Chapitre 5

230 29 7
                                    

Stiles resta interdit de longues secondes. Le regard de son père le paralysait. A nouveau, il refusa de penser à l'hypothèse qui lui était déjà venue en tête à plusieurs reprises. Néanmoins... Bon, l'hyperactif n'allait pas cracher sur son père mais il était rare qu'il lui accorde autant d'attention. Enfin... De l'inquiétude. Stiles savait se débrouiller et était capable de se dépatouiller en cas de souci. Le pire, c'est qu'il s'en sortait toujours – sans trop savoir comment, mais il s'en sortait tout de même. Dans la meute, on le comparait parfois à un miraculé, parce qu'il était humain, intelligent, et que le danger était en général plus que sérieux.

Oui mais là, Noah ne le quittait pas des yeux et le regardait... Comme s'il pouvait disparaître d'un instant à l'autre. Stiles savait que son père l'aimait, mais... Il n'était réellement pas habitué à autant d'attention de sa part. La faute à ses absences répétées, à son boulot qui lui prenait tout son temps. L'hyperactif ne lui en voulait pas et ce serait mal le connaître que d'imaginer qu'il puisse être rancunier envers lui d'une quelconque façon. Son père, c'était sa famille et même si Stiles manquait parfois un peu d'affection, il savait que l'homme de loi l'aimait profondément et pourrait se prendre une balle pour lui. Alors le châtain s'en accommodait depuis toujours et cela lui allait, il s'y était accoutumé. Forcément, son attitude actuelle lui paraissait déroutante, cependant... C'était idiot, mais Stiles pourrait s'y habituer. Pas au fait que son père le regarde comme s'il allait disparaître d'un moment à un autre, non... Mais ce genre de démonstrations d'affection, telle que sa main qui serrait fort la sienne... Oui. Le petit garçon en lui, celui qui avait grandi dans l'absence d'un père et le fantôme d'une mère, réclamait ce genre de gestes d'affection. L'adolescent, lui, était tétanisé par la surprise, l'étonnement d'apprécier ces choses-là. Encore une fois : Noah aimait son fils, mais il n'avait jamais réellement su le montrer. Il avait donc fallu attendre qu'il se réveille un jour à l'hôpital pour que le shérif laisse tomber tout masque de pudeur et commence à lui donner un peu de cette affection dont il avait toujours eu besoin. Et encore... Stiles ne connaissait pas réellement la raison de sa présence ici. Son origine pouvait, selon ce qu'elle était, expliquer l'attitude emplie d'urgence de Noah. L'hyperactif comprit alors une chose, et pas des moindres.

Il n'était pas juste là à cause d'une simple blessure.

Il avait tout simplement frôlé la mort... Plus que d'habitude en tout cas.

Jusque-là, il n'y avait pas vraiment réfléchi, se contentant d'aller d'hypothèses en conjectures sans jamais se dire que c'était forcément des plus graves. Il y avait le déni, aussi. La peur de ce dans quoi il aurait pu s'embarquer.

- Tu as retrouvé tes souvenirs ?

Le choc de Stiles fut tel qu'il en avait tout simplement oublié la présence de Derek... Qui venait de se rappeler à lui sans aucun préambule. Il parlait d'un ton sûr. Les bras croisés sur son torse, il semblait dans l'attente. L'hyperactif détourna le regard de son père et fut heureux que celui-ci continue de lui tenir la main. Grâce à cela, il flancha mais ne s'effondra pas mentalement. Le contact avec son paternel le stabilisait, dans un sens, et il avait besoin de stabilité.

Puisqu'il mettait un peu de temps à répondre et qu'il semblait ne pas comprendre de quoi il parlait, Derek, grand seigneur, explicita :

- La dernière fois que je suis venu, tu m'as dit ne pas savoir ce que tu faisais ici. J'en ai donc conclu que tu ne te souvenais de rien. Je répète donc ma question. Est-ce que tu as retrouvé tes souvenirs ?

Quelque peu déboussolé car le choc n'était pas réellement passé, ce fut un Stiles pas le moins du monde assuré qui réfléchit sérieusement à la question. Qui tenta effectivement de se souvenir de ce qui aurait pu le conduire ici, à l'hôpital. Il se raccrocha alors à la main de son père qui ne le lâchait pas, qui restait à ses côtés et... Tant mieux, car il en avait grand besoin.

Parce que déjà, l'angoisse le gagnait à nouveau.

- Est-ce que... C'est mal si je te dis que rien ne me vient ? Demanda-t-il faiblement au bout d'un moment.

