7- Ne pleure pas

15 1 0
                                    


Kilian 19h52
Lundi 2 Septembre

Les visites se terminent bientôt. De toute évidence, le temps que je me rende à l'hôpital, le service accessible aux visiteurs aura eu le temps de fermer.
Heureusement je peux compter sur la gentillesse des infirmières qui m'ont pris sous leurs ailes très tôt.

Après que ma mère a été admise à l'hôpital, je dois avouer que le personnel médical a eu de la pitié pour moi, ce qui semble logique, après tout je n'étais qu'un enfant complètement dépassé devant faire face à une maladie rarement guérissable.

Ils m'ont donc autorisé plus d'une fois à rendre un petit salut à ma mère après l'heure des visites. Ils ont accepté de contourner le règlement car ils ont eu pitié d'un gamin qui allait perdre sa mère. Depuis trois ans.

Ce n'est peut-être pas grand-chose à l'échelle mondiale mais je vous assure que pouvoir passer du temps avec sa mère, pouvoir la toucher, lui prendre sa main, la voir se reposer dans ce lit couvert de draps aussi blancs que de la neige fraîche, voir cet ange apaisé dans un silence profond et tendre avec seulement les bips des battements de son cœur est un véritable don du ciel.

Bien que la maladie ait frappé ma mère, ma luciole n'a pas perdu une once de sa beauté. Bien qu'elle fût touchée par la fatigue et les métastases du cancer, bien qu'elle ait perdu ses cheveux et son sourire de jeune fille, elle n'a pas perdu une once de l'énergie agréable et apaisante qui se dégage de son corps de femme forte.

Au début ça n'a pas été compliqué de faire semblant comme si la maladie n'existait pas et que ce n'était qu'une affreuse farce mais son soudain changement d'alimentation, ses quintes de toux fréquentes, ses sautes d'humeur, la douleur qu'elle pouvait ressentir par vague, tous les symptômes les moins agréables de cette foutue tumeur nous empêchait de garder espoir, de faire semblant.

Je suivais donc mon instinct en quête de ce bâtiment où séjournait ma mère. Le soleil s'était couché et avait laissé place à une belle lune gibbeuse. A mesure que j'avançais, j'entendais des aboiements de chiens au loin et des vrombissements de voitures dans les quartiers à côté. Ce qui est drôle, c'est que bien que la vie s'activait autour de moi, j'avais cette impression étrange qu'il n'y avait seulement moi et le bruit résonnant de mes pas sur le sol bitumeux. Je me sentis vide et remplis, comme si j'étais habité par une présence dérangeante mais à laquelle je pouvais faire confiance pour me laisser une zone de paix.

J'avais enroulé mes bras autour de mon petit corps pour essayer de contenir la chaleur qui sortait de ma peau. Mes doigts puaient la bière et mes fringues devaient sentir la clope que les dealers fumaient tout près de moi. Il faisait froid et lourd, j'avais juste le bout des doigts frigorifiés et les articulations crispées.

Soudain une sirène d'ambulance s'alarma à ma droite. Je pivotais la tête mais la sirène provenait en réalité de la rue derrière les maisons multicolores plantées à mes côtés.

Je pressais le pas comme si ça pouvait changer quelque chose à mon retard et je commençais à voir des édifices constituant l'hôpital.

Je vis en premier le service de rééducation qui était un grand bâtiment bleu et blanc sans étage avec de nombreuses vitres qui ne reflétaient rien en vue de l'heure et de la faible luminosité des lampadaires.

Puis se dressa face à moi le service de rhumatologie et les urgences ainsi que quelques blocs opératoires et chambres de repos. La bâtisse qui portait ses services était beaucoup plus grande que celui de rééducation et de nombre portes pouvait laisser entrer les véhicules de secours. Les patients ainsi que les visiteurs n'étaient pas autorisés à entrer ou à sortir par ces portes, ils devaient passer par une rampe plus à gauche, sans risquer de se faire écraser ou de gêner les ambulanciers.

Comment dire « te quiero » ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant