VII. Sauveuse

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Chancelante, la princesse parvint tout de même à se lever et à retrouver ses vêtements déchirés éparpillés dans les hautes herbes de la petite clairière. Elle enfila sa tunique qui avait été réduite en pièces et noua ce qu'il restait de son châle autour de son cou.

Elle voulut ramasser d'autres fruits pour les emporter avec elle mais l'arbre qui était auparavant couvert de baies rouges comme le sang avait été réduit en cendres.

Et avec lui, son repas.

Elle s'engagea dans un sentier, qu'elle suivit pendant plusieurs heures avant d'arriver dans une autre clairière. Elle balaya la clairière des yeux et vit une mare rouge écarlate au pied d'un arbre. Elle tourna la tête du côté opposé pour y découvrir un spectacle sinistre.

Un arbre en cendres.

Elle comprit qu'elle avait malencontreusement rebroussé chemin. Elle prit alors un chemin différent du précédent, par précaution. Celui-ci était fait de terre et longeait une rivière, translucide et gazouillante de vie, pour aboutir, lui aussi, sur un écrin de verdure exposé au soleil au creux des bosquets.

Lorsqu'elle leva les yeux, elle reconnut avec surprise un tronc noir identique à celui qui avait été la proie des flammes quelques heures plus tôt.

Pourtant, il était intact.

Comme s'il s'était régénéré.

Ses feuilles étaient grandes et lisses, d'un vert émeraude, et des baies rouges poussaient ici et là sur des branches longues, larges et solides, d'un marron profond et chaud.

La princesse n'en crut pas ses yeux, elle s'approcha de l'arbre miraculeux et goûta un fruit comme pour être sûre qu'elle ne rêvait pas.

Il était succulent ; frais et juteux.

Elle en ramassa une dizaine qu'elle rangea dans son petit sac, puis elle reprit la route, un sourire éclatant éclairant son visage.

Elle se dirigea vers un troisième sentier, qu'elle foula pendant presque une heure, se faufilant difficilement entre les ronces et les buissons épineux.

Pour enfin se retrouver à nouveau au milieu de la clairière. Elle leva les yeux, sûre de trouver l'arbre couvert de fruits rouges, mais à sa place se tenait une femme.

Grande, droite et fine, trop fine.

Un long manteau noir couvrait son corps des pieds jusqu'à la tête. Elle avait cette allure imposante et majestueuse qui donnait envie et faisait craindre pour sa vie. Une large capuche cachait son visage, ne laissant apparaître que ses lèvres closes et son menton fin. Juliette ne pouvait voir son expression, mais le bas de son visage était tendu, comme étiré par un fil d'acier. Un col évasé protégeait son cou, le vêtement était dessiné de telle sorte qu'il annihilait toutes les formes, courbes et rectilignes, de la mystérieuse femme. Le tissu resserré au niveau de la taille par un fin cordon argenté, les manches longues et larges partant des épaules et dissimulant entièrement ses mains, lui offraient une apparence à la fois fascinante et terrifiante. Le bas de l'interminable manteau allait en s'élargissant tant et si bien qu'il s'étalait par terre tout autour de ses pieds invisibles tel un lac gelé.

Juliette hésita devant cette apparence austère et inquiétante, mais elle écouta cette voix au fond d'elle qui lui soufflait de courir vers cette femme, à ses risques et périls. Elle finit donc par céder à son désespoir et se précipita en avant.

— Oh, pour la bonté de Thelma ! Madame, je vous en supplie ! s'écria la princesse, désemparée. Aidez-moi. Je viens de rencontrer quatre hommes très étranges, je ne sais ce qu'ils voulaient de moi, mais... Un garçon est inconscient, quelque part dans la forêt. Et les autres... Ils se sont faits dévorer par... Oh, c'était une énorme bête ! Avec des yeux... étranges ! Cela fait des jours et des nuits que je marche sans interruption, je ne sais où aller. J'ai fui mon foyer et je ne peux y retourner, mes parents veulent me marier. La cérémonie aura lieu dans quelques mois, et je ne veux pas me marier... Non, je ne peux pas me marier ! Aidez-moi, je vous en prie.

La Magicienne Sans Cœur (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant