𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋 | Acte II : 𝓕𝓮𝓪𝓻𝓵𝓮𝓼𝓼

Chapitre 2 : Nostalgie

Ils avaient passé la nuit entière à cheval, traversant les vallées pour atteindre la forteresse où se déroulait un combat sans merci. Celle qui se faisait appeler Christa, avec sa douce chevelure blonde et son regard angélique, se battait elle aussi, aux côtés de ses camardes pour lutter contre ces titans.

Ils envahissaient les ruines de toutes parts, pénétrant par les fenêtres, les portes et escaladant les briques qui cédaient sous leurs poids. La situation semblait peine perdue, et tandis que la bataille faisait rage, elle de son côté, ne pouvait s'empêcher de penser qu'à une seule chose.

Lui, leur baiser et cette douce nuit semblant si lointaine, étaient les seules choses lui revenant en mémoire, alors que tout son corps était secoué par le galop de sa monture. Ils devaient tous aller les aider, et elle s'en voulait de ne penser qu'à son caporal alors qu'une mission de la plus haute importance leur avait été confié. Mais c'était bien plus fort que sa volonté.

Alors que l'aube semblait là, et qu'un nouveau jour se levait, elle réalisa qu'ils avaient tout deux manqué à leur rendez-vous. Mais d'un mouvement de tête, elle se ressaisit soudain, ne voulant plus penser à de telles choses alors que ses amis étaient aux portes de la mort.

Elle pensa alors à Nanaba, cette jeune femme aux cheveux courts et blonds qu'elle avait très vite considéré comme une amie, tant elles avaient pu être complices.

« Mon dieu, faîtes qu'elle aille bien... Faîtes qu'ils aillent tous bien ! Je vous en prie ! » Se dit la soldate rousse, presque naïvement, alors qu'ils approchaient du lieu de massacre.

Mais pendant leur chevauchée, un souvenir ressurgit dans l'esprit de la subordonnée, comme pour lui rappeler combien cette jeune femme comptait pour elle.

C'était une douce matinée de Novembre, l'année dernière, quand un de leur jour de congé commun les avait grandement rapproché.

Elle avait revêtue sa longue jupe brune, et son humble chemise blanche pour aller faire quelques courses. Elle avait pris le panier d'osier sur son bras, et sur ses épaules flottait un châle de laine pour la couvrir du vent.

Mais soudain, ayant dévalé les escaliers d'un air chamboulé, la grande blonde tomba sur Petra faiblement, comme si ses jambes athlétiques et tremblantes ne la soutenaient plus.

-Nanaba ?! Est-ce que tout va bien ? Lui demanda la rousse, inquiète de la trouver dans un tel état.

Elle fuyait inconsciemment son regard, mais plongea aussitôt ses orbes bleues dans les siennes. Elle arborait un air incroyablement sérieux et à la fois si paniqué, ce qui fît remettre à plus tard la corvée de Petra.

-Je ne sais pas Petra ! Je crois que j'ai bien besoin de tes conseils si tu veux bien m'aider. Déclara-t-elle à voix basse avec une expression soucieuse et songeuse.

Elle lui posa affectueusement sa main sur l'épaule et l'accompagna à l'extérieur tout naturellement, laissant la blonde être portée vers la porte.

-Viens, nous pouvons en parler en ville ? Il n'y a rien de grave j'espère. Demanda Petra de son ton très maternel dont elle usait lorsqu'elle s'adressait aux frères et soeurs d'Auruo.

-Ce n'est pas grave, c'est seulement assez... étrange. Je ne peux pas en parler ici de toute manière ! Oh Petra, je suis désolée de t'embêter avec ça mais j'ai beau essayer, je n'y comprends plus rien ! S'exclama-t-elle plus franchement alors que leurs paroles s'éloignaient peu à peu du bâtiment du bataillon.

Elle marchait depuis quelques minutes, l'une à côté de l'autre, et la blonde ne cessait de tourner autour du pot en parlant d'un homme qui semblait énormément lui plaire. Petra se demanda alors si elle connaissait cet individu qui mettait son amie dans tous ses états.

-Mais, excuse moi de t'interrompre, de qui parles-tu bon sang ? Demanda-t-elle alors, faisant détourner le regard de son amie, embarrassée de devoir expliquer cela à la soldate.

-C'est Mike...

-Le capitaine Mike ?! Mais Nanaba, que s'est-il passé exactement ? Je veux tout savoir !

Petra portait un immense sourire niais suite à l'aveu de la blonde, qui ne réussissait pas à contenir les rougeurs sur ses pommettes. Mais voyant qu'elle ne pouvait plus reculer, elle prit une grande inspiration et s'apprêta à raconter ses péripéties sentimentales à sa camarade.

-Voilà, c'était ce matin, je l'ai croisé dans le couloir et je l'ai salué, comme je le fait d'habitude ! Mais il s'est retourné après être passé à côté de moi, et il a senti mes cheveux !

Cela pouvait paraitre plutôt loufoque pour n'importe lequel des passants qui aurait entendu son récit, mais ceci avait toujours été un réflexe chez le capitaine auquel ils avaient dû s'habituer.

-Seulement, ce n'est pas si étonnant que ça, si ? Répondit Petra d'un air compatissant en voyant que la jeune femme s'agitait de plus en plus.

-Mais juste après ça, il m'a dit que je sentais très bon ! Comme si de rien n'était, et comme si ça ne suffisait pas, il m'a proposé de l'accompagner pour aller en ville cette après-midi !

Petra n'en croyait pas ses oreilles, et s'imaginait parfaitement Mike demandait avec son air détaché à la pauvre jeune soldate de venir avec lui à ce qui s'apparentait à un rendez-vous.

-Et ?! Qu'est-ce que tu as dit ?! Raconte ! S'exclama la rousse en sautillant presque sur place.

La blonde face à elle se passa une main dans la nuque avant de pencher sa tête sur le côté dans son embarras. Leur discussion avait grandement soulagé son anxiété, cependant son problème restait le même.

-J'ai bégayé, et j'ai finit par dire que c'était d'accord, mais j'avais l'air d'une idiote ! Il a dû me trouver tellement étrange... Oh, Petra comment vais-je faire ? Je vais devoir discuter avec lui, mais tu penses qu'il va trouver ça désagréable si je ne parle que des expéditions ? Après tout ce n'est pas vraiment un rendez-vous, ce n'est qu'une sortie entre soldat... N'est-ce pas ? Ce n'est rien d'important.

Sa panique remonta aussitôt qu'elle déblatéra ses paroles à toute vitesse, mais la soldate rousse se mit alors en face d'elle, lui coupant la route, et lui saisit prestement les deux mains.

-Ecoute Nanaba ! Ne t'angoisse pas avec ce genre de chose, si tu en as envie, va à cette sortie. Et détends toi, tu verras que les mots viendront d'eux-même.

Elle reconnaissait que Mike ne s'était jamais montré très bavard, mais peut-être se montrerait-il différent avec la jeune femme. Il l'avait déjà invité à sortir assez subitement, ce qui était déjà une grande avancée pour les deux compagnons d'arme. Il était assez évident que la relation qui les unissait était plutôt particulière, et que la confiance qu'ils se vouaient l'un l'autre resterait indestructible.

Ce rendez-vous entre les deux vétérans du bataillon d'exploration avait grandement rappelé à Petra les sentiments étranges qu'elle portait déjà pour son caporal. Mais pour éviter de trop y penser, les deux jeunes femmes avaient passé le reste de la matinée à choisir quelle tenue serait la plus appropriée pour sortir en ville. Elles avaient énormément rit du fait que ces soldats savaient mieux y faire avec les lames qu'avec elles, tout en taquinant gentiment le manque de tact du grand blond.

Le soir même, Petra avait croisé les deux soldats devant la porte, et avait lancé un sourire complice à sa camarade qui ne savait plus où se mettre face à elle.

Cette situation avait été plus qu'inhabituelle pour la blonde, qui s'était toujours montré irréprochablement professionnelle avec Mike, mais cette journée avait eu le don de les rapprocher. La sérieuse Nanaba avait confié son plus grand secret, et ses sentiments à Petra ce jour-là, et la confiance avait régné entre elles depuis.

Mais de retour sur sa monture, la subordonnée rousse se souvint de leur objectif principal et réussit à se concentrer pleinement sur la mission, tout en conservant dans un coin de sa tête, l'espoir de retrouver son amie saine et sauve comme à son habitude.

La soldate blonde s'était montrée impitoyable au combat, une fois de plus, elle avait tranché férocement les nuques de ces monstres dont les corps s'écroulaient lourdement sur les ruines. Mais il suffisait d'une seconde, d'un instant, et c'était ce à quoi elle s'était engagée en tant que soldate. Elle dévouait son cœur, encore une fois, laissant sa vie et ses sentiments être emportés par la bataille.