Chapitre 4

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Cette fois, Stiles respirait relativement mieux. S'il ressentait toujours une espèce d'inconfort et gardait cette impression désagréable de devoir faire des efforts pour inspirer et expirer de manière plus fluide, c'était incomparable avec la sensation d'étouffement et de douleur qui l'avait étreint quelques jours plus tôt. Enfin, il pouvait s'en passer et s'il était heureux de ce fait, il n'avait personne avec qui partager cette joie. Plus de visites, pas de téléphone. Stiles se sentait puni, mais il était pour l'instant assez patient pour ne pas se plaindre auprès du personnel infirmier qui, de toute manière, ne passait que pour vérifier que tout allait bien.

A l'hôpital, les jours s'enchaînaient et se ressemblaient. Si Stiles devait être honnête avec lui-même, il en avait plus qu'assez d'être ici et pas simplement parce qu'il était aussi bridé dans ses gestes que dans sa parole. Bloqué de tous côtés, il avait commencé à analyser le comportement des équipes qui passaient régulièrement lui faire ses soins – auxquels il ne comprenait pas grand-chose puisqu'il ne savait absolument pas pourquoi il était là – et avait capté des choses qui lui déplaisaient profondément. Certains avaient des regards un peu trop appuyés sur sa personne, des sourires faux un peu trop poussés. Des gestes un peu trop précautionneux à son égard, teintés d'une méfiance étrange. Il avait également remarqué les coups d'yeux en biais dans sa direction, une surveillance tacite mais présente dont il se passerait bien. Que voulaient-ils qu'il fasse ? Se lever pour aller aux toilettes ? Il n'en avait même pas l'énergie et devait subir l'humiliation de devoir y aller accompagné, soutenu par un infirmier ou une infirmière disponible. Et puis... Il y avait les mots, aussi. On lui parlait comme s'il était un idiot, avec une exagération folle dans chaque ton. Plusieurs fois, Stiles avait levé les yeux au ciel. Si on le pensait stupide parce qu'il parlait peu, c'était mal le connaître. Qu'ils attendent que Stiles n'ait plus mal à la gorge, et l'on verrait s'ils se montreraient aussi hautains lorsqu'il les abreuverait de paroles jusqu'à ce qu'ils demandent qu'on les achève.

Mais si les visites du personnel soignant avaient le don de l'agacer, elles avaient au moins l'avantage d'égayer un minimum ses journées, de lui faire garder contact avec le genre humain. Non parce que Stiles se sentait extrêmement seul, et pas juste parce qu'il n'avait pas accès à son téléphone. Son père ne passait plus depuis deux à trois jours. Stiles avait mis cela sur le compte du travail qui devait sans doute lui prendre du temps. Ignorant le pincement au cœur que cela lui occasionnait à chaque fois qu'il y pensait, l'hyperactif imaginait ses affaires. Tel un enfant, il imaginait son père poursuivant les criminels, les arrêtant héroïquement, oubliant volontairement la réalité du métier. La paperasse, l'administration, l'attente... Toutes ces choses qui enlevaient au travail du shérif cet aspect un peu épique et cavalier. Parce qu'au final, Noah allait moins sur le terrain que ses subalternes. Le poste étant en sous-effectif constant, c'était au shérif que revenaient les tâches les plus fastidieuses et ennuyeuses. Il y passait souvent des heures, restait parfois jusque tard dans la nuit, quand il ne devait pas s'acharner pour terminer le matin. C'était aussi variable qu'aléatoire. Pour l'instant, Stiles préférait idéaliser son métier, histoire de passer le temps, tout en sachant qu'il se fourvoyait grandement, connaissant les coulisses de la chose mieux que personne. Il fallait bien s'occuper et puisqu'il n'avait rien à faire, rien à se mettre sous les doigts, penser était devenu son activité principale.

Il songeait à la meute, aussi. Pour l'instant – de ce qu'il en savait – les choses étaient calmes à Beacon Hills. En tout cas, c'était ce que lui disaient ses derniers souvenirs avant son énorme blackout. Blackout qu'il n'arrivait toujours pas à expliquer. Il ne se rappelait de rien et pas un seul infirmier n'avait désiré répondre à cette question qui revenait souvent dans sa bouche. S'il trouvait cela suspect ? Bien sûr que oui ! Et pour être honnête, l'hyperactif en avait assez, mais il ne disait rien. Qui lui répondrait ? Certainement pas les infirmiers, qui ne l'écoutaient que d'une oreille distraite, sauf lorsqu'il décrivait ses douleurs à la gorge. On lui répondait d'ailleurs toujours la même chose : « ça va passer, monsieur » avec, toujours, un regard teinté de méfiance. Stiles s'était senti vieillir à une allure folle et autant dire qu'il s'était senti bougon chaque fois qu'on l'avait appelé ainsi. Bordel, il était encore au lycée et le temps passait assez vite comme ça ! Pas la peine d'en rajouter... Bon, il était d'accord pour concéder que sa vie, pleine d'inquiétude et de péripéties, pouvait lui avoir fait gagner quelques légères rides, notamment au niveau du front... Mais quand même ! De là à le vieillir...

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