir. Un vieil homme relève la tête et me regarde fixement de ses yeux verts pomme pétillants de sagesse. Il a de longs cheveux blancs et la peau toute ridée.

-Que puis-je faire pour toi petite ? demande-t-il.

-J'aimerais un livre sur les dragons.

-Tu as de la chance, c'est le dernier, dit-il en se baissant.

Il sortit de sous son comptoir un gros bouquin de la taille d'un dictionnaire. La couverture de couleur rouge sang a une silhouette de dragon en son centre. Le titre "Les dragons" figure en dessous.

-Il regroupe tout ce qu'il y a à savoir sur les dragons. C'est un exemplaire rare. Il coûte cinq-cents dregs. Mais vu que tu es une enfant, je te le fais pour cents dregs.

Je manque de m'étouffer en entendant le prix.

-Vous plaisantez ? je m'égosille.

-Malheureusement non. Les temps sont durs en ce moment. J'ai à peine de quoi me nourrir.

Je vois dans son regard qu'il dit la vérité. Je commence à perdre espoir quand une idée germa dans mon esprit.

-Je comprend, dis-je. Mettez le livre de côté, je reviens très bientôt.

Je sors, le regard interrogateur du libraire posé sur moi. Je me dirige à toute vitesse vers un artisan.

-Qu'est-ce que tu veux la p'tite ? me demande-t-il.

-Auriez-vous des ciseaux ?

-Tiens, mais rends-les moi avant c'soir.

Je hoche la tête et repars. En cherchant un coin tranquille où je ne serais pas dérangée, je tombe sur une ruelle où un miroir git sur le sol. Je le ramasse et le mets contre le mur d'une maison. Dans notre pays, les cheveux coûtent une fortune. Les enseignantes refusent que nous nous les coupions pour de la nourriture, qu'elles pouvaient s'en sortir sans. En me les coupant pour acheter un livre, je ne leur désobéi pas. Je regarde mon reflet. Je suis maigre mais plutôt grande. Mes cheveux couleur caramel sont emmêlés et me descendent jusqu'aux fesses et mes yeux vert émeraude sont cernés. J'ai les traits fins et un petit nez. Mes bras et mes jambes sont passablement musclés.

Je glisse mes doigts dans les trous des ciseaux et commence à couper ma chevelure. Mes mèches caramel tombent une à une au sol jusqu'à ce qu'elles soient toutes au niveau de mes épaules. Je ramasse mes cheveux. Je ne suis pas triste. Ma chevelure me gêne quand je chasse.

Je ramène les ciseaux à l'artisan et retourne "Dans l'antre du dragon". Le vieil homme ouvre de grands yeux en me voyant entrer, mais ne pipe mot. Je lui tend mes cheveux.

-Je pense que ça suffira, dis-je.

Il me regarde, incrédule.

-C'est trop ! s'écrit-il.

-Gardez-les, je souris, vous en avez besoin.

Il me fait un sourire reconnaissant et me tend le livre sur les dragons. Je sors alors que ses yeux brillent de bonheur. Tout comme les miens.

Dragonslay   -Tome 1 : Le grand concours- EN PAUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant