Je dois vraiment porter... ca ?!

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Chapitre 6 :Je dois vraiment porter... ça?!

Je n'y croyais plus. Et du même coup, le stress monte d'un cran.
Ok, c'est organisé mais du coup... de quoi s'agit-il ?

Ce que je redoutais se produit : Fred n'a pas la moindre intention de me dire quoi que ce soit à part la tenue que je dois porter.

J'oscille entre la version « c'est terrible, c'est affreux » de Timon et l'enthousiasme de la jeune Charlotte quand le prince Naveen débarque dans La princesse et la grenouille (comment ça, tu n'a pas la référence ?! C'est honteux!).

Et ce que j'appréhende encore plus, c'est la tenue.

Il se trouve que nous avons peu de divergences avec Fred. En revanche, il est un point sur lequel on ne s'accorde pas du tout : la mode féminine. Je trouve son goût catastrophique. Fort heureusement, il a quand même l'air d'apprécier les tenues que je propose quand on sort, mais l'inverse ne se produit quasiment jamais.

J'aimerais dire que la vapeur s'est inversée quand il a sorti ma tenue pour l'événement, mais encore une fois notre désaccord profond s'est exprimé clairement.

Je me retrouve face à cette ignominie en main, et la seule chose qui s'échappe de ma bouche est un juron indigne du milieu bourgeois dans lequel j'ai évolué.
Pourquoi ? Parce que mon diable de mari me fait un incroyable affront.

Je tends à bout de bras cette hérésie et lui lance un regard noir auquel il ose encore répondre par un sourire malin.
Je vais l'écharper. Je n'ai pas le choix. Demain, la rubrique faits divers comportera un article spécial : « elle dézingue son mari à cause d'un vêtement offert pour la saint Valentin ».
Pierre Belmarre racontera mon histoire en m'affublant sans doute du surnom « la tueuse fashionista ».

Je n'ai que deux mots : PAILLETTES DOREES.
Une mini robe à paillettes dorées. Je vais ressembler à une grosse boule à facette des années 90.

Que dois-je faire ? Exploser de fureur ? Lui dire à quel point ce n'était pourtant pas bien compliqué de partir sur une tenue simple mais classe, par exemple noire, en se permettant la fantaisie d'une ou deux paillettes qui traînent ?

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Visiblement non, ça ne lui a pas effleuré l'esprit que personne n'a envie de toucher une robe à paillettes parce que c'est moche, ça gratte, ça pique, et je suis sûre que si ça pouvait être issu d'un animal, ça puerait la mort !

Fred rit maintenant à gorge déployée, et je commence malgré moi à rire aussi. Je vais donc devoir commencer cette fameuse soirée en prenant sur moi et en maîtrisant ma dysmorphophobie.

Pour ceux qui ne savent pas, je me vois dans le miroir avec un corps affreux que je ne reconnais pas et que je n'arrive pas à identifier comme étant le mien. Peu importe les vêtements, même l'absence de ceux-ci (c'est pire).Tout ce qui dissimule ce corps est le bienvenu.
La nudité est devenue tolérable avec Fred parce que je m'en remets à son jugement en faisant abstraction du mien, mais la plupart du temps, c'est mon impression qui dicte mes choix. Ces impressions se manifestent souvent par crises ; pendant certaines périodes il m'est possible d'ignorer mon ressenti, et pendant d'autres périodes, rien ne va plus et je me cache. Je pourrais pleurer devant un miroir si j'y restais à me regarder.

Et parce que je m'en remets au jugement de Fred quand je décide de lâcher prise, je décide que je vais porter cette chose grotesque.
Beaucoup de mes choix vestimentaires plus osés ont été réalisés grâce à cette confiance aveugle dans le regard de celui qui , même en pilou, avec un rhume et des chaussons lama, me trouve chaque jour belle et désirable.

Je décrète donc de ne plus me focaliser sur mon propre regard, mais sur le sien. Ça a l'air si simple que je pense que tu n'as pas compris pourquoi j'en ai fait un aparté.

Dans un livre, j'ai lu une fois : la vie est simple. C'est ma façon très personnelle de l'appliquer. Je n'ai pas le choix sur le regard que je m'inflige ; mais avec le temps, j'ai compris que j'avais le choix quant à celui dont je voulais tenir compte.

Alors, avec toute l'abnégation obtenue par toutes ces années de pratique, j'attrape ce torchon hideux et je me réfugie dans la salle de bain.

Confessions Libertines: Valentine Puissance 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant