Not me

Chapitre 16

Stiles n'avait jamais eu le sommeil facile, excepté les premiers jours de sa convalescence. Ce soir-là, il peinait tant à dormir qu'il regrettait presque ce moment de sa vie... Lequel lui paraissait à la fois atrocement vieux et atrocement récent. Aux extrêmes opposés, en même temps.

Le fait est qu'il n'arrêtait pas de se tourner et retourner dans son lit sans réussir à trouver Morphée. Son corps lui pesait, ses paupières tout particulièrement et pourtant... Cela ne venait pas. Sa conscience le maintenait éveillé, prêt à le faire se questionner de mille et une manières quant à des sujets si nombreux que leur quantité lui donnaient la nausée alors même qu'il était allongé. Ses pensées allaient et venaient, se heurtant, se traversant sans arrêt. Un vrai carnage mental qu'il ne souhaitait à personne, pas même à son pire ennemi. Son cerveau revêtait pour lui la forme abstraite de l'enfer, tel qu'il se l'imaginait : un imbroglio infini fait de filaments emmêlés, lesquels étaient entourés par des ténèbres impénétrables.

Stiles mira l'heure qu'il était sur son réveil digital : le temps passait et il n'avait toujours pas fermé l'œil. En soi, ce n'était pas un problème s'il s'endormait tard, dans la mesure où il n'avait aucun impératif et qu'il ne reprendrait sans doute pas les cours de sitôt. Cela ne l'empêchait toutefois pas de vouloir garder un rythme de vie plus ou moins normal. Or il était certain qu'à ce rythme-là, ses yeux resteraient ouverts jusqu'au lever du jour et ce n'était pas là une idée qui lui faisait envie. Réussirait-il seulement à dormir à un moment ? Il commençait sérieusement à en douter.

Ainsi, il fit au mieux pour orienter ses pensées en direction de choses agréables, positives, des choses qui lui faisaient du bien. La première qui lui vint à l'esprit, péniblement, fut la plus récente.

L'unique sortie qu'il avait pu faire depuis des jours, avec Derek. Pas que la présence du loup l'ait foncièrement marqué, mais... En fait si, un peu. Peut-être beaucoup. Plus qu'il ne le pensait, en tout cas. Disons qu'il ne s'en rendait pas forcément compte de façon consciente. Il se souvenait de ses mots, de sa main pressant son épaule... De son soutien étonnant, mais pas de trop. Le genre de choses qu'il appréciait vraiment.

La présence de Derek était permanente, dans un sens. Stiles savait d'ailleurs qu'il ne quittait pas la maison, qu'il n'en était pas parti depuis sa dernière discussion avec Noah à ce sujet. Il ne la lui faisait néanmoins pas ressentir et lui laissait tous les moments qu'il voulait seul. D'ailleurs, à quoi passait-il ses journées, en dehors du fait qu'il le surveillait du coin de l'oreille ? Stiles se rendit compte du fait qu'il ne connaissait rien de lui, si ce n'est son caractère de cochon – pas si difficile que cela à vivre, d'ailleurs. Mais le fait est que finalement... Oui, il avait beaucoup apprécié cette facette de sa personnalité qu'il entrevoyait depuis que les choses semblaient s'être détendues entre eux, en particulier depuis cette balade.

Et le pire, c'est que Stiles songea qu'il aimerait beaucoup en faire d'autres. Sortir un peu plus souvent, retrouver cette espèce de quiétude qu'il avait partiellement ressentie dans la forêt. Passer un peu plus de temps avec Derek aussi, être un peu moins seul... Et puisque l'on avait décidé qu'il valait mieux ne pas informer tout de suite la meute de sa situation, il n'y avait que l'ancien alpha pour lui tenir compagnie. Et contrairement à ce qu'il pensait vaguement au départ, elle n'était pas si mal, cette compagnie.

Alors, c'est sur cette pensée que Stiles se saisit de son téléphone. Il savait que tout le monde dormait à l'heure actuelle, Derek compris, mais... Autant s'occuper, faire quelque chose qui pourrait lui être utile. Si le loup-garou avait été en mesure de convaincre Noah de le laisser sortir – à la condition qu'il l'accompagne, certes –, rien ne l'empêchait de recommencer. Son père, shérif de son état, l'écouterait davantage lui que son propre fils. Ce fait faisait mal au cœur de Stiles, qui comprenait malgré toute la méfiance douloureuse qu'il entretenait à son égard. Il faudrait sans doute du temps à Noah pour digérer cette histoire dans son ensemble, et peut-être plus encore pour accepter l'idée qu'elle soit autre chose que ce qu'elle semblait être au départ. Ainsi, seul Derek avait le pouvoir de le diriger progressivement sur ce chemin de pensées-là. Le message que rédigea Stiles à ce sujet fut relativement court et simple. C'est sans hésiter une seconde qu'il le lui envoya.

Disons que Stiles avait toujours été un électron libre et qu'il détestait l'idée d'être enfermé, de ne pas être complètement libre de ses mouvements. Entretenir le secret quant à la très probable tentative de meurtre à son encontre ? Il n'aimait pas du tout cela, mais comprenait que cela soit nécessaire. Il avait l'intelligence et la conscience de se dire qu'il s'agissait peut-être effectivement de la seule chose à faire pour le moment... Mais il lui fallait quelques moments de plaisir, de répit, de liberté. Coopérer, d'accord, mais à la condition qu'on lui accorde de bouger un peu. Qu'importe que Derek le chaperonne ou le surveille – il commençait même à s'habituer à cette idée-là. Dans la mesure où l'on avait sans doute attenté à sa vie... Oui, la présence de Derek avait quelque chose de rassurant.

Stiles éteignit l'écran de son téléphone et le reposa sur sa table de nuit en songeant au fait qu'il avait hâte d'être au matin, ne serait-ce que pour maximiser ses chances de sortir. Si Derek parlait suffisamment tôt à son père, celui-ci le laisserait sans doute sortir dans la matinée. Le loup-garou ayant réussi à le convaincre une fois du bienfondé de cette entreprise, l'exploit devrait être renouvelé plutôt aisément. Enfin, encore fallait-il que Derek le veuille. S'il avait prévu autre chose – car Stiles ne remettait nullement en doute le fait qu'il ait sans doute des choses à faire de son côté pendant ses tours de garde ici –, leur sortie serait sans doute reportée. Et l'humain ne comptait pas non plus forcer le loup à faire quoique ce soit même si en ce qui le concernait, les sorties de ce genre risquaient de devenir vitales dans la mesure où la situation risquait de durer.

Stiles tira la couette pour la remonter jusqu'à son menton, histoire de se donner l'impression d'être dans un cocon. Par ce geste, il espérait vainement se détendre suffisamment pour que son esprit accepte de le laisser sombrer dans ce sommeil qu'il attendait tant. Pouvait-il espérer dormir un peu plus d'une heure ? S'endormir, aussi simplement que cela, relevait d'ores et déjà de l'exploit dans la mesure où sa tête continuait de briller par son activité. C'était dans ce genre de moments que Stiles s'agaçait tout seul et maudissait son TDAH : il enviait les gens qui fonctionnaient un peu différemment de lui, qui... Savaient s'éteindre à peine leur tête était-elle posée sur l'oreiller.

Il imaginait sans mal Derek faire partie de cette catégorie de personnes. Ces gens tranquilles, adaptés à une vie et un fonctionnement qui leur seyait complètement. Et lui, Stiles, il était là, volatile, incandescent... Perdu. Toujours là à trop penser, à ressasser – dans le cas présent – des choses qu'il ne comprenait pas.

Il commença à se demander si espérer une heure de sommeil n'était pas un peu trop... Optimiste, par rapport à ses réflexions croissantes et ses envies de sorties qu'il ne pouvait, bien sûr, pas assouvir en cette nuit. Enfin techniquement, il en avait la possibilité et les capacités. Il avait toutefois trop de respect pour son paternel pour, cette fois-ci, trahir sa parole en sortant en catimini, le tout en faisant fi de ses inquiétudes et préoccupations. Maintenant, restait à savoir comment occuper le reste de sa nuit. Stiles réfléchit encore et toujours plus, ce souci-là s'ajoutant aux autres avec une facilité déconcertante.

Il n'était toutefois pas suffisamment perdu dans ses pensées pour ne pas entendre le bruit léger, ténu mais bien présent, de la poignée de sa porte que l'on abaissait doucement.