Chapitre 11

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Ce n'était pas parce que Derek lui montrait une ouverture que Stiles allait se détendre tout de suite. En fait, il n'arrivait pas à réprimer complètement la nervosité qui lui nouait le ventre. Techniquement, le loup-garou avait l'air de sous-entendre qu'il le croyait, qu'il savait qu'il n'avait en rien attenté à sa propre vie, mais d'un autre côté... Cette hypothèse ne coïncidait pas avec ses actes et, plus largement, sa présence. Disons que Derek semblait partager l'avis de son père qui, de son côté, avait perdu le peu de confiance en lui qu'il lui accordait jusqu'à... Cet épisode.

Ainsi, il lâcha un soupir. Quoi que cherche Derek, Stiles n'avait pas la force d'essayer de le satisfaire, ou même de l'envoyer dans les roses.

Il voulait juste être seul.

- Je n'ai rien de plus à te dire.

S'il adorait parler, il y avait des jours, comme celui-ci, où il ne désirait rien de plus que se taire. Parce qu'il était fatigué et qu'il n'avait plus envie de se justifier. De toute manière, il avait tendance à babiller dans le vide... En dehors du scepticisme de certains quant à ses paroles, il savait que la plupart ne l'écoutaient en réalité pas le moins du monde. Parfois, il se disait qu'il se trompait, qu'il était juste un peu parano sur les bords. Oui, il lui arrivait régulièrement de se heurter à son propre déni – sa sécurité personnelle. De temps en temps, il trouvait agréable de se préserver, de ne pas réellement savoir ces choses, ces détails qui n'avaient aucun autre effet que celui de le poignarder en douceur. Disons que ce n'était pas ce qui le faisait le plus souffrir, simplement... La situation présente le rendait quelque peu fébrile : il devait y mettre fin. Alors s'il voulait avancer, Stiles devait se protéger.

L'envie de retrouver son chez lui dans son intégralité était là aussi. Se sentir surveillé par quelqu'un qui adorait le voir en difficulté n'était pas quelque chose d'extrêmement agréable. Pas que Derek soit méchant de penser ainsi : Stiles songeait simplement qu'il s'agissait d'une sorte de juste retour des choses. Il l'avait longtemps embêté, provoqué, cherché... Alors ce qui lui semblait être une vengeance douce de sa part n'avait rien de surprenant.

Et pourtant, Derek eut un petit sourire alors qu'il le poussait sans brusquerie en direction du fauteuil le plus proche. Sentant ses jambes un peu faibles, Stiles ne résista pas et se laissa tomber dessus dans un soupir. De toute manière, s'opposer à lui aurait été vain : si le loup-garou désirait quelque chose, il pouvait le lui imposer si aisément que le voir gigoter serait risible. En outre, la continuité de leur « discussion » était inévitable. Enfin, Stiles ne voyait pas ce qu'ils pourraient se dire de plus... De son côté, l'hyperactif n'avait aucun argument, juste cet instinct qui lui hurlait qu'on se trompait à son sujet. Et rien pour le corroborer : sa mémoire ne lui était pas encore revenue. Ça, ça l'emmerdait profondément.

- Ce qui est pratique avec toi, c'est que tu ne changes jamais.

Stiles fronça les sourcils tant il comprenait peu la raison pour laquelle Derek lui disait cela. C'était limite si pour lui, ça n'avait pas de sens. Il se sentait d'ailleurs si peu à son aise qu'il se demanda à quel jeu le loup-garou jouait précisément... Et il lui tarda plus que tout qu'il le laisse tranquille. A défaut de s'en aller, il pouvait le laisser retourner dans sa chambre, réfléchir la situation dans tous les sens dans l'espoir d'y comprendre quelque chose... Et de trouver le truc qui pourrait leur clouer le bec, à tous. Son père. Derek. Melissa. Les autres aussi, lorsqu'ils sauraient.

Stiles regarda avec une lassitude non feinte Derek s'installer face à lui. Fut un temps où il aurait adoré savoir son attention centrée sur sa personne et surtout, aussi longtemps. C'était d'ailleurs dans ce but qu'il l'embêtait régulièrement. Néanmoins, la situation actuelle lui donnait juste envie de se faire tout petit, juste pour qu'il l'oublie. Qu'il arrête de le surveiller, de donner de l'importance à cet acte qu'il aurait soi-disant fait. Stiles avait manqué de mourir, c'était un fait et il n'avait pas envie que Derek cherche à voir plus loin que cela. Pour avancer et découvrir ce qu'il s'était réellement passé, il ne lui fallait rien de plus que son départ.

- Tu restes fidèle à toi-même et ce, quoi qu'il puisse se passer.

Stiles ressentit l'envie de lever les yeux au ciel mais ne le fit pas. Jusque-là, il était au courant, Derek ne lui apprenait rien de neuf. D'ailleurs, si c'était tout ce qu'il avait à lui dire, l'humain ne le retenait pas – il pouvait s'en aller sans aucun problème. Du ballais. Mais il restait là, confortablement installé face à lui, comme si partir était loin de faire partie de ses plans. Stiles sentit une forme de désespoir l'envahir. Garder le moral à un niveau acceptable risquait de devenir compliqué si rien n'était fait pour le maintenir à flot. Derek n'avait pas besoin de le narguer. En l'état actuel de la situation, la chose ne servirait à rien. La fierté de Stiles n'existait plus vraiment, de toute façon. Tout ce qu'il lui restait, c'était sa ténacité légendaire, celle qui faisait de lui ce qu'il était : un humain à l'entêtement aussi dingue que suicidaire... Quoiqu'utiliser ce mot en ce moment était plutôt risqué car même si Stiles était persuadé de n'avoir rien fait, y penser lui foutait le cafard tant sa signification prenait un sens macabre. Stiles lui-même ne se faisait plus vraiment l'effet d'une étincelle un peu folle, mais bien d'une bougie dont on avait étouffé la flamme. Ça, c'était terrifiant. Lui, il voulait rester explosif et se rapproprier le sens d'un mot pour lui totalement différent. Lui redonner celui qu'il avait : à savoir risqué dans ses comportements, mais pas autre chose.

- Cool, lâcha simplement Stiles dans un soupir lourd.

Que dire d'autre ? Il n'arrivait même pas à savoir s'il était censé prendre ça pour un compliment ou non. Chaque mot qui sortait de la bouche de Derek était difficile à interpréter. S'il s'écoutait, il prendrait l'intégralité de son maigre discours pour une moquerie complète. Il n'attendait qu'une chose : que l'ancien alpha lui montre son vrai visage et rie de son malheur. Pour lui, il s'agissait de la seule issue possible de cette situation.

Cette fois-ci, c'est Derek qui soupira.

- Stiles, je suis de ton côté.

- Je te crois, railla l'hyperactif.

- Je pense que tu n'as pas compris.

- Alors explique-moi, Einstein.

S'il y avait bien un point sur lequel l'hyperactif n'avait pas changé côté défaut, c'était ce besoin qu'il avait de jouer au con, de provoquer encore et toujours Derek. De tout faire pour susciter une réaction de sa part et de le pousser dans ses retranchements pour qu'il se décide enfin à arrêter de le surveiller. Quoiqu'il en serait bien capable, ne serait-ce que pour trouver des moyens supplémentaires de se moquer de lui, de l'humilier. Et Stiles ne voulait pas espérer, croire que Derek pourrait réellement être de son côté, comme il le disait. Il n'avait pas le cœur à être déçu.

- Je sais que tu n'as pas tenté de te suicider.

Entendre ces mots ne lui procura pas la moindre joie alors même qu'il s'agissait de ceux qu'il attendait depuis le départ. En fait, Stiles n'expérimenta pas de réelle réaction. Il détourna juste le regard, dans l'attente de la chute de cette discussion presque à sens unique. Parce qu'il y en aurait forcément une, parce que les choses ne pouvaient pas en être autrement. Dans un sens, il n'avait plus rien à perdre et retrouvait plus ou moins le même état d'esprit que lorsqu'il avait découvert qu'on ne l'avait pas emmené à Eichen House, mais chez lui. Désabusé, pas le moins du monde emballé, même s'il avait de quoi être soulagé. En fait, il devrait l'être, sentir également la puissance de la joie et de l'apaisement l'envahir. A la place ? Une sorte de vide, comme si aucun des mots de Derek n'était réel... Ou ne contenait aucune forme de vérité.

- Je sais que tu n'es pas responsable de ce qui t'est arrivé, insista le loup-garou.

Stiles haussa les épaules. C'était dingue comme il n'avait pas envie de se battre, comme il attendait sa sentence finale, le couperait qui viendrait s'abattre sur les maigres espoirs qu'il avait longtemps entretenus et qu'il gardait sciemment étouffés depuis un moment.

Alors, il ne crut tout simplement pas Derek et esquissa un sourire sans joie.

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