Chapitre 10

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Très honnêtement, Stiles n'aimait pas parler à Derek. L'embêter, le faire chier, lui en faire voir de toutes les couleurs, oui. Parlementer dans le but d'obtenir sa liberté, non. Parce que c'était surtout de ça qu'il s'agissait. Autrement, les conversations avec Derek n'existaient pas. Ils n'étaient pas amis, tout juste « collègues » de meute. Et c'était bête parce qu'au fond, Stiles l'aimait bien. L'ancien alpha avait cette petite lueur qui l'attirait inlassablement vers lui, ce truc qui lui donnait envie de le chercher, encore et toujours.

Quoique cette fois-ci faisait exception. Il voulait le chercher pour mieux le chasser. Seul, Stiles pourrait avoir le champ libre, agir à sa guise. Connaissant parfaitement ses propres talents de détectives – et y accordant plus de crédits que n'importe qui –, l'hyperactif se savait capable de démêler le vrai du faux et surtout... De découvrir ce qui lui était réellement arrivé. Il y tenait, d'autant plus qu'il ne désirait rien de plus que faire vivre un enfer à l'horrible personnage qui avait osé foutre un tel boxon dans sa vie et briser le peu de confiance que son père avait en lui.

Alors, Stiles ne lâcha pas Derek du regard. Très franchement, il ne savait pas comment convaincre Derek en tant que tel, s'imaginait plutôt devoir l'user, l'user, l'user... L'agacer jusqu'à ce qu'il abandonne le combat – et Dieu sait à quel point Stiles était fort à ce jeu-là. Néanmoins, il avait besoin d'être honnête, de montrer la vérité telle quelle. Pour avoir l'esprit tranquille, peut-être... Pour se dire que pour une fois, il était complètement honnête.

- Je n'ai jamais envisagé de mettre fin à mes jours de quelque manière que ce soit.

C'était dingue cette envie irrépressible de formuler cela à voix haute, comme s'il voulait montrer au monde entier que l'on s'était lourdement trompé à son sujet – jamais on ne pourrait le convaincre du contraire. Cependant, ce n'était certainement pas Derek qu'il réussirait à ranger de son côté : le bougre partageait avec lui ce besoin de le chercher. Le sens de cette provocation était toutefois différent. Si Stiles aimait faire cela pour l'emmerder, Derek était du genre à s'en servir pour le rabaisser. Chacun son truc – l'hyperactif appréciait suffisamment son humanité pour ne pas laisser les insultes éventuelles l'atteindre. Son point faible, c'était réellement la confiance qu'on pouvait lui accorder ou non.

Alors, il ne s'attendit à aucune forme de soutien de la part de l'ancien alpha qui lui faisait face. Il voyait les choses d'une manière bien particulière. Par exemple, Derek ne restait pas là pour le protéger ou veiller sur lui, mais bien pour le surveiller, l'épier. Et lui montrer, encore, qu'il n'était pas grand-chose, juste une gêne, une tâche de gras dans son emploi du temps aléatoire.

- Si ça peut te rassurer, enchaîna-t-il rapidement, je pars du principe que ma vérité t'importe peu. De toute manière, j'ai l'habitude de ne pas être cru, alors ce n'est pas cette fois-ci qui va changer quelque chose à ma vie.

Si Stiles était rôdé concernant tout ce qui était de l'ordre du rabaissement et de moults remarques de ce style, il tenait toutefois à ne pas fragiliser davantage l'équilibre fébrile de son moral. L'air de rien, ce qu'il avait vécu lui avait mis un sacré coup – se réveiller à l'hôpital et affronter le regard des autres, ce n'était pas rien. Convaincu de son innocence, Stiles devait donc se faire à l'idée qu'on avait littéralement attenté à sa vie et fait passer ça pour un suicide. Et si les motifs quant à ce geste lui manquait, la chose restait difficile à avaler, même pour lui. Alors forcément, il avait froid. La sensation, intérieure, le dérangeait quelque peu et le faisait se sentir un peu ailleurs, fébrile. Elle grignotait sa résistance, mettait à mal son assurance.

Néanmoins, il y avait dans la voix de Stiles une amertume certaine qu'il regrettait déjà. Elle était le reflet de ce qu'il ressentait, le reflet de ce qu'il refoulait chaque jour. Ce n'était en général pas quelque chose de dur à vivre, simplement... Ces mots avaient un sens plus fort en ces temps incertains. Stiles avait l'habitude de ne pas être cru, oui. Par ses amis. Il faut croire que son père était destiné à rejoindre leur camp – et son hyperactif de fils ferait tout pour l'en arracher. Les autres, il pouvait supporter, mais pas lui. Alors dans son désespoir se trouvait là la source de sa motivation. S'il fallait se battre pour prouver son innocence, quand bien même : au moins, il récupèrerait l'estime et la confiance de son paternel.

Devant le silence éloquent de Derek, Stiles décida de mettre fin à cette discussion à sens unique :

- Personne ne peut s'imaginer me connaître mieux que je me connais. Tu sais, je me fiche de ce que tu penses, de l'image que tu as de moi.

Ce n'était pas entièrement vrai et Stiles n'eut pas conscience de la manière dont son cœur le trahit concernant ses derniers mots.

- J'aimerais juste que tu me laisses me battre comme je l'entends sans chercher à me mettre de bâton dans les roues... Et ça passe par ton départ.

L'hyperactif se montrait étonnamment courtois – c'était le maximum qu'il pouvait faire en l'état actuel des choses –, pour la simple et bonne raison qu'il voulait s'éviter autant que possible de se prendre une remarque à la Derek Hale en pleine figure... Ainsi qu'un mur. Si cela faisait un moment que l'ancien alpha s'était calmé à ce sujet-là, Stiles n'oubliait rien. La situation étant, pour lui, assez difficile à digérer comme cela, il n'avait pas la moindre envie de se la compliquer davantage. Seule la certitude qu'il aurait bientôt le champ libre le motivait.

Mais Derek ne bougea pas d'un poil et son expression resta la même. Stiles poussa un soupir. S'il était conscient qu'il aurait à se battre pour prouver son innocence, il n'avait pas envie de dépenser toute son énergie maintenant.

- Sérieusement Derek... Tu ne veux pas juste rentrer chez toi et reprendre le cours de ta vie comme si rien ne s'était passé ? Je suis sûr que tu es très occupé, que tu as plein de choses à faire et que je ne suis rien de plus qu'une gêne dans ton emploi du temps dantesque.

Il y avait dans son ton un petit quelque chose de désespéré, la démonstration d'une fatigue mentale claire et indéniable. Stiles n'avait même plus envie de le provoquer comme il l'avait fait au départ – d'ailleurs, il ne le regardait même plus depuis un moment. Le jeune homme avait besoin de retrouver cette solitude qu'il abhorrait tant, parce qu'elle l'aidait paradoxalement à réfléchir correctement, à oser le face à face avec lui-même. D'une autre façon, se retrouver seul mais libre lui permettait d'accéder plus aisément à ce repos dont il avait véritablement besoin. S'il reprenait doucement du poil de la bête, c'était avec un poids certain sur le cœur et l'esprit. Un poids qui lui faisait l'effet d'un boulet accroché à sa cheville, et que la surveillance n'allégeait pas le moins du monde.

Stiles soupira malgré lui. Devait-il réellement attendre une réponse de la part de Derek ? Le roi du silence ne l'avait jamais réellement respecté ou écouté... Il ne voyait pas pourquoi les choses changeraient en ce jour... Alors, il se détourna du loup-garou, mais n'eut pas le temps de s'en éloigner d'une main se posa fermement sur son épaule. Stiles ne bougea pas et retint un nouveau soupir. Qu'allait inventer Derek pour lui faire comprendre qu'il n'était rien de plus qu'un indésirable dont il avait momentanément la charge ?

- J'attendais juste que tu me le dises.

Stiles fronça les sourcils et tourna rapidement la tête vers le loup-garou. Ce n'étaient pas seulement ses mots qui l'avaient interpelé... Il y avait aussi et surtout son ton aussi posé que sa voix était calme. Nécessairement, l'hyperactif se demanda ce qu'il lui prenait – et ce que voulait dire cette phrase. Aussi simple soit-elle, elle lui paraissait réellement sujette à interprétation. Ainsi, il ne se détendit pas pour l'instant, incapable de savoir si cela signifiait qu'il avait gagné ce round ou non. Derek était, à l'instar de sa nature lupine, quelqu'un qui savait se montrer particulièrement imprévisible – Stiles n'arrivait jamais à deviner ce qui lui passait par la tête. S'il arrivait parfois à prédire ses réactions – quoi de plus aisé lorsqu'il l'embêtait ? –, l'affaire était toute autre lorsqu'il s'agissait de l'expression d'un avis ou d'une décision.

Et pourtant, Stiles crut voir une lueur de satisfaction apparaître dans les yeux de Derek. Une lueur qu'il interpréta automatiquement comme liée à son discours. Et s'il eut raison par rapport à ce fait, il eut tort quant à la partie qu'elle concernait.

Derek lui cloua définitivement le bec lorsqu'il ajouta :

- Je pense que, maintenant, on peut vraiment discuter.

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