XX. Vivre

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Mais au bout de quelques secondes, trop de secondes, elle ne sentit rien.

Le vide.

Alors, elle ouvrit les yeux.

Fut attirée par une lueur flottant sur le sol.

À ses pieds gisaient des fragments de pierre.

Et une flaque dorée.

Interdite, elle leva lentement les yeux.

Croisa le regard charbon terrifié de son père.

Le sourire violet de satisfaction sur la bouche de Saphira.

— Viser ta propre fille pour m'atteindre, petit roi ? S'attaquer à ce même être sans défense que tu prétends protéger depuis dix-huit ans ? Mais quand donc mourra ta démence ?

Richard fixait la flèche détruite aux pieds de sa fille, et la main tendue de Saphira en direction du cadavre de son arme, les lèvres tremblantes.

— Alors... Alors... C'est donc vrai. Tu te serais sacrifiée... plutôt que la laisser partir.

Sa voix résonnait dans le vide, parvenant à peine à s'élever au-dessus du bruit incessant des pierres valsant dans les airs.

— Sacrifier ? répéta Crudelis, dans un rire suffisant. Mais qui parle donc de sacrifice ? Tes armes, je peux toutes les détruire.

— Non... murmura Richard, le regard hagard. Pas celle-là... Celle-là, tu n'aurais pas dû pouvoir...

— Et vous n'auriez jamais dû en faire usage ! s'écria le général d'Indeya, désignant la flèche d'un geste virulent. Vous aviez juré que vous ne l'utiliseriez qu'en cas de menace immédiate et irréversible.

— La perte définitive de ma fille n'est-elle pas une menace irréversible à vos yeux ? demanda Richard, la voix vide, sans se retourner.

Le dignitaire d'Indeya ouvrit de grands yeux.

— Mais votre fille n'était pas directement menacée, c'est vous qui l'avez visée volontairement ! Vous prétendez vouloir vous rendre au Pic de la Tourmente pour sauver votre fille, mais d'après ce que je vois, cela me semble être plutôt le contraire.

— Elle a choisi cette sorcière, plutôt que moi. Alors si... Croyez bien que je l'ai déjà perdue, depuis longtemps.

Son regard mort tomba sur la flaque d'or aux pieds de Juliette.

— Cette flèche était censée détruire celui ou celle qui essaierait de la parer, j'ai demandé l'aide d'une puissante sorcière pour l'obtenir... marmonna-t-il. Je ne comprends pas.

Un rire cynique vint craqueler le silence.

— Oh, mais ta flèche a bien fonctionné, cher roi. Elle a détruit la pierre qui s'est dressée sur son chemin. Mais à en juger par ton air déconfit, j'ose imaginer que ce n'était pas là l'effet escompté ? ajouta-t-elle, sardonique, son rictus s'élargissant encore. Et cela, évidemment, ta sorcière ne te l'aura pas dit, parce que les sorcières ont toutes un parti pris, raison pour laquelle elles n'engagent pas leur parole. Ta femme a essayé de te prévenir, mais bien sûr, tu ne l'as pas écoutée, comme toutes les autres. Tu as cru que cette flèche me tuerait parce que je suis celle qui a souhaité l'anéantir. Sauf que, comme toujours, ton raisonnement est parcellaire, erroné. Tu penses encore que la puissance qui m'habite est mienne et seulement mienne, mais comme toujours, tu n'as rien compris. Et tu n'as pas essayé de comprendre.

À nouveau, elle ouvrit les bras.

Les pierres qui tourbillonnaient dans les airs non loin de l'armée de Percée dévièrent leur trajectoire et rebroussèrent chemin.

La Magicienne Sans Cœur (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant