La Magicienne Sans Cœur (GxG)

XVII. Vengeance

La dernière image fut aspirée par le noir.

Noir sans échappatoire.

Noir sans espoir.

Juliette se laissa choir sur le sol, ignorant la griffure de la pierre contre ses genoux. Elle ne réagit pas lorsqu'elle sentit une fourrure douce effleurer ses jambes, caresser ses bras.

Le loup s'allongea à ses côtés, s'enroula autour de son dos sans un bruit.

Elle ne dit rien.

Pendant de longues minutes.

Puis, elle parvint à éructer un chuchotement déchiré.

— Je... Je ne...

Le son rauque, étouffé fondit mot après mot dans sa gorge. Elle avala sa salive, chercha au fond d'elle une source d'apaisement. N'en trouva pas.

À la place, une expiration saccadé, sacrifiée.

Le silence s'allongea entre les deux femmes.

Étouffant.

Son murmure était aussi faible qu'un mourant.

— L'enfant, c'est...

Le rire de Saphira écorcha ses oreilles comme du verre brisé.

— Non, bien sûr que non. Ce n'est pas vous. C'est une inconnue. Je ne sais pas qui elle est. Je ne sais pas où elle est.

Juliette la fixa longuement en silence, avant de laisser échapper un soupir cassé :

— Qu'est-ce que je dois dire...?

Saphira riva ses yeux froids sur le visage rougi de la princesse de Percée.

— Rien.

Juliette releva la tête, comme si elle pesait le poids du ciel. Son regard était lointain, hagard.

— Absolument rien.

Alors, la princesse baissa la tête, vaincue. D'un geste rageur, violent, elle essuya le bout de son nez dans un reniflement bruyant.

— Alors c'est pour ça...

Dans un frémissement, elle murmurait pour personne en particulier.

— Votre vengeance.

L'air tout autour d'elle était plat, immobile, sans aucune vague de désaccord. Comme un lac gelé.

— Oui.

— Et ça a marché ?

Saphira haussa un sourcil noir comme l'ébène, qui anima son visage et transforma sa cicatrice en une créature vivante.

— Quoi donc ?

— Votre vengeance. Est-ce que vous avez réussi à faire souffrir mon père autant qu'il vous a fait souffrir ?

— Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas mené cette vengeance à terme.

— Ah oui ! persiffla la princesse, amère. Parce que me briser était trop ennuyeux, c'est vrai. Navrée, j'avais oublié ce détail.

— Je n'ai jamais dit que c'était par ennui ou désintérêt que j'ai mis fin à ce projet de vengeance, trancha Crudelis, polaire. J'ai seulement dit que c'était trop simple.

— Ah oui ? Et quelle est donc la différence, Ô Grande Magicienne ?

La voix de Juliette dégoulinait comme un venin, piquant et corrosif.

Mais Saphira n'en fit pas cas, comme un aveu d'acceptation.

— C'était trop simple car cela ne me demandait aucun effort. Je n'avais qu'à écouter ma haine et à chanter avec elle. J'ai vu votre corps de bébé, et dans vos yeux j'ai voulu y lire l'arrogance de votre père. J'ai voulu croire qu'il ferait de vous un produit d'orgueil et d'ambition à son image. Encore un autre humain qui foulerait cette terre, prêt à sacrifier la Nature et la vie pour lustrer sa couronne. Mais à la place, il a fait de vous une poupée de chiffon incapable de s'animer sans la force de ses mains. Pas l'image de votre père, non, vous êtes devenue le reflet parfait de votre mère. Sans volonté, sans vie.