Et pourtant, il continua de réfléchir, tant et si bien que sa préoccupation sembla s'inscrire sur son visage. A côté de lui, son père garda un air digne malgré cette réponse qui, déjà, le glaçait. Parce qu'à vrai dire... Avant que Derek lui en parle, jamais il n'avait envisagé une autre possibilité que celle qu'on lui avait exposé.

En outre, il n'avait pas imaginé autre chose qu'une tentative de suicide, puisque c'était la conclusion à laquelle les médecins en étaient venus à cause de l'important lavage d'estomac qu'ils avaient dû lui faire...

- Non, Stiles, ce n'est pas... Mal, tenta maladroitement de le rassurer Noah. Mais tu n'as réellement... Aucun souvenir ? Pas le moindre flash. Cherche encore un peu, peut-être que...

- C'est inutile, le coupa Derek.

Le loup se leva, se rapprocha du lit et toisa Stiles d'un air sérieux. Incapable de soutenir son regard, l'hyperactif baissa le sien. Pourquoi avait-il honte, tout d'un coup ? Parce qu'il était à l'hôpital. Que son hospitalisation était loin d'être gratuite, que son père en paierait les frais au sens propre du terme. Qu'il n'avait aucune idée de la connerie qu'il avait pu faire. Qu'il était fatigué. Qu'il se sentait encore faible. Qu'il ne se souvenait de rien.

- Stiles, regarde-moi, quémanda Derek d'un ton neutre.

Malgré sa honte, l'hyperactif s'exécuta, dans une vaine tentative de conserver un minimum de dignité. Le peu qu'il lui restait, en fait. Et, naïvement, il essaya de glaner quelques informations au travers du regard de Derek car peu étaient au courant, mais l'observation et l'analyse figuraient parmi ses plus grands talents – si l'on pouvait considérer ces maigres facultés comme tels. Manque de chance, les iris bleu-vert du loup étaient impénétrables. Insondables. Stiles ne pourrait rien en tirer, même s'il le désirait ardemment.

- Je veux que tu me répondes le plus honnêtement possible.

Stiles fronça légèrement les sourcils, bâilla et hocha la tête. De toute manière, Derek pouvait détecter les mensonges avec son ouïe de loup et son instinct de super-héros, alors à quoi bon chercher à mentir ?

- Est-ce que tu as déjà pensé à mettre fin à tes jours ? Demanda directement le loup, sans aucun tact.

La réaction de Stiles ne se fit pas attendre : il ouvrit grand les yeux et regarda l'ancien alpha comme s'il lui avait dit que la Terre était plate. Était-il sérieux ? Bien sûr que oui, Derek était toujours sérieux...

- Bah non, répondit-il comme s'il s'agissait d'une évidence.

- Et récemment, tu ne voulais pas... Commença Noah.

- Non, non, bien sûr que non, réitéra l'hyperactif, perplexe et sidéré qu'on puisse penser cela de lui. Papa, tu... Tu me vois penser à un truc pareil ?

A nouveau, son hypothèse lui revint en tête et il la balaya d'un revers de pensée. C'était stupide, il aimait la vie, sans doute plus que n'importe qui !

L'hésitation qu'il lut dans le regard de son père cassa quelque chose en lui.

Comme si Noah ne lui faisait plus confiance. Comme s'il ne connaissait pas son propre fils.

L'attente interminable qu'il eut à subir lui donna raison.

- Je ne sais pas, fils, finit par lâcher le shérif, à regret.

Stiles tomba des nues et cette réponse lui donna l'impression qu'on lui avait enfoncé un pieu dans le cœur. Ou un poignard. Bien aiguisé. Enfoncé par son propre père. Malgré la fatigue et la faiblesse, le choc se lisait sur le visage de l'hyperactif qui, bouche bée, ne dit plus rien. Aussitôt, il eut envie de lâcher la main de son paternel alors même qu'il avait cruellement besoin de son contact. Ainsi blessé, Stiles eut envie d'hurler. De s'énerver. De pleurer. De s'isoler. Mais il n'était pas en mesure de s'exprimer comme il le voudrait, car il y avait cette pudeur, cette retenue habituelle qui emprisonna le ballet de feu l'animant dans son regard ambré. Un regard plus expressif que jamais. S'il ne se sentait pas aussi seul, sans doute aurait-il déjà congédié Noah et Derek pour faire le point avec cette hypothèse qui avait le malheur de se confirmer ainsi que ses émotions en vrac.

De toute manière, Derek lui épargna cette peine qu'il se serait lui-même infligée au bout d'un moment en demandant au shérif s'ils pouvaient sortir une minute.

Ailleurs et désormais plongé dans des réflexions mauvaises pour lui, Stiles se retrouva si désemparé qu'il ne sentit même pas son père lâcher sa main.

Not meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